Un tribunal libyen punit sévèrement les activités du Hamas

REUTERS / Esam Al-Fetori
Un homme pose à côté d’une affiche représentant un combattant du Hamas lors d’une manifestation à Benghazi, en Libye, le 19 novembre 2012.
RÉSUMÉ DE L’ARTICLE
Quatre Palestiniens ont été condamnés à d’importantes peines d’emprisonnement après qu’un tribunal militaire libyen les a déclarés coupables d’affiliation et d’aide au Hamas.

Le Hamas dénonce les lourdes peines prononcées par un tribunal militaire libyen à l’  encontre de quatre Palestiniens reconnus coupables de trafic illégal d’armes en Libye, à destination du Hamas à Gaza. Il s’agit de la première affaire de sécurité judiciaire impliquant le Hamas en Libye.

Le 21 février, dans la capitale libyenne, Tripoli, le tribunal militaire a infligé des peines allant de 17 à 22 ans d’emprisonnement. Les quatre hommes, arrêtés en octobre 2016, sont Marwan al-Ashqar, son fils Baraa, Muaied Abed et Naseeb Shbeir.

Le journal libanais  Al-Akhbar (affilié au Hezbollah) a  rapporté le 22 février : « Les jugements libyens sont basés sur les enquêtes du procureur, qui comprennent des documents secrets accusant les détenus d’avoir rejoint une organisation légalement interdite, d’avoir révélé des secrets liés à la défense nationale, … [et] de possession illégale et de contrebande d’armes à feu vers Gaza. « 

Les membres des familles des détenus ont déclaré à Al-Monitor, sous couverture de l’anonymat, que les condamnés vivaient en Libye depuis les années 1990. Ils travaillaient pour une société de technologie à Tripoli et ont étudié dans les universités de la capitale libyenne. Les prisonniers, détenus dans une prison des Forces Spéciales de Dissuasion de Tripoli, se sont vus refuser toute visitez depuis des mois et ils ont subi des abus quotidiens, selon leurs proches.

Les familles ont exprimé la crainte que les condamnés soient extradés vers Israël, accusés de soutenir l’organisation terroriste palestinienne, et ont également déclaré que l’ambassade palestinienne à Tripoli n’avait fait aucun effort pour les faire libérer. Un membre de la famille a déclaré : « Nous avons approché le dirigeant limogé du Fatah, Mohammed Dahlan, pour lui demander de trouver une solution, compte tenu de ses relations étroites avec le général libyen Khalifa Haftar . » Les détenus ont été arrêtés dans une zone sous le contrôle de Haftar (allié de l’Egypte de Sissi).

En avril 2018, même le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé Khaled al-Mishri, président du Haut Conseil d’État libyen, pour discuter de la libération potentielle des Palestiniens détenus. Le Hamas est, depuis longtemps  une épine  dans le pied d’Abbas.

Le 25 février, le Hamas a dénoncé les « verdicts injustes libyens » contre les quatre Palestiniens. Il a exigé que les autorités libyennes interviennent immédiatement pour faire libérer les hommes, affirmant qu’ils ne s’étaient pas immiscés dans les affaires libyennes ni n’avaient altéré sa sécurité. Le Hamas a déclaré qu’il avait contacté plusieurs parties, qu’il n’a pas identifiées, pour résoudre ce cas.

Hazem Qassem, porte-parole du Hamas, a déclaré à Al-Monitor : «Le Hamas est un mouvement de libération nationale luttant contre l’occupation à l’intérieur de la Palestine. Les Arabes sont tenus d’offrir un soutien populaire et officiel. Notre résistance contre Israël fait partie de la défense de la sécurité nationale arabe. Nous empêchons Israël d’entrer dans les États arabes. Le Hamas est soucieux de la sécurité du peuple libyen et déploie des efforts avec plusieurs parties pour résoudre le problème des quatre Palestiniens détenus. « 

De nombreux reportages dans les médias libyens et américains, citant des agences gouvernementales  et les Nations unies, ont démontré une présence du Hamas en Libye ces dernières années. En avril 2018, le journal Libya Times a annoncé  qu’Ansar al-Sharia, une milice islamiste libyenne dissoute en 2017, avait approvisionné le Hamas en armes et en munitions.

En janvier 2017, le ministère libyen de l’Intérieur a annoncé avoir arrêté une jeune fille palestinienne à Benghazi, l’accusant d’espionnage de l’armée libyenne pour le compte du Hamas. En juin, le porte-parole de l’armée nationale libyenne,  Ahmad al-Mesmari, avait accusé l’aile militaire du Hamas, les brigades Izz ad-Din al-Qassam, de former des membres de Benghazi à la fabrication d’engins explosifs et à leur utilisation pour piéger et bombarder les troupes de l’armée nationale libyenne.

Le Hamas a nié ces accusations, affirmant que sa politique était de ne pas s’immiscer dans les affaires des pays arabes.

Un journaliste libyen proche de Haftar a déclaré à Al-Monitor sous couvert d’anonymat : «Le Hamas mène des activités en Libye par le biais des Frères musulmans. Ceci, involontairement, l’entraîne dans les conflits libyens. C’est pourquoi il est impératif que le Hamas reste à l’écart de la Libye afin de prévenir les complications. La Libye utilise un appareil de sécurité ami pour surveiller les activités du Hamas en Libye. « 

La semaine dernière,  Mustafa Laddawi, un ancien représentant du Hamas à Beyrouth et en Syrie, a écrit sur le site d’informations égyptien El-Zaman qu’Israël se réjouissait de toute nouvelle de Libye montrant que le pays poursuive quiconque est accusé d’avoir fourni des armes à l’organisation terroriste palestinienne.

Emad Abu Awad, chercheur au  Centre Vision pour le développement politique à Istanbul, a déclaré à Al-Monitor : «Cette question n’est pas distincte des relations non dissimulées entre Israël et Haftar. Israël a eu recours à Haftar pour mettre un terme à la contrebande d’armes de la Libye à Gaza en passant par le Soudan et le Sinaï. Les jugements rendus contre des membres du Hamas ne dissuaderont pas le mouvement de se procurer des armes. Pourtant, le Hamas prendra moins de risques et évitera de travailler dans certains pays de la région, tels que l’Iran, la Libye, le Soudan et le Sinaï, à la lumière des mesures de sécurité régionales renforcées à son égard. « 

Ce n’est un secret pour personne qu’Israël et Haftar se coordonnent. En mai, le  site Internet de France  Intelligence Online confirmait qu’Israël avait établi des  canaux de communication  avec Haftar afin d’échanger des informations de sécurité visant à limiter le flux d’armes du Hamas de la Libye au Soudan, jusqu’au Sinaï et à Gaza.

Le  journal Al-Arabi al-Jadeed, basé à Londres,  citait en juillet des sources anonymes proches de Haftar, affirmant qu’il avait eu une longue réunion le mois précédent avec un officier du renseignement israélien à Amman, dans la capitale jordanienne, pour renforcer la coordination des problèmes de sécurité entre Israël et lui.

L’arrestation des quatre Palestiniens en Libye a pris une dimension régionale. Emrullah Isler, chef du Comité de la sécurité et du renseignement de la législature turque et envoyé spécial du président turc Recep Tayyip Erdogan en Libye, a transmis des messages demandant aux autorités de sécurité libyennes de libérer les détenus palestiniens.

Islam Shahwan, un ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur à Gaza, a déclaré à Al-Monitor que les poursuites engagées contre les Palestiniens en Libye mettraient définitivement un terme aux tentatives du Hamas de se procurer des armes. « Ce n’est un secret pour personne que les Palestiniens et d’autres personnes ont bénéficié des armes libyennes après la révolution de 2011« , a-t-il déclaré. Le Hamas pourrait être amené à chercher ailleurs.

Shahwan a déclaré que l’ambassade palestinienne en Libye aurait pu informer les autorités libyennes au sujet des quatre hommes. « Je ne m’attends pas à ce que cela (l’ambassade d’Abbas) joue un rôle positif », a-t-il déclaré. Au lieu de passer par les Palestiniens du Fatah, « le Hamas cherche à utiliser ses relations étroites  avec Dahlan et l’Égypte pour faire libérer les quatre Palestiniens détenus ».

Personne ne sait comment les choses pourraient se terminer, malgré les efforts du Hamas à huis clos pour régler ce problème. La quête du Hamas ne sera pas facile à mener dans le contexte d’une répression sécuritaire menée par Israël et certains autres pays de la région.

Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias du programme d’éducation ouverte de l’Université d’Umma à Gaza, où il donne des conférences sur l’histoire de la cause palestinienne, la sécurité nationale et les études sur Israël. Titulaire d’un doctorat en histoire politique de l’Université de Damas, il a publié plusieurs ouvrages sur l’histoire contemporaine de la cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour plusieurs centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour plusieurs journaux et magazines arabes.

Lire d’autres articles sur : al-monitor.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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