Le psychanalyste libanais Chawki Azouri se penche, pour « L’Orient-Le Jour », sur la notion de « folie » dans le cas des récents attentats.

Un homme atteint de troubles psychologiques est-il plus enclin à adhérer à un discours radical, comme celui de l’État islamique ?
Non. En revanche, l’EI et les autres organisations terroristes, islamistes en particulier, draguent l’adepte dans une catégorie d’âge, qui est la crise de l’adolescence. Leur adhérents ne sont pas des gens qui ont des problèmes psychologiques, mais de jeunes garçons ou filles qui se trouvent dans la période la plus importante de la vie, car on y définit petit à petit son identité sexuelle, comme son identité tout court. De la puberté, vers 12-13 ans, jusqu’à l’adolescence, qu’on considère, de nos jours, comme pouvant aller jusqu’à 25 ans, l’EI trouve ses proies idéales. L’adolescent se pose des questions sur les idéaux de son père, sur l’éducation donnée par la mère. Il bouscule ses parents pour pouvoir les « désidéaliser » et devenir indépendant. C’est à ce moment-là qu’interviennent les prédicateurs, qui sont eux-mêmes convaincus de ce qu’ils disent. Il y a une force de conviction qui pousse ces jeunes à se radicaliser, car des parents ne sont pas assez auprès d’eux. C’est l’un des problèmes de la modernité.

S’ils ne sont pas fous, comment sont-ils encouragés à passer à l’acte et à perpétrer des crimes atroces ?
Une fois qu’ils leur ont fait un lavage de cerveau, ils sont capables de leur faire faire ce qu’ils veulent. C’est un peu hypnotique. Quand quelqu’un est hypnotisé, on est capable de lui faire faire n’importe quoi, sauf de commettre un crime. Car il a malgré tout un surmoi, une conscience morale qui l’empêche d’aller tuer quelqu’un si l’hypnotiseur le commande. Ce qui distingue les jihadistes, c’est la collectivité. Si l’individu est placé dans un groupe, l’instinct grégaire apparaît. Il s’agit d’un instinct animal qui regroupe les individus et faire perdre à l’homme son humanité. Dans les Western par exemple, une personne seule ne pourra pas lyncher quelqu’un, mais un groupe oui, car il réagit par instinct de survie.

Mais le jeune réfugié afghan de 17 ans qui a tenté d’assassiner à la hache, lundi soir, des passagers dans un train, en Allemagne, a agi seul…
Nous n’avons pas encore assez d’informations sur cela. Mais dans cette ambiance mondiale où, près d’un jour sur deux, un attentat est commis, le passage à l’acte est facilité chez le jeune désaxé, ou chez la personne convaincue qu’en agissant de la sorte, elle ira je ne sais où. Il y a donc une baisse générale de la conscience morale et du surmoi, dans les cas où l’individu est seul.

Les médias occidentaux évoquent beaucoup la folie en parlant des terroristes qui ont récemment commis des attentats, tels ceux d’Orlando et de Nice. Pensez-vous qu’il y a une évolution ces dernières années dans l’utilisation de ce vocable ?
Cela a toujours été le cas. Il est toujours plus facile de montrer du doigt le fou, parce que cela a des conséquences. La politique sociale, un peu partout dans le monde, a imputé aux fous des assassinats et autres crimes afin de ne pas les laisser sortir de l’hôpital. Or, jamais aucune étude n’a prouvé que le fou était plus responsable d’assassinats collectifs que les personnes saines d’esprit. Le discours social est un discours qui rejette la folie, comme il rejette l’état amoureux, c’est-à-dire tout ce qui est passionnel.

 

OLJ

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