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Entre « système institutionnel » français et « principes philosophiques et spirituels » juifs

Le 19 octobre 2015, l’ambassadeur de France en Israël a été convoqué au Ministère israélien des Affaires Etrangères, pour évoquer la proposition française concernant la mise en place d’observateurs sur le site de l’Esplanade des Mosquées. Le gouvernement français a motivé sa demande par la nécessité de « détecter d’éventuelles violations du statu quo », qui prévalent sur le troisième lieu Saint de l’Islam. En effet, les actes meurtriers palestiniens, incessants depuis le début du mois d’octobre 2015, sont notamment justifiés par la présence de juifs religieux sur le site (qui est également l’emplacement du Temple de Salomon).

La France n’a bien évidemment pas qualité pour réclamer la présence d’observateurs internationaux en Israël, mais comme l’Islam tend à devenir la première religion en France, en terme de pratique religieuse, le gouvernement est obligé de prendre en considération la sensibilité musulmane de l’hexagone dans les choix politiques locaux et internationaux (à fortiori à l’approche des scrutins électoraux). Cette démarche française illustre, en tout état de cause, la différence d’approche entre un  fonctionnement du mécanisme institutionnel français qui ne fait pas dépendre la règle de Droit de « principes absolus » mais juste de la sensibilité d’une partie de sa population, et les règles d’organisation de la société en Israël, fixées en considération de principes philosophiques et spirituels, même si l’Etat juif ne dispose pas toujours des outils institutionnels pour les mettre en oeuvre.

La communauté musulmane française est très attentive aux revendications palestiniennes, et à ses craintes d’une modification (supposée) par Israël, de ce qui est couramment appelé « le statu quo », c’est dire de la règle (informelle) qui prévaut concernant la gestion du site de l’Esplanade des mosquées. Actuellement, le « Noble Sanctuaire » est accessible à tous les visiteurs mais seuls, les musulmans, sont autorisés à y pratiquer les rites religieux. Les croyants d’autres obédiences ne le sont pas.  Cette règle, adoptée par Israël à la suite de la guerre des 6 jours du mois de juin 1967, a toujours recueilli l’adhésion les grands Rabbins d’Israël, opposés à toute présence juive sur le site, de peur qu’ils ne le souillent. Cette règle a, par la suite, été reprise lors de la signature du traité de paix israélo-jordanien du 26 octobre 1994, à l’occasion duquel, Israël a confié à la Jordanie, le rôle de gardienne des lieux Saints de l’Islam, dans l’attente de l’issue des pourparlers de paix avec les palestiniens.

Il résulte de tout ceci que les règles d’organisation du site ne concernent en rien, ni les palestiniens qui y sont étrangers, ni la communauté internationale, et encore moins les français, quand bien même les musulmans de France seraient froissés par la présence de juifs religieux sur le site. Rappelons que les musulmans de France soutiennent massivement les actes palestiniens commis contre les juifs, (réputés violer les Lieux saints de l’Islam), et s’opposent aux limitations (en raison de l’âge ou des risques de troubles à l’ordre public) imposées aux palestiniens qui veulent se rendre à la Mosquée Al Aqsa.

La France n’est donc pas en droit de porter atteinte aux prérogatives souveraines d’Israël sur sa capitale, les modalités provisoires d’organisation des accès au site résultant d’un accord de paix entre deux pays, non d’un accord international qui justifierait un contrôle international de son application. D’ailleurs la proposition française ne s’inscrit pas dans le cadre d’une mission de maintien de la paix. Si tel était le cas, la France n’aurait pas manqué de suggérer le déploiement d’observateurs internationaux en Syrie, pour examiner les conditions dans lesquelles Bachar Al Assad a utilisé des armes chimiques contre son peuple, depuis 2011, ou plus récemment, pour exercer des pressions sur Daesch pour l’empêcher de détruire les joyaux de l’humanité de Mossoul, Nimroud, ou Palmyre, voire, tout simplement pour dissuader, les milliers de français (qui se sont enrôlés parmi les coupeurs de têtes barbares et sanguinaires), de poursuivre leurs exactions.

Il est en revanche regrettable, que la France ne fasse pas de pédagogie et qu’elle ne consacre pas plus de temps pour expliquer aux palestiniens en quoi leur violence trouve sa source dans les mensonges rabâchés selon lesquels, les juifs occuperaient leur terre, les juifs seraient des colons, les juifs devraient quitter la Palestine comme les allemands ont quitté la France, à la fin de la seconde guerre mondiale, ou comme l’ont fait les français en Algérie, et plus généralement comme ce fut le cas des grandes nations européennes, lors des mouvements de décolonisation au cours de la seconde moitié du XX° siècle. Or, non seulement la France n’éclaire pas les palestiniens sur la réalité des évènements historiques, mais elle cautionne le message anti juif en employant systématiquement les termes de « Cisjordanie occupée », de « Jérusalem occupé », de « droits fondamentaux des palestiniens bafoués», alors que tel n’est pas le cas. 

Or, la jeunesse palestinienne se cherche d’une part, une identité historique, imaginant devoir reprendre la Palestine historique aux juifs, et, d’autre part, une utilité religieuse, en jouant le rôle de gardiens de la Mosquée Al Aqsa et du Dôme du Rocher, que la Jordanie n’est pas en mesure d’exercer. Le statu quo provisoire avec la Jordanie l’étaient dans l’attente d’un accord de paix avec les palestiniens. Dans la mesure où les palestiniens ne sont visiblement pas prêts pour cette éventualité, nul ne saurait empêcher les juifs de prier à l’endroit qu’ils souhaitent sur leur territoire. La Jordanie n’a d’ailleurs pas son mot à dire puisqu’elle s’est définitivement retirée de la Cisjordanie, le 31 juillet 1988, et qu’elle n’y exerce plus la moindre souveraineté.

Bien évidemment, l’Etat juif est obligé de prévenir les attaques palestiniennes, avec la mise en place, le 18 octobre 2015, d’un mur de protection « temporaire et mobile » (selon les inscriptions qu’il porte), pour séparer Jérusalem des quartiers arabes de la villes, dont est originaire une partie des assassins palestiniens. Par crainte d’attentats, la municipalité de Tel Aviv a interdit l’accès des écoles, pendant les heures de présence des élèves, au personnel chargé de l’entretien et du nettoyage des locaux, qu’ils soient juifs ou arabes (pour éviter toute discrimination).

Il faudra néanmoins qu’Israël se dote, un jour, des outils institutionnels des pays démocratiques pour renforcer son identité nationale avec l’institution d’une nationalité juive, aux côtés de la citoyenneté israélienne accordée aux personnes résidents sur le territoire israélien, en situation régulière. L’Etat juif pourra alors réserver, aux seuls nationaux, le droit de vote et l’éligibilité aux élections nationales, à l’instar de ce qui se fait dans tous les Etats démocratiques. La présidence de la Knesset (c’est-à-dire de l’organe qui vote les lois pour le peuple juif), ne sera plus confiée à Ahmed Tibi, ancien conseiller de Yasser Arafat, qui ne cesse de violer son serment d’allégeance prêté à l’Etat juif. Celui-ci ne pourra alors plus exclure de la Knesset, le Ministre de l’Intégration Zeev Elkin, comme il l’a fait, le 21 octobre 2015, uniquement parce que le Ministre lui reprochait d’avoir du sang sur les mains, lors d’un débat sur le bouclage de quartiers de Jérusalem-Est.

La France a fait choix de déterminer sa ligne politique en fonction de la sensibilité de sa population. Libre à elle. Pour qu’Israël reste l’Etat national du peuple juif, qu’il commence par instituer une nationalité, ce lien juridique entre les juifs et leur Etat.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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