FIGAROVOX/ENTRETIEN- Pierre Bénichou publie Rouge Eden, qui mêle thriller et réflexion sur le totalitarisme soviétique. Sur fond de percée de l’extrême gauche en France, il répond aux questions du FigaroVox.

Pierre JB Benichou a été éditeur de presse, producteur de cinéma et auteur de nombreux romans sous divers pseudonymes. Rouge Eden est son deuxième roman publié sous son vrai nom, aux éditions Belfond.

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FIGAROVOX.- Dans votre dernier livre, Rouge Eden, vous mêlez thriller et réflexion politique sur le totalitarisme. Vous nous plongez dans l’époque du goulag. Pourquoi ce mélange des genres?

Pierre BENICHOU.- J’ai tenté, à travers Rouge Eden, d’avoir une approche plus philosophique de l’époque actuelle que dans un simple «thriller».

Alors que le débat politique fait rage en France et que l’on voit les extrêmes – qui, finalement, se rejoignent faute de se ressembler totalement – gagner en puissance grâce des discours populistes, il est utile de rappeler que les camps du goulag communiste n’avaient rien à envier aux camps de concentration nazis.

La question que je pose est celle de l’opposition entre liberté individuelle et sécurité collective, en mettant en scène un tueur en série qui serait, peut-être la réincarnation d’un professeur de physique quantique, condamné par erreur à l’exil en Sibérie dans les années trente. L’hypothèse de la réincarnation est la seule petite fantaisie volontairement spiritualiste d’un récit qui, par ailleurs, se base sur des faits historiques.

Je décris donc les actions d’un individu qui se venge de la société à travers des crimes atroces, en réaction au souvenir inconscient de ce qu’une société collectiviste est capable de produire comme abominations. À l’ère du politiquement correct et de l’équivalence morale des systèmes, j’ai voulu pousser à l’extrême en soulignant le peu de différence qui sépare un psychopathe à la Ted Bundy d’un dirigeant mégalomane, tel qu’un Staline, un Assad, un Hitler, un Chavez ou un Ayatollah Khameni. L’un récolte l’opprobre général, tandis que l’autre trouvera toujours des masses d’«idiots utiles», selon la formule de Lénine, pour l’exonérer de ses atrocités au nom du bien collectif. Étant romancier et non essayiste, je propose une réflexion par un récit imaginaire parsemé de faits précis et indiscutables, dans lequel l’émotion a une part fondamentale.

Voulez-vous faire écho aux maux de notre époque?

Les maux de notre époque sont si nombreux qu’aucune grotte ne serait assez profonde pour produire l’écho leur correspondant.

Cette boutade mise à part, je constate que nous avons tendance à oublier l’histoire et, pour paraphraser Winston Churchill, «un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre».

Comment, au vingt et unième siècle, bien qu’excédés par la corruption, effrayés par le terrorisme, démotivés par le taux de chômage, attristés par la situation mondiale, excédés par l’abondance de fausses nouvelles, tant de Français se laissent-ils de nouveau charmer par le totalitarisme à peine camouflé des deux extrêmes? Comment font-ils pour ne pas percevoir le degré de haine camouflé derrière les discours politiques égalitaires et sécuritaires jouant sur la fibre anxieuse de chacun? Le responsable de tous nos maux serait toujours l’autre, celui qui ne nous ressemble pas ou, pire, celui qui nous ressemble trop. Évidemment, le politique qui s’exprime n’est jamais coupable et les boucs émissaires ont toujours bon dos.

Nous vivons une époque charnière, entre la fin du tout matérialiste né avec l’aire industrielle, et la dérive du tout religieux, tel que certaines cultures ( je ne parle pas de communautés ) voudraient l’imposer.

Cette phase de transition porte en elle un élément d’incertitude anxiogène. Certaines grandes valeurs du passé se sont érodées sans avoir trouvé de vrai remplacement. En gros, les gens sont perdus, en désagrégation d’identité, en recherche d’appartenance sans pour autant pouvoir se raccrocher à des propositions issues d’une réflexion logique et constructive.

Nous vivons à l’époque du trop. Trop d’informations, trop d’injustice, trop d’incohérence, trop d’abondance, trop de misère. Et pourtant, sur le plan matériel, nous vivons cent fois mieux qu’à toute autre époque. Ce qui nous manque, c’est l’authenticité d’une âme collective à laquelle rallier les âmes individuelles.

Vous avez également travaillé sur la question de l’islamisme. Quels sont les points communs entre totalitarisme soviétique et totalitarisme islamiste?

Ce qui est intéressant c’est de constater l’alliance de fait entre l’extrême gauche internationale et l’islamisme.

Un politologue français, Alexandre Del Valle, a lancé le concept du danger rouge-brun-vert. Par cette formule, il a voulu rapprocher les trois formes de fascismes, qui menacent nos sociétés à tour de rôle depuis plus d’un siècle.

Ces fascismes, qu’il s’agisse du nazisme, du communisme ou de l’islamisme, ont ceci de commun qu’ils surfent sur la notion d’égalité et se servent de la frustration populaire contre les élites pour avancer un agenda à l’issue duquel les élites renversées seront renforcées.

Assez curieusement, les trois concepts totalitaires ont toujours eu leurs «Juifs». Les «Juifs» dans les trois cas ne sont pas des êtres humains mais des fantasmagories symbolisant l’opposant au programme proposé. Le modèle de société offert par les islamistes n’est pas très éloigné du stalinisme, si ce n’est que leur Dieu remplace le soviet suprême en tant que source de loi et que, du moins le stalinisme avait-il la prétention de protéger les minorités tandis que les islamistes les massacrent allégrement.

Tout compte fait, l’idéologie nazie s’est beaucoup plus facilement répandue dans le monde arabe pendant et après la deuxième guerre mondiale, que le communisme, trop laïc à leur goût, malgré tout le soutien que l’Union Soviétique a pu apporter aux organisations terroristes, notamment palestiniennes. Aujourd’hui, par ses discours, un Mélenchon atteste de la sympathie que l’extrême gauche peut avoir pour l’islamisme, auquel elle trouve toutes les excuses. Juste réaction au colonialisme. Légitime combat contre l’impérialisme occidental. Sursaut populaire face à l’exploitation capitaliste etc…

Ce point de vue conduit à des dérives qui touchent à l’absurde, et seraient risibles si elles n’étaient pas dangereuses, telle la déclaration d’un Philippe Poutou, lorsqu’il affirme, après l’attentat terroriste des Champs Elysées que «Si les policiers n’étaient pas armés, ils n’auraient pas été visés».

Jamais vous n’entendrez un communiste dénoncer l’islamisme pour ce qu’il est. Un totalitarisme religieux sanguinaire sans vrai projet sociétal.

Vous êtes inquiet d’une éventuelle victoire de Mélenchon. Ce dernier n’est pas Staline. N’est-ce pas un peu excessif d’agiter le péril rouge?

Alors que j’étais de passage à Paris, quand j’habitais New York, j’ai eu l’occasion de me retrouver face à Jean-Luc Mélenchon dans l’émission «Face aux Français» présentée par Guillaume Durand. Je dois avouer qu’au-delà du politicien je n’ai pas eu de grande sympathie pour l’homme. Je crois, en effet, me souvenir de l’avoir traité de stalinien. Il m’avait jeté à la figure que, puisque j’habitais New York, j’étais une sorte de traître, et que je n’avais de fait aucun droit de m’exprimer sur le sort de la France. Belle ouverture d’esprit! Certes, je lui reconnais une belle énergie, et une capacité de mobiliser les foules par des discours enflammés, gonflés aux stéroïdes. Mais les grands orateurs populistes m’ont toujours donné la chair de poule, et pas de façon positive.

À vrai dire, je ne suis pas vraiment inquiet d’une éventuelle victoire de ce communiste aux relents totalitaires, car, heureusement, suffisamment de Français ne tombent pas dans le panneau de ses discours admirablement bien huilés. Il sait merveilleusement accuser l’autre, démonter le système, le remettre en question, faire des propositions alléchantes de changement de société. Il oublie seulement une donnée fondamentale: l’égalité forcée est la plus grande des injustices. Et dans «dictature du prolétariat» il n’y a qu’un terme à retenir. Dictature.

Par Alexandre Devecchio

Source : FigaroVox

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