LA MACRONIE EST ELLE UNE « BULLE » ?

CONTRE HUMEUR POLITIQUE

Par Michel Rozenblum

Dans un article de la revue Le Figaro, le chroniqueur Ivan Rioufol affirme que la «Macronie» est une «bulle».

Qu’est-ce qu’une bulle ? C’est un espace plein d’air, qui parfois gonfle quelque temps en flottant dans l’air et puis éclate, ramenant ceux qui y ont cru à une réalité désagréable.

Alors, l’élection de Macron est-elle une bulle ? Oui certainement. Elle est le résultat du ras-le-bol d’un nombre élevé d’électeurs par rapport à l’échec des gouvernements de gauche et de droite à redresser la France et à accomplir leurs promesses électorales.

Quel est le risque d’éclatement de cette bulle à cinq ans ? Je dirais, près de 90%. Vous objecterez que je suis très pessimiste ! Mais non, je suis optimiste : si vous m’aviez posé la question pour les mouvements populaires grec, italien et espagnol, je vous aurais répondu, près de cent pour cent.

La candidature de Mr Macron a constitué une opportunité exceptionnelle par rapport à la situation antérieure où l’on n’avait le choix qu’entre la gauche et la droite, si l’on voulait éviter l’arrivée d’un parti totalitaire.

Les élections se réduisaient au basculement d’un pied sur l’autre, de la droite vers la gauche, dans un éternel balancement qui garantissait à chaque partie, quels que soient les reproches qui pouvaient lui être faits, d’être assuré de revenir au pouvoir dans cinq ans ou, au pire, dix ans. L’épouvantail de l’extrême droite était bien pratique pour ramener les électeurs dans le « droit chemin ».

Et puis est venu de nulle part un mouvement qui s’est dit ni de droite, ni de gauche, ou simultanément de droite et de gauche et surtout pas favorable aux extrêmes, avec un candidat présentable, gendre idéal, brillant et posé.

Mr Roufiol, comme Mr Melanchon, conteste la légitimité de l’élection de Mr Macron sur la base des mêmes arguments, « La majorité absolue accordée à La République en marche (319 sièges) repose sur une abstention record (57,3 %), à laquelle s’ajoutent 9,9 % de bulletins blancs ou nuls. ».

Au premier tour l’abstention était de 51,29%. Si l’on compare ce taux à ceux de 2012, 42,8% (+ 8,4 points) et de 2007 39,58% (+11,8 points), l’écart n’est pas si important et il faudrait aussi remettre en cause ces élections. Il se trouve qu’au deuxième tour, les jeux semblaient faits et des électeurs ont pu éviter d’avoir à choisir, grâce à un risque nul, selon eux, que l’extrême droite ne remporte l’élection.

On peut regretter, et il faut regretter, que les bulletins blancs ne soient pas comptés, mais les électeurs qui se sont abstenus disposaient d’un droit dont rêvent des centaines de millions de citoyens dans le monde, celui de voter librement. Ils ont fait le choix de l’abstention. Il ne nous appartient pas de juger leurs motivations mais de constater que dans un régime démocratique, celui qui s’abstient vote ipso facto pour le candidat élu.

Contester la légitimité de l’élection de Mr Macron, c’est remettre en cause le régime électoral, c’est remettre en cause le droit de voter ou de s’abstenir. Aucun politique, aucun journaliste, aucun éditorialiste, n’a de mandat pour représenter les abstentionnistes. Faire parler les silencieux, c’est le début de la démagogie.

On peut regretter le niveau d’abstention. On peut souhaiter que le vote soit obligatoire. On peut souhaiter que, parallèlement, et pour rendre inexcusable l’abstention, on décide de compter les bulletins blancs et d’invalider les candidats si le pourcentage de bulletins blancs dépasse un certain pourcentage des électeurs, mais on ne peut pas contester la validité d’élections sous prétexte que certains, volontairement, ont refusé d’y participer alors qu’ils avaient le pouvoir de poser librement leur bulletin dans l’urne, quitte à y placer un bulletin blanc. Qui refuse la légitimité d’une élection libre attaque la démocratie.

D’autres journaux s’interrogent déjà sur les liens du nouveau Président avec « le Capital » et citent des noms. Compte tenu de sa formation et de sa carrière, des liens sont vraisemblables. Mais ces commentaires, avant même que le Président n’ait pris ses premières mesures, laissent penser au lecteur que le Président est celui de la « Finance ». C’est une attaque par moyens détournés de la démocratie. Les Présidents, premiers ministres des législatures précédentes avaient aussi leur entourage de lobbies. En quoi celle de Mr Macron serait différente ?

L’ouverture de la polémique dès, voire avant, l’élection, avant même le délai de grâce, un tantinet artificiels, des cent jours, pour juger des premières mesures sur pièces montre de manière dramatique l’état de décrépitude dans lequel notre démocratie a déjà sombré.

Quel que soit le parti au pouvoir, la règle en vigueur consiste à démolir, dès le départ, l’action du Gouvernement. Le Président Hollande a innové en la matière en introduisant la démolition de l’intérieur : pour être certain que le travail soit bien fait, il faut le faire soi-même !

Mais revenons à l’éditorial. Mr Roufiol écrit « (…) les mécontents ont accentué, au second tour, leur refus de participer à une mascarade ».

La France n’est pas un Etat bananier que je sache. Tenir de tels propos outranciers est tout simplement scandaleux et représente un déni de démocratie. On peut regretter de n’avoir pas de candidat qui satisfasse nos souhaits mais la faute à qui ? En partie la nôtre ! Nous aimons en France vivre dans le déni, nous sommes attirés par les figures paternelles fortes : Louis XIV, Napoléon 1er, Pétain, Le Général de Gaulle, pour ne citer que ceux-là. Nous exigeons simultanément de nos dirigeants qu’ils agissent et qu’ils n’agissent pas.

La bien pensance, que l’on trouve dans de nombreux journaux et revues, toutes tendances confondues, s’inquiète du « monopole » que détiendrait Mr Macron sur la République, du fait de sa majorité. Mais quand la droite ou la gauche étaient majoritaires, s’en inquiétaient-il ? On n’a parlé à l’époque que des « godillots » de la droite. Et qu’ont fait ces partis de leur majorité ? La France va-t-elle mieux après leurs actions, qui a l’un des plus forts taux de chômage d’Europe, un des plus faibles taux de croissance ?

Mr Macron détient-il vraiment le pouvoir absolu ? A-t-on oublié la cinquième élection, celle de la rue ? Combien de réformes ou lois sont tombées dans les oubliettes parce qu’elles avaient provoqué des manifestations ou des grèves monstres ? un premier ministre de Mr Chirac a même eu l’indécence de se vanter d’avoir cédé devant la pression de la rue. Le Gouvernement semblerait avoir déjà renoncé à l’une de ses promesses phares de la campagne électorale : l’intégration de la réduction des charges sociales en contrepartie de la suppression du CICE. Face aux réalités économiques, et plus particulièrement face au besoin de financement de ses propositions, insuffisant. D’autres abandons, trahisons, diront certains,

interviendront, notamment après la pression de la rue. C’est le propre de toutes les époques et de tous les partis selon le diction « les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient ».

Le vrai propos de l’article de M Roufiol, n’était pas l’existence d’une bulle, mais la négation du verdict de la démocratie. Quelques soient nos convictions politiques, donnons-lui au moins, pendant quelques mois, le bénéfice du doute et le temps pour prouver que ses promesses n’étaient pas des effets d’annonce sans contenu ! Ensuite on encensera ou critiquera. Et nous serons alors vraiment des démocrates.

Michel Rozenblum

 

 

Participation aux élections depuis 1958 (%)
référendum présidentielle législatives européennes régionales cantonales municipales
1er tour 2nd tour 1er tour 2nd tour 1er tour 2nd tour 1er tour 2nd tour 1er tour 2nd tour
2014 42,43 63,55 62,13
2013
2012 79,48 80,35
2011 44,32 44,77
2010 46,33 51,22
2009 40,63
2008 64,88 55,47 66,54 65,20
2007 60,42 59,98
83,77 83,97
2006
2005 69,37
2004 42,76
60,84 65,66 63,91 66,48
2003
2002 64,42 60,31
71,60 79,71
2001 65,48 56,25 67,38 66,05
2000 30,19
1999 46,76
1998 57,97 60,32 54,89
1997 67,92 70,97
1996
1995 69,42 67,98
78,38 79,66
1994 52,71
60,35 58,73
1993 68,93 67,51
1992 69,69
68,50 69,95 61,69
1991
1990
1989 48,80
72,90 73,09
1988 36,89
49,0 47,0
65,74 69,89
81,35 84,06
1987
1986 78,00 77,93
1985 66,7 66,2
1984 56,72
1983 78,42 79,68
1982 68,4 70,3
1981 70,32 75,04
81,09 85,85
1980
1979 60,71
65,4 65,4
1978 83,25 84,86
1977 78,9 77,6
1976 65,3 67,7
1975
1974 84,23 87,33
1973 53,4 54,2
81,31 81,77
1972 60,24
1971 75,2 73,6
1970 61,8 61,0
1969 77,59 68,85
80,13
1968 79,96 77,81
1967 57,3 57,4
81,12 79,80
1966
1965 84,75 84,32
78,2 70,8
1964 56,7 58,3
1963
1962 68,69 72,01
76,97
75,34
1961 56,5 54,0
73,76
1960
1959 74,8 73,9
1958 77,18 76,32
80,63

données compilées par Laurent de Boissieu © http://www.france-politique.fr

 

Remarques et sources :

  • élections législatives, régionales, cantonales et municipales : chiffres non vérifiés par nos soins
  • élections législatives de 1958 à 1973 : métropole seulement, Alain Lancelot
  • élections législatives de 1981 à 1997 : DP2002
  • élections régionales de 1986 à 1998 : DP2004
  • élections régionales 2004 : RES2004
  • élections cantonales de 1992 à 2004 : DP2008
  • élections cantonales de 1961 à 1988 et municipales de 1959 à 1977 : métropole seulement, Pierre Bréchon
  • élections municipales de 1983 et 1995 : métropole seulement, DP2004 (France entière : « données indisponibles »)
  • élections municipales 2001 : DP2004

Depuis l’instauration du suffrage universel (seulement masculin jusqu’en 1945) pour les élections législatives, celles-ci se sont déroulées selon différents modes de scrutin.

Seconde République Participation électorale au premier tour (en %)
Élections de 1848 Scrutin de liste majoritaire à un tour départemental
(Décret du 5 mars 1848)
83,4
Élections de 1849 Scrutin de liste majoritaire à un tour départemental
(Loi électorale du 15 mars 1849)
68,1
Élections de 1852 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissement
(Décret organique du 2 février 1852)
63,3
Second Empire
Élections de 1857 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissement
(Décret organique du 2 février 1852)
64,5
Élections de 1863 72,7
Élections de 1869 78,0
Troisième République
Élections de 1871 Scrutin de liste majoritaire à un tour départemental
(Selon les dispositions de la loi du 15 mars 1849)
inconnue
Élections de 1876 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours
(Loi organique du 30 novembre 1875)
75,9
Élections de 1877 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours
(Loi organique du 30 novembre 1875)
81,3
Élections de 1881 70,6
Élections de 1885 Scrutin de liste majoritaire à deux tours départemental
(Loi du 16 juin 1885)
70,4
Élections de 1889 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissements
(Loi du 13 février 1889)
76,6
Élections de 1893 71,1
Élections de 1898 75,2
Élections de 1902 76,1
Élections de 1906 77,7
Élections de 1910 75,9
Élections de 1914 74,6
Élections de 1919 Système mixte (Loi du 12 juillet 1919)
L’électeur vote pour un candidat membre d’une liste départementale.
Sont élus ceux ayant obtenu la majorité absolue.
Les sièges non-pourvus sont répartis au quotient entre les différentes listes.
Les sièges restants sont attribués à la liste arrivée en tête.
70,2
Élections de 1924 80,5
Élections de 1928 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours
(Loi du 21 juillet 1927)
81,9
Élections de 1932 81,6
Élections de 1936 84,5
Quatrième République
Élections de 1945 Représentation proportionnelle départementale
(Ordonnance du 17 août 1945)
77,8
Élections de juin 1946 81,8
Élections de nov 1946 Représentation proportionnelle départementale
(Loi du 5 octobre 1946)
78,1
Élections de 1951 Système mixte
Même système modifié par la loi des apparentements.
80,1
Élections de 1956 82,8
Cinquième République
Élections de 1958 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription
(Ordonnance du 13 octobre 1958[3])
77,1
Élections de 1962 68,7
Élections de 1967 80,9
Élections de 1968 80,0
Élections de 1973 81,2
Élections de 1978 82,8
Élections de 1981 70,7
Élections de 1986 Représentation proportionnelle départementale
Seuil départemental de 5 % (Loi du 10 juillet 1985[4])
78,5
Élections de 1988 Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription
(Loi du 11 juillet 1986[5], modifiée notamment par
le redécoupage des circonscriptions législatives françaises de 2010)
65,7
Élections de 1993 68,9
Élections de 1997 67,9
Élections de 2002 64,4
Élections de 2007 60,4
Élections de 2012 57,2
Élections de 2017 48,71

 

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Jankel

Parce que Mr Rozenblum trouve que nous vivons en Démocratie depuis toutes ces années d’escroquerie électoraliste lientèliste?????
Il se moque de nous ou bien est-il vraiment, un imbécile?