Les faux messies dans le monde juif (5/5)

Les faux messies dans le monde juif (5/5)

Caroline Elishéva REBOUH le 28.042020

MOSHE BOTAREL vécut en Espagne entre le XIVème et le XVème siècle. Il fut également connu sous le nom de Moshe Bonyak Botarel de Cisneros.

Il fut médecin et philosophe. Il fut aussi initié à la Cabbale. Il remarqua qu’en définitive Cabbale et philosophie utilisaient des termes différents pour s’attacher aux mêmes choses.

Botarel croyait en l’efficacité d’amulettes et autres écrits protecteurs exécutés par la Cabbale pratique et il affirmait être apte, de par ses connaissances cabalistiques, à établir des combinaisons de certains noms divins de manière à soigner éventuellement des personnes s’adressant à lui. Il fut considéré dès lors comme « sorcier ».

Il déclarait avec beaucoup de conviction qu’à force de jeûnes, de prières et d’invocations de noms divins, de certains anges il pourrait provoquer des rêves (prophétiques) et il déclarait que le Prophète Elie lui était apparu en lui apprenant qu’il était le Messie.

Aussi écrivit-il une lettre à tous les rabbins et dirigeants de communautés en les assurant du fait qu’il aurait à cœur de résoudre tous les problèmes et de lui adresser toutes les questions qui se poseraient à eux tout en s’affirmant non seulement comme rabbin très connu mais encore comme un « saint » et, qui plus est, comme un homme d’une piété extrême.

Une fois de plus, ces personnages faisant preuve de grande persuasion arrivaient à convaincre leur auditoire. Le philosophe Hasdaï Crescas lui-même fut convaincu de la véracité du rôle messianique de Botarel.

Au cours de l’histoire des Juifs en Espagne, eurent lieu plusieurs « disputes » opposant le roi ou le clergé aux Juifs.

Lors de la dispute de Tortosa, Botarel prit une part active en tant que personnalité marquante du judaïsme local. Botarel argua qu’il avait écrit une longue lettre en réaction aux actes de Géronimo de Santa Fé.

En 1409 il s’attaqua au sefer HaYetsirah répondant à la demande d’un chrétien du nom de Maestro Juan. Dans l’introduction à cette traduction il exprime le fait qu’en révélant certains mystères divins à celui qui lui avait commandé ce travail, il participait à faire de Maestro Juan (un non-juif qui étudie la Torah) un égal du grand prêtre. Dans son commentaire, il cite des œuvres cabalistiques antérieures, dont certaines attribuées aux anciennes autorités, comme l’amora Rav Ashi.

Il est à signaler que cette traduction connut un vif succès puisqu’elle fit l’objet de plusieurs rééditions entre 1562 et 1820.

On ne connaît que peu de choses sur la fin de Botarel. Quelques 150 ans plus tard il y eut un autre Moshé Botarel à Constantinople auteur du livre עין משפט, ouvrage contenant des prophéties.

DAVID REOUVENI: 1490-1535 (1541) Il est connu pour être un aventurier juif politique. Les uns le considèrent comme un « mystique » mais davantage comme un aventurier. Son histoire est fournie…. Personnage haut en couleurs…!!!

En fait ses origines sont floues car selon certaines sources, il naquit en Inde, pour d’autres il serait originaire d’Afghanistan et d’autres pensent que ses origines sont au Portugal… Enfin il serait né vers 1490 et la date de sa mort n’est pas moins certaine… Les faits principaux se retrouvent dans toutes les sources…

Réouvéni déclarait qu’il était né en 1490 à Habor et qu’il descendait d’un roi et que son frère avait succédé au père au décès de celui-ci. Le roi Joseph dirigeait donc ce pays entouré de 70 « seniors » qui recherchaient des alliances pour combattre les Turcs qui voulaient conquérir leur royaume à cause des énormes richesses qu’ils possédaient.

L’auteur du livre « Shalsheleth HaKabbala » (שלשלת הקבלה), Guedaliya ibn Yahiya , cite ce personnage sans beaucoup de complaisance et le décrit comme étant ressortissant d’un peuple noir de peau et de petite taille et, qu’il était toujours escorté d’un interprète ne sachant parler que l’hébreu et l’arabe.

Par ailleurs, une autre version existe quant aux origines de Réouvéni fixées à Cranganore ville portuaire d’Inde cité dans laquelle existait une communauté juive établie là-bas depuis des siècles.

Il imaginait pouvoir contracter des alliances avec les grandes puissances chrétiennes de l’époque telles le saint empire romain, la France, l’Ethiopie et le royaume juif de Khaybar et pouvoir ainsi expulser les Ottomans de la terre d’Israël de manière à précipiter la Rédemption finale et libérer Israël oppressé.

De manière à finaliser son projet, il pensa qu’il serait utile de rallier à sa cause le Pape (Clément VII).

Vers 1522, il décida de se diriger vers Jedda et de là prit la direction du Soudan. A ce moment, il entreprit de se faire passer pour un musulman et affirma être un descendant – ni plus ni moins – de Mohammed, le Prophète…..ainsi il se sentait en sécurité pour traverser les pays musulmans. Et lorsqu’il arriva à Jérusalem il fit allusion à un grand royaume juif d’Inde et du Yémen..

En traversant l’Egypte, ses hôtes se sentirent mal à l’aise à cause de l’apparence musulmane de Réouvéni.
Pour ce faire, il se rendit à Rome. Il se fit introduire par un ami juif et dévoila son projet au Pape lequel lui confia que pour de claires raisons il ne pourrait pas adhérer à ce plan officiellement mais il mit en relation David Réouvéni avec le roi Joao du Portugal lequel était devenu un proche du roi Charles V du saint empire romain par le biais d’un mariage. Réouvéni fut porteur d’un message émanant de Rome pour Lisbonne : le Pape demandant d’assister le porteur du billet.

Arrivé au Portugal, il tenta de créer des liens amicaux avec les chrétiens contre les musulmans qui étaient présents dans ce pays et demanda une audience avec le jeune souverain : le roi Joao, en 1525. Il se présenta au roi, avec une lettre de recommandation du pape Clément VII, et il fit allusion au fait que son père était un roi alors décédé du nom de Souleiman de Ḥabor.

Il prétexta que son frère régnait à la place du père décédé et que lui, pour sa part était chargé des affaires de guerre et de défense du royaume. Il insista auprès du jeune roi en mettant l’accent sur le fait que son pays comptait de nombreux juifs (300,000!!!). Joao, accepta de venir en aide à David Réouvéni puis, se ravisant, sans doute après avoir vérifié par lui-même, il somma Réouvéni de quitter le Portugal.

Réouvéni avait de la suite dans les idées et ne renonça pas à ses projets et, bien que désarçonné, il se remit en selle et entreprit des voyages au cours desquels il se lia avec Solomon Molko dont il sera question dans d’autres pages.

Il retourna à Venise où il rencontra à nouveau Solomon Molko. David Réouvéni reçut l’ordre de quitter la ville et ils décidèrent ensemble d’aller retrouver l’empereur Charles V auquel il proposa de faire alliance pour sauver les Juifs séjournant dans l’Empire Ottoman.

Les deux compères firent connaissance d’un grand notable juif dans la région : Yossi de Rosheim lequel les enjoignit d’être prudents et de ne pas soulever le problème des Juifs. Réouvéni et Molko, persistant dans leurs projets se firent arrêter puis ils furent menés devant le tribunal où des inquisiteurs les interrogèrent. Les deux furent condamnés à être brûlés sur un bûcher à Llerena.

Ce fut en 1530 mais, cinq années plus tard, en 1535, il n’avait toujours pas été exécuté et ce n’est qu’en 1541 qu’un nommé Herculano témoigna du fait qu’un « juif venu d’Inde  » fut exécuté au Portugal à Evora. Selon une autre source il fut brûlé à Llerena.

Caroline Elishéva REBOUH