Un document d’archive tout à fait exceptionnel sur la vie des juifs du Maroc dans les années 1950/1960.

L’atmosphère du Mella’h, le Talmud Torah, Roch Hachana, Pourim, la lecture de la Méguila par le Rav Meïr Israël. Les petits métiers disparus… ►►

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A la recherche des derniers juifs de Fès

Sur les quelques 16 000 juifs que comptait la communauté juive en 1950, il ne reste plus de nos jours à Fès qu’une centaine, des vieux pour la plupart, alors que dans ses périodes fastes la communauté réprésentait souvent 10% de la population totale.
Aujourd’hui ils essaient avant tout de restaurer leur patrimoine.

La porte est discrète. Une petite plaque indique que nous sommes bien au Centre Maïmonide, du nom d’un des plus grands rabbins de l’histoire séfarade et philosophe, décédé au début du XIIIe siècle. À l’intérieur du lieu ouvert en 1988, le calme règne.

Des bureaux, une cour, une boucherie casher, une minuscule synagogue, un petit restaurant doté d’un bar derrière lequel un homme s’affaire.

« Si vous cherchez quelqu’un de la communauté juive, il faut aller dans les bureaux. Je suis musulman. »

Direction les bureaux. Une femme tapote un clavier d’ordinateur. Une des dernières juives vivant encore dans la ville de Fès.

Ils sont entre cinquante et cent aujourd’hui, sur environ 5 000 dans l’ensemble du Maroc.

Elle s’arrête : « C’est pour parler de nous ? » Un instant de réflexion et elle reprend : « Vous pouvez demander à Monsieur Oliel. C’est notre boucher. Mais à cette heure-ci… Je pense qu’il dort. »

Une autre piste ? « Il y a bien Monsieur Sebak, qui est notre rabbin. Mais je pense qu’il est en déplacement à Ouezzane, pour une hiloula (cérémonie juive, NDLR). »

Un pèlerinage qui réunit plusieurs milliers de Juifs a en effet lieu annuellement sur la tombe de Amram Ben Diwan, rabbin du XVIIIe siècle, que de nombreux musulmans reconnaissent aussi comme un homme saint. De toute évidence, il faut revenir plus tard.

Devant la porte, deux policiers veillent, et ce même si « jamais un fassi (habitant de Fès, NDLR) n’aurait l’idée de s’en prendre aux juifs de la ville », nous confie un jeune homme qui traînait là.

Les agents indiquent la direction d’une synagogue dans le centre ville, à quelques centaines de mètres. « Vous verrez, devant aussi il y a un ou deux policiers. »

Elle est fermée. Un homme âgé et ventru passe. S’arrête : « Vous cherchez quelque chose ? »

Il s’amuse du vœu de rencontrer des représentants de sa communauté, bougonne qu’il préfère ne pas s’attarder − il fait quelque 37 degrés − et indique un bar, à quelques encablures.

En effet, au-dessus du bar Astor, une pancarte indique : « casher ». Mais là, le gérant, musulman, déçoit une fois de plus le curieux : « Le propriétaire, Monsieur Edmond, est bien Juif… Mais il n’est pas là. »

Et puis, devant une mine dépitée : « Vous voulez lui parler ? Il faut demander ‘Idmo’, dans le Mellah. Il gère le cimetière juif ».

Pourtant, plus aucun Juif ne vit dans le Mellah, le quartier traditionnel juif, aujourd’hui. Tous sont installés dans la nouvelle ville.

Fes Mellah

 

Edmond Gabay et ses registres

En approchant du cimetière, on croise un groupe massif de visiteurs. Ils sont des dizaines de voyageurs juifs d’origine marocaine à venir visiter les lieux.

« Dix dirhams l’entrée », indique le jeune gardien, un musulman qui parle quelques mots de français, d’anglais et d’hébreu.

C’est avec l’argent des visites que la communauté israélite entretient les 12 000 tombes qui sont là − selon celui qui les entretient −, réunies dans ce cimetière datant du début du XVIIe siècle et témoigne de la longue histoire juive marocaine.

Toutes sont peintes en blanc et le soleil de plomb qui s’y réverbère éblouit le visiteur.

Mellah de Fès

Dans un coin du cimetière, on trouve le bureau du fameux Edmond Gabay, 83 ans.

Assis face à un touriste, il tourne les pages d’épais registres annotés : les noms de toutes les personnes enterrées là. Le visiteur est venu d’Europe retrouver des ancêtre.

Gabay tourne les pages, marmonne. Il a mis huit ans à mettre au point, seul, ces épais volumes. « Grâce à Dieu, tout va bien », ne cesse-t-il de sourire en racontant son histoire.

Lorsqu’il est né, dans le Mellah, les Juifs étaient encore entre 25 000 et 30 000.

« Puis, ils sont partis », lâche-t-il simplement, avant d’ajouter : « Et moi je suis resté ».

Ni lui ni les autres membres de la communauté rencontrés ne tiennent à s’attarder sur ces départs. « Il y a eu le rêve sioniste, il y a eu la peur au moment des guerres entre Israël et les pays arabes…

Et puis il y avait l’envie d’émigrer vers des pays plus riches, tout simplement comme beaucoup de Marocains, Juifs ou pas », soupire l’un d’eux.

Gabay précise : « Vous savez, mes enfants sont partis. Aujourd’hui, ici, il n’y a plus que les vieux. Le plus jeune d’entre nous dit avoir cinquante ans. »

Il regarde, songeur, les tombes qui lui font face et conseille : « Il faut aller faire un tour dans les synagogues du Mellah. »

 

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De synagogue en synagogue

Deux synagogues historiques peuvent être visitées aujourd’hui. Celle d’Aben Danan et celle de Slat El Fassiyine.

Cette dernière a été rénovée entre 2011 et 2013. Armand Guigui, président de la Communauté israélite de Fès, Oujda et Sefrou était là le jour où le chef du gouvernement islamiste, Abdelilah Benkirane, en compagnie de Serge Berdugo, ancien ministre, originaire de Meknès, figure de la communauté juive casablancaise, et André Azoulay, conseiller du roi, juif d’Essaouira l’ont inaugurée en grande pompe.

« La communauté juive compte avant tout sur elle-même pour rénover et entretenir ces lieux », explique Armand Guigui.

Dans la mosquée Slat El Fassiyine, une plaque remercie le gouvernement allemand d’avoir mis la main à la poche.

« Le fils de Simon Lévy (militant juif communiste et antisioniste, créateur du Musée du judaïsme marocain à Casablanca, décédé en 2012, NDLR) vit en Allemagne, c’est lui qui a fait les démarches nécessaire et permis cela », d’après Armand Guigui.

Aujourd’hui, moyennant dix dirhams, les touristes peuvent visiter ce lieu bâti au XVIIe siècle. Les deux synagogues du Mellah sont gardées par des Marocains musulmans. Elles ne servent de lieu de prière que pour les grandes occasions.

Les juifs de Fès s’en tiennent sinon aux deux synagogues du centre ville. « Les deux autres synagogues du Mellah vont êtres rénovées bientôt », annonce Armand Guigui. « Ça en fera six sur tout Fès. »

Mais l’homme, né en 1935 − « nous étions 28 000 à l’époque » − insiste : le patrimoine juif est partout à Fès, même là où on ne le voit pas. « Saviez vous que Maïmonide avait vécu à Fès et enseigné à la Quaraouiyine ? », interroge-t-il.

On dit en effet que le célèbre philosophe a vécu en face de la célèbre Médersa Bou Inania. Il avait fui Cordoue, conquise par les Almohades qui n’avaient laissé d’autres choix aux non-musulmans que l’exil, la mort ou la conversion.

Entretenir la mémoire

Et la fierté des juifs de Fès est double, nous explique Armand Guigui : non seulement leur communauté a pleinement participé à faire rayonner la ville sainte du Maroc, mais elle a aussi offert au monde juif de grands noms : « Vous connaissez les anciens rabbins de Fès comme rabbi Serfaty ? » demande encore notre spécialiste.

Un lien avec Abraham Serfaty, l’opposant communiste à Hassan II et militant antisioniste, décédé en 2010 ? « Non, rien à voir », écarte-t-il d’un revers de main Guigui. « Non, les rabbins de Fès sont surtout connus pour être de très grands grammairiens de l’hébreu. Ils sont célèbres chez les juifs du monde entier ! », se réjouit-il.

Mais Armand Guigui n’a plus le temps pour parler d’histoire. Il vient à peine de rentrer d’une cérémonie à Oujda, où vivent encore cinq ou six juifs marocains.

Une synagogue a récemment été restaurée dans la ville. « Vous savez, les hommes ne sont pas éternels. Alors il faut entretenir le patrimoine, la mémoire, les lieux », glisse-t-il avant de filer.

Dans la soirée, le centre Maïmonide accueille plus d’une centaine de touristes juifs. Il faut dresser le couvert et disposer les plats préparés par Maklouf Oliel, le boucher de la communauté, qui depuis, s’est réveillé de sa sieste.

www.tribunejuive.info

Source jeuneafrique

Les Juifs dans l’histoire de Fès

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Moshe Benchimol

Quelle fierté j’ai d’être un juif du Maroc d’avoir vécu au Maroc ou je n’avait pas connu de différence entre un juif un musulman ou un chretien
C’est au Maroc ou j’ai reçu un enseignement de haute qualité en français ,heb4eu et même en arabe.
Il a fallu venir en France pour voir les différences , et en Israël pour découvrir le différence entre juifs sepharades et ashkénazes
Mais aujourd’hui grâce à l’enseignement et à la tradition juive je suis fière et reconnaissant du Maroc pour mon éducation juive et de la France pour la connaissance universelle
Cette union j’aimerai qu’elle soit perpétuée à mes petits enfants
Et la paix sera entre nous tous les fils de l’éternel unique et sans différence
Messieurs les politiques soyez à l’écart car l’amour n’a pas de prix ni de corruption
Merci pour ce documentaire du coeur
Vive Israël, vive la France et vive le Maroc

sam

Pour Aïcha,
Effectivement vous avez raison il existait une bonne entente entre musulmans et juifs, le mot « Harmonie » me parait excessif, j’ai vecu au mellah prés du port, derrière la Résidence du représentant de la France.
Bien à vous.

aicha

Bonjour,
Je suis marocaine musulmane, mais je suis très imprégnée de la culture juive marocaine qui fait partie de notre patrimoine tout autant que la culture arabo-musulmane.
J’ai vécu cette époque, j’ai 60 ans, mais certains commentaires dans le documentaire m’ont un peu étonnée. Le mellah y est présenté comme un « ghetto nord-africain », effectivement le mellah était un lieu où vivait la communauté juive mais y vivaient également, et en bonne harmonie, des familles musulmanes dans les mêmes conditions économiques souvent précaires de l’époque. La grande majorité des familles musulmanes n’étaient pas mieux loties. La plupart vivaient dans les mêmes conditions modestes aussi bien dans le mellah que dans d’autres quartiers de la ville, ou pire encore dans des « noualas » (maisons au toit de chaume) aux abords de la ville. Je parle ici de Casablanca.
Le documentaire parle de « l’animosité d’un entourage hostile et agressif ! », Pourquoi hostile et agressif, au contraire le commerce était florissant entre juifs et musulmans, de même pour les rapports de voisinage. Je peux même témoigner du fait que certaines mamans juives ont allaité des bébés musulmans et vice-versa. Des mauvaises personnes, il y en a toujours eu, malheureusement, en tous lieux et à toutes les époques.
Quant aux portes qui se fermaient à la nuit tombée, si cela a bel et bien existé lors des siècles passés où toutes les médinas et en l’occurrence les mellah avaient des portes pour se préserver des invasions et des brigands, ce n’était pas du tout le cas au XXème siècle.
J’étais enfant à l’époque, nous n’habitions pas le Mellah, mais je venais régulièrement avec ma maman pour y faire nos courses. J’avais de nombreux camarades de classe de confession juive et je garde de très bons souvenirs de ces années là où nous ne faisions pas de différence entre juifs, chrétiens ou musulmans.
Je suis très nostalgique de cette époque. Excusez mon intrusion dans ce forum, je tenais juste à relever quelques petites remarques qui je pense n’ont pas dû être faites par des personnes ayant vraiment vécu dans ces lieux et à cette époque.
Cordialement.

joseph

@Aïcha Bonjour,
je suis Juif, de nationalité française, né au Maroc (Oujda)
Il est vrai que ma mère, privée par Vichy de son métier d’institutrice, a pu continuer grâce à Mohammed V à exercer dans les écoles marocaines, mais il est vrai aussi, que de loin en loin se lève un imam qui rallume le jihad.
Mon père m’a parlé des pogroms d’Oujda (1947) et Djerada (1954), et d’autres..

J’avais 15 ans en Juin 1967
Dans le souk, les sonos passaient en boucle la chanson d’Oum Kalsoum « Adbah El Yehoud » (égorge le Juif)
A Berkane, un allumé a pris cette injonction au sérieux, et a attendu la sortie de la synagogue : 15 morts.
La semaine suivante mes parents nous mettaient dans l’avion pour la France.
Les Juifs marocains ont réussi (plus difficilement) à partir, au fil des ans.
Alors, désolé, mais une page est tournée.
Une autre va bientôt se tourner, en France, d’ailleurs…
L’an prochain à Jérusalem.
Amitiés

trublion

Les juifs n’ont pas attendu l’Alliance Israélite (bizarre de ne pas se faire appeler juifs) pour apprendre à leurs enfants le meilleur : lire écrire et étudier, réfléchir, être un Homme ou une Femme.

joseph

L’alliance a été créée par des Juifs français, pour civiliser les Juifs « arriérés » des Colonies.
Revenez dans la France du 19° siècle : Juif était un terme péjoratif, on lui préférait Israelite.

joseph

Il faudrait aussi parler du travail de l’Alliance Israelite Universelle.
Dans ses écoles, on pratiquait trois langues : le français, la langue locale (au Maroc l’arabe) et l’hébreu.

joseph
joseph