ARTICLE DE 2014 – POUR RAPPELER LES ACTES ANTISEMITES QUI ONT EU LIEU IL Y A UN AN

Première des cités-dortoirs érigées dans les plaines du Val-d’Oise en fin des années cinquante, Sarcelles fut longtemps surnommée « la petite Jérusalem ». Deux mois après l’attaque de la boutique casher Naouri, nous sommes partis à la rencontre de cette communauté qui ne semble pas prête à verser dans la peur. M. 67 ans, a passé 52 ans de sa vie à Sarcelles. Arrivée de Tunisie avec ses parents, elle n’a jamais quitté la ville. Elle s’y est mariée.

Aujourd’hui, les enfants et les petits-enfants sont partis, mais pas très loin « À Saint-Brice ». Elle raconte « Oui, le jour de l’attaque contre le supermarché casher, j’ai eu peur même si par rapport à ce qu’il s’est passé à Toulouse, c’est peu de chose ». Autrefois considérée comme la première ville juive de France, Sarcelles compte aujourd’hui entre 12 000 et 13 000 Juifs. C’est un quart de la population totale de la ville. Que reste-t-il de la communauté qui s’est installée dans les années soixante fuyant la décolonisation des pays arabes ? « Ce sont les enfants de leurs enfants » s’amuse Victor, voisin de palier de M. pour qui « Bien sûr, il y a eu des départs vers Paris ou encore le 17e arrondissement, mais il y a aussi des gens qui viennent s’installer ou qui reviennent ».

Même sentiment chez le Rav Laurent Berros, rabbin de Sarcelles depuis 2004. Pour celui qui fut anciennement rabbin de Montpellier, le nombre de Juifs à Sarcelles n’a pas baissé avec le temps, « La communauté s’est recentrée et concentrée géographiquement sur quelques rues ». Un mouvement que confirme le rav Yaacov Bitton, directeur du Bet ‘Habad de la ville. « Au début des années 1980, le quartier juif allait jusqu’à la gare, ensuite il s’est arrêté aux Flanades, depuis quelques années, il est circonscrit aux artères Albert Camus et Paul Valéry ».

L’équipe de football composée de de quatorze jeunes juifs et arabes issus de jforum.fr

Grâce à des relations idylliques avec la municipalité, la communauté juive assure se sentir en sécurité
Pour preuve de cette vitalité quasi intacte, le rabbin Berros avance quelques chiffres. À son arrivée en 2004, il y avait 22 synagogues et oratoires, « aujourd’hui, on en dénombre 27 ». Pour son confrère Loubavitch, l’extraordinaire renouveau de la vie juive s’illustre dans la profusion de cours. « Aujourd’hui, on peut étudier à n’importe quelle heure » raconte un fidèle du Beth hamidrach de Sarcelles et des cours du rav Yé’hiel Brand roch kollel de la ville. Agent commercial de quarante-quatre ans, Grégory a quitté la Seine-Saint-Denis avec femme et enfants pour Sarcelles.

Pour expliquer ce choix, il avance « la nécessité de me rapprocher de mon lieu de travail et l’envie d’une vraie vie juive ». « La communauté est un des poumons économiques de la ville, rappelle le rabbin Berros, les Juifs y vivent, mais ils y travaillent aussi. Des commerces casher ouvrent régulièrement. À midi, pour trouver une place assise dans une pizzeria casher, il faut patienter ». Grâce à des relations idylliques avec la municipalité, la communauté juive assure se sentir en sécurité. Si les tensions existent, elles ne sont pas nouvelles. Comme à chaque ‘Hanouka il raconte : « On bénéficie d’une escorte de police depuis plus de vingt ans ». Rien de nouveau sous le soleil, donc pour celui qui s’est installé là il y a 27 ans et qui a vu tout de même le nombre de forains juifs de la ville passer de trente à deux.

La jeunesse juive attire toute l’attention des responsables communautaires. Si tous les responsables juifs assurent entretenir de très bonnes relations avec les autres communautés, en particulier avec la communauté musulmane et Assyro-Chaldéenne, ils ne minimisent pas les actes de violence.

Le 31 octobre dernier, un homme de 55 ans a été pris à partie sur le chemin de la synagogue. Jeu d’œufs et violent coup au niveau des jambes. Si aucune parole antisémite n’a été proférée, la tenue vestimentaire de la victime ne laisse aucun doute sur les motivations de ses agresseurs. Une enquête a été ouverte au Parquet de Pontoise. « On nous signale beaucoup d’insultes et d’agressions verbales », regrette le rabbin Berros pour qui «les bonnes relations avec les responsables des autres religions » n’empêchent pas quelques individus de mal se comporter.

Finalement, bien plus que l’insécurité qui gangrène cette ville aux quelque 64 ethnies différentes, c’est la jeunesse juive qui attire toute l’attention des responsables communautaires. Pour aider ces jeunes livrés à eux – mêmes, le fils du rabbin Bitton a ouvert une antenne aux Flanades, centre commercial de la ville, où il s’occupe de plusieurs dizaines de jeunes. De son côté, le rabbin Berros qui va chaque jour aux contacts de la communauté dans les cités difficiles avoue être confronté à une réalité méconnue comme le péril d’une assimilation certaine. « La plupart des juifs de Sarcelles ne sont ni orthodoxes, ni traditionalistes et vivent éloignés de la synagogue ». Le rabbin qui aurait bien besoin de renfort conclut : « Mon travail, les ramener ».
Video sur les émeutes antijuives juillet 2014.

Sarcelles, ville de grande banlieue parisienne située dans le Val d’Oise, a connu ces dernières années des actes antisémites spectaculaires, et les débordements constatés lors de la manifestation du dimanche 20 juillet, réplique plus violente de celle de Barbès à Paris la veille, viennent s’ajouter à la liste.

«Autrefois considérée comme la première ville juive de France, Sarcelles compte aujourd’hui entre 12.000 et 13.000 juifs» pour un peu moins de 60.000 habitants, selon la version française du site d’informations de la communauté hassidique israélienne, Hamodia. La ville du Val-d’Oise compte en effet une importante communauté juive d’Afrique du Nord, qui s’y est installée dans les années 60 après la décolonisation.

Le Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ), qui publie annuellement un rapport sur les actes antisémites –il s’agit uniquement des plaintes déposées auprès de la police et non des simples signalements au service– a dressé pour 2013 la liste des villes où sont concentrés ces actes: il s’agit, dans l’ordre, de Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Sarcelles, Strasbourg et Nice. Sarcelles, 89e ville la plus peuplée de France, se situe donc sur un plan comparable à Toulouse, Nice ou Strasbourg, cinq à sept fois plus peuplées.
Source: SPCJ, rapport annuel 2013

En mars 2013, écrivent les auteurs du rapport, «le centre d’information et de commandement de la police a reçu deux appels d’un individu utilisant un téléphone volé et déclarant vouloir faire usage d’une bombe dans le quartier des Flanades, à Sarcelles, afin de tuer un maximum de juifs.»

Le 19 septembre 2012, le jet d’un explosif dans un supermarché casher avait fait un blessé et provoqué l’émoi dans la communauté. L’enquête avait permi d’arrêter une cellule qui préparait des attentats contre des cibles juives en France. Avec la tuerie de Toulouse, Sarcelles était donc l’autre ville française à connaître un attentat dirigé contre des juifs cette année-là. Lors de la manifestation pro-palestinienne qui s’est déroulée dimanche, l’épicerie qui avait été visée par l’attentat de 2012 a de nouveau été attaquée, parmi d’autres commerces.

En mars 2007, le rapport du SPCJ précisait qu’«un tract a été distribué sur le marché de Sarcelles par les militants de Kémi Seba où il est fait référence à l’enrichissement de la communauté juive grâce aux consommateurs noirs…»

Jusqu’à présent, cependant, le député-maire socialiste de la ville, François Pupponi, a adopté un discours moins alarmiste que celui d’institutions comme le Crif, comme il l’exprimait début 2014 dans Le Point:
«Les actes antisémites augmentent légèrement à cause de la crise. Et Dieudonné est un révélateur de cette situation. Mais à Sarcelles, les Juifs se promènent en toute tranquillité avec leur kippa. Ils ne ressentent pas de pression quotidienne».

Les rapports annuels successifs de l’organisation montrent en tout cas que le niveau de tension et le nombre des actes sont bien indexés sur les événements au Moyen-Orient et l’évolution du conflit israélo-palestinien, ces actes antisémites étant plus nombreux lors des périodes de manifestations et de mobilisations contre Israël.  Jean-Laurent Cassely

REPORTAGE – À Sarcelles, tous les jeunes, jusqu’à la génération âgée de 25 ans ont fréquenté les mêmes écoles. Le repli communautaire concerne les plus jeunes, ceux qui ont pris part aux émeutes de dimanche.
Dans la cour, à l’arrière de la grande synagogue de l’avenue Paul-Valéry, des enfants jouent et rient. Ils se courent après. Il est presque midi, ils mangent à pleines mains des chips casher en forme de frites. C’est le centre aéré qui accueille pour l’été les gamins juifs du quartier. La veille, la synagogue était prise d’assaut par des jeunes décidés à en découdre. Ce lundi, des fourgons de CRS postés devant l’entrée du lieu de culte témoignaient de ces affrontements.

Sarcelles, ville de 60 000 habitants dans le nord de Paris (Val-d’Oise), est parfois surnommée «la petite Jérusalem». Après l’indépendance de l’Algérie, beaucoup de Juifs d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) sont arrivés en France et se sont installés là car les logements étaient bon marché. Puis les premiers Juifs ont attiré les autres et ont élu domicile à Lochères avec ses barres grises de HLM. Aujourd’hui, quatre communautés cohabitent: les Juifs d’Afrique du Nord, les Noirs notamment de Côte d’Ivoire, les Chaldéens (avec les Turcs) et les musulmans d’origine maghrébine. À Sarcelles, que l’on soit arabe, israélite, noir ou blanc, tout le monde naît au même endroit, à l’hôpital privé nord-parisien (Alexis Carrel), situé juste derrière la grande synagogue. Tous les jeunes, jusqu’à la génération âgée de 25 ans aujourd’hui, ont fréquenté les mêmes écoles. Le repli communautaire concerne les plus jeunes, ceux qui ont pris part aux émeutes de dimanche.

Laurent Berros, le rabbin de Sarcelles, est fatigué, la nuit a été longue pour tout remettre en place. Il nous reçoit dans son bureau. Derrière lui au mur, il a placardé cette inscription: «La langue est comme une épée à double tranchant. Elle peut apaiser, éduquer, aimer et faire aimer mais elle peut aussi bien irriter, abrutir ou détruire.» La semaine dernière, on l’informe de l’existence d’une manifestation pacifiste de soutien au peuple palestinien. Les habitants découvrent que des Abribus de Garges ont servi de tracts à des inscriptions au marqueur. «Palestine: venez équipés, mortier, extincteur, matraques, dimanche 20 juillet. Venez nombreux: descente au quartier juif de Sarcelles», pouvait-on lire dès le mercredi. Le vendredi, le préfet décide alors d’interdire la manifestation. Les événements de Barbès du samedi ne viendront que renforcer cette décision.

«On va vous mettre à feu et à sang»

Mais certains vieux habitants juifs du quartier savaient dès samedi soir que la situation allait dégénérer le lendemain. C’est pourquoi ils se sont calfeutrés chez eux. Le rabbin a demandé aux jeunes du service de sécurité d’être sur place le dimanche. Étaient présents devant la synagogue aux côtés des forces de l’ordre les ultras du Betar, de la Ligue de défense juive (LDJ) auxquels s’ajoute le service de protection de la communauté juive. À 13 heures, l’ambiance est électrique. Des voitures passent à toute allure et les passagers baissent leurs vitres en en croisant les Juifs rassemblés devant le lieu de prières: «On va vous mettre à feu et à sang.» Ce qui frappe les habitants de Sarcelles, c’est la forte présence de Turcs. «C’est la première fois que je vois des manifestants avec des drapeaux turcs dire mort aux Juifs», explique François Pupponi, député maire (PS) de la ville.

«Nous ne sommes pas seulement attaqués parce que nous sommes juifs mais aussi parce que nous sommes français : la preuve, les émeutiers ont sifflé La Marseillaise » Laurent Berros, le rabbin de Sarcelles  «Les renseignements généraux disaient qu’il n’y aurait pas beaucoup de monde», raconte le rabbin. À 14h40, une vingtaine de jeunes est attroupée devant le lieu de culte. À 15 heures, ils sont 150 et à 15h30, 500, selon Laurent Berros. «Les jeunes Juifs qui étaient venus nous protéger ont entonné La Marseillaise car ils étaient heureux de voir les CRS ne pas se laisser déborder devant la synagogue, ajoute le rabbin. Nous ne sommes pas seulement attaqués parce que nous sommes juifs mais aussi parce que nous sommes français: la preuve, les émeutiers ont sifflé La Marseillaise.» Un Juif d’une quarantaine d’années soupire: «Le joli coup de pub de la LDJ! Ils savaient très bien que la scène était filmée et qu’il y aurait des images, c’est pourquoi ils ont chanté La Marseillaise.» Un membre du Crif estime que «quand on attaque le commissariat de Garges, ce ne sont pas les Juifs que l’on vise mais tout ce qui représente la République. On a dépassé le stade de l’antisémitisme. Quand une station de tramway, des cabines téléphoniques, une agence de Pôle emploi sont pris pour cible, quel rapport avec Israël?».

Au milieu du grand centre commercial les Flanades, on retrouve symboliquement la place de France. La pharmacie a été complètement incendiée dimanche par des émeutiers. L’odeur de tôle carbonisée est encore présente. Renée Banon, une petite femme juive, tient le commerce depuis 42 ans. Elle est traumatisée d’autant que les images de sa pharmacie dévastée passent en boucle à la télévision du restaurant casher où elle est attablée. Quasiment toute son équipe est venue la réconforter. «Il y a un Tunisien, un Kabyle. Des gens de partout, explique-t-elle. Pourquoi m’a-t-on fait ça?» Elle habite à Neuilly mais vient travailler tous les jours ici.

«C’est la première fois que je vois  des manifestants  avec des drapeaux turcs  dire mort aux Juifs.» François Pupponi,  député maire (PS) de sarcelles

On ne quitte jamais vraiment Sarcelles quand on y est né, même si l’on est parti vivre dans les beaux quartiers. La pizzeria à côté, elle aussi tenue par un Juif, a vu sa devanture saccagée. À côté, la boucherie halal La Ferme d’Afrique est intacte. Même chose pour le supermarché Istanbul. Une agence Western Union et un magasin de pompes funèbres ont également été pris pour cible. Renaud, un grand Black, raconte: «Je suis ami avec des Juifs, on joue ensemble au rami le dimanche soir. Quand j’ai vu la tournure des événements, je leur ai dit de ne pas venir, ça allait éviter les embrouilles.» Michaël, un Juif de 45 ans, travaille dans une entreprise de vitrerie et de serrurerie. Dimanche soir, il a été appelé par la police de Sarcelles pour sécuriser les vitrines des commerces pris pour cible. La veille, il avait été appelé à Barbès. «Remercie les casseurs, ça te donne du boulot!», rigole son cousin. «Oui, grâce à Dieu, je travaille», répond Michaël.

Sur la place, des Sarcellois discutent. «Attention, planque-toi, voilà un Arabe», lance en riant une femme juive à une autre en voyant arriver un ami commun. «Dimanche, ils sont allés taper des clopes dans le bureau de tabac. Mais à quoi ça leur sert?», demande une femme voilée. «À les revendre!», répond un autre. «Mon frère, ce conflit se passe au bout du monde et ils sont en train de tout casser ici? Tu leur montres une carte, ils ne savent même pas où est la Palestine!», lance un grand Black. «Oui, mais ils savent tous où est Sarcelles», soupire un Beur.

Hamodia 2014 et autres sources

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