La gifle…
par Maurice-Ruben HAYOUN
Assurément, je ne vais pas parler du film de Claude Pinoteau (1974) que nous avons tous vu alors que nous étions de jeunes étudiants. Non point, je vais tenter de tirer les enseignements fondamentaux de ce petit geste contre Emmanuel Macron, qui, dans l’histoire de la France contemporaine, aura de graves répercussions, n’en déplaise au principal intéressé ou aux thuriféraires qui s’acharnent à nier les évidences en parlant de geste isolé, inconsidéré, etc… Bref, dépourvu de signification politique alors que celle-ci est indéniable.
Mais je dois commencer par dire ma condamnation absolue, sans réserve aucune, d’un geste inouï, inqualifiable et qui montre qu’on a changé d’époque, voire même de monde. Certes, il y a eu, et depuis toujours, des tentatives de s’en prendre à des gouvernants, qu’ils soient président, roi ou reine. Et parfois même, avec une issue fatale. Donc, en dépit de l’ambiguïté fondamentale de l’actuel président de la République, on doit en être solidaire car la fonction présidentielle dépasse, et de très loin, la personne appelée à l’incarner durant un laps de temps déterminé. Partant, je me permets de le répéter afin de couper l’herbe sous les pieds d’éventuels contradicteurs, tout en étant réservé à l’égard de l’actuel président de la République, je condamne l’acte, sans me bercer d’illusions quant à son innocuité (si je puis dire) ou son absence de gravité. C’est tout le contraire qui est vrai.
Cet acte abject qui nous a tous humiliés a fait le tour du monde en ce siècle de réseaux sociaux auxquels rien n’échappe, qui diffusent partout dans le monde des thèses complotistes ou autres,, n’est pas prêt de disparaître de notre mémoire collective.
Comment en sommes nous arrivés là ?
Au fond, nul ne le saura jamais car si l’on met bout à bout les différents segments qui constituent la matérialité de l’acte, on s’interroge sur l’invisible main qui a guidé le geste de l’agresseur ; et du coup, on se pose bien des questions : par exemple : quel malin génie a bien pu pousser l’actuel chef de l’Etat à redescendre de son véhicule et à se porter au devant d’un petit groupe de gens parmi lesquels se trouvait son futur agresseur ? Au fond, s’il était resté tranquillement dans son véhicule avec sa garde rapprochée, il ne lui serait rien arrivé. Excessive confiance en soi-même : le président ne sait toujours pas qu’entre la victoire et la défaite, le bonheur et le malheur, il y a tout juste assez de place pour la tête d’une épingle…
Cette remarque, en apparence anodine, résume à elle seule l’essence du personnage dont je pointais plus haut l’ambiguïté fondamentale.: la communication remplace toujours ou presque, un vrai programme politique dont il pourrait se prévaloir. Et il est arrivé ce qui devait arriver ; à force d’aller au contact de gens qui souffrent de sa politique, qui manquent de perspectives d’avenir, se sentent relégués à l’arrière-plan, et tant d’autres laissés pour compte ou oubliés parmi les priorités du gouvernement, on finit par rencontrer un opposant en chair et en os… Lequel dans sa bêtise abyssale finit par commettre l’acte irréparable. N’oublions pas que l’homme qui vient d’être condamné à une peine de prison ferme a crié : A bas la macronie. Par cette formule, l’individu a signé son acte et lui a donné sa signification politique.
Emmanuel Macron croit pouvoir désarmer les critiques et les opposants en déployant sa dialectique dont il avait déjà fait usage contre la montée en puissance des gilets jaunes. C’était une erreur de diagnostic dont il subit à ce jour les conséquences. Les Français sont un vieux peuple doté d’un solide bon sens paysan, habitué à parler vrai et qui aime qu’on lui parle vrai. Ce qui n’est pas le cas depuis près de quatre ans, au moins.
Dans certaines rédactions, on s’interroge discrètement sur l’avenir de gamin (sic) qui nous gouverne et qui croit enjamber les demandes récurrentes du pays qui ne voit plus très bien où il va. Et les mesures prises dans la précipitation ne parviennent pas à masquer cette impasse où nous nous débattons. Voyez les états généraux de ceci, de cela, la fabrication de maints comités citoyens alors que nous avons un parlement régulièrement élu et qui porte les aspirations du peuple… Mais que signifie cette gémellation à tant de niveaux ? Pour donner l’impression que cela bouge, que l’on a les choses bien en main, ce qui est loin d’être le cas, on donne l’impression d’agir. Partout, l’actuel président est dans la réaction et jamais dans l’action originelle…
N’oublions pas la lettre des généraux mettant en cause le délitement du pays. Ce n’est pas parce qu’on en parle peu, que c’est oublié.
Voyez l’exemple de l’immigration et de la criminalité. C’est seulement maintenant que M. Macron condescend à s’occuper de l’expulsion effective des criminels étrangers alors que les citoyens de ce pays n’en peuvent plus et clament urbi et orbi leur désir de sécurité et d’ordre. Les signaux sont au rouge presque partout, notamment en PACA où le candidats du RN sont à deux doigts d’une élection au premier tour. Et l’écart se creuse de semaine en semaine et affiche uns stabilité dangereuse pour le pouvoir. PACA va passer su RN et Emmanuel Macron ira de son exégèse pour dire que ce n’est pas si important… Or, cela sera une alerte avant l’élection présidentielle
Et j’en viens à mon analyse qui tient en peu de mots et en quelques idées simples : cette gifle que je condamne, va peser lourd dans la campagne présidentielle. Elle a déjà fait le tour du monde, elle continue de faire la une des journaux et les journalistes ne laisseront pas leur échapper une telle aubaine. ON risque d’avoir des surprises, les imprévus sont toujours imprévisibles. Certains susurrent même que, par une opération de la justice immanente, une «hollandisation» d’Emmanuel Macron pourrait bien devenir le fait nouveau, chamboulant toutes les prévisions concernant le résultat de l’élection présidentielle.
Le Psalmiste parlait déjà dans l’antiquité hébraïque ainsi : nombreuses sont les pensées conçues par le cœur humain, mais c’est la décision de Dieu qui prévaudra (rabbot mahachavot be lév ish…) Dans une lexie plus laïque, on parle du bel alignement des planètes, mais qui connaît le secret de ce subtil mouvement de balancier ?
La France pourra t elle enfin se redresser ? Oui, assurément, mais dans ce cas il faut que la «com» cesse et que la politique reprenne le dessus…
Maurice-Ruben HAYOUN, professeur à l’Uni de Genève.
Dernier livre paru : La pratique religieuse juive (Paris, Geuthner, 2019)