Cet exemple de coopération devrait servir d’exemple à d’autres pays arabes, qui au lieu de se priver d’une avancée grâce à la normalisation de leur relation avec Israël, les Etats-Unis et un bon nombre de pays occidentaux préfèrent encore l’immobilisme et la croyance en des chimères qu’ils ressassent depuis un siècle, sans être capable d’offrir à leur peuple une perspective d’un avenir meilleur.

Par Mustapha Sehimi l politologue Marocain

MAROC-ÉTATS-UNIS-ISRAËL: BANCO!

Au final, le Maroc engrange bien des dividendes économiques et géostratégiques à la suite des accords d’Abraham. Sur la cause nationale, l’acquis est important, décisif même, avec l’appui réitéré de la première puissance mondiale. Dans le prolongement, comment ne pas relever au Conseil de sécurité que cette nouvelle situation se fait sentir?

Deux tweets! Deux tweets de l’ancien président Donald Trump qui se sont inscrits dans la marche de l’histoire. Le premier? La reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur ses provinces sahariennes récupérées. Le second? L’annonce dans le cadre de l’accord d’Abraham de la normalisation des relations entre Rabat et Jérusalem –une avancée historique pour le locataire de la Maison Blanche.

Un an après, quel bilan peut être dressé en la matière? 

L’ancien président américain avait précisé dans son premier tweet que «la proposition sérieuse, crédible et réaliste du Maroc sur le plan d’autonomie est la seule base pour une solution juste et pérenne afin d’assurer la paix et la prospérité». La communauté internationale en a pris acte, malgré des réactions diverses (Russie, Espagne, Allemagne), pour ne pas parler de celles franchement hostiles de l’Algérie et d’autres…

Une semaine après, le Conseil de sécurité était informé officiellement par l’ambassadrice des Etats-Unis du contenu de la proclamation émise par le président Trump reconnaissant la souveraineté pleine et entière du Royaume sur son Sahara. La nouvelle administration Biden a repris et confirmé cette position en précisant, à plusieurs reprises, qu’il n’y avait «pas de changement». Le lobbying appuyé de l’Algérie, relayé dans certains petits cercles à Washington, a échoué.

Voici quatre semaines, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, a réaffirmé cette position à l’issue d’une rencontre le 22 novembre dernier avec son homologue marocain, Nasser Bourita. Le responsable du département d’Etat a déclaré que «nous continuons de considérer le plan d’autonomie du Maroc comme sérieux, crédible et réaliste, porteur d’une approche qui peut potentiellement satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental». Et d’ajouter encore l’expression de leur «ferme soutien» au nouvel émissaire de l’ONU au Sahara, Staffan de Mistura.

Pour ce qui est des relations avec l’Etat hébreu, il y aurait évidemment beaucoup à dire. Après les six accords signés le 20 décembre dernier, de grands secteurs en ont enregistré quatorze autres. En une année, une plateforme de dialogue et de coopération a été ainsi instaurée avec des groupes de travail communs. En août dernier, il y a eu la visite de haut niveau du ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, puis celle le 24 novembre du ministre de la défense, Benny Gantz, scellée par un protocole d’accord de coopération militaire et sécuritaire.

Sur la question palestinienne, l’accord d’Abraham signé par le Maroc se situe dans la droite ligne de sa diplomatie. Le Roi Mohammed VI, le jour même, a téléphoné à Mahmoud Abbas, président de l’autorité Palestinienne. Le Souverain a réitéré «les positions constantes et équilibrées du Royaume du Maroc». Le Maroc soutient une «solution fondée sur deux Etats, vivant à côté à côte». Les négociations entre les parties restent «le seul moyen de parvenir à un règlement définitif, durable et global de ce conflit». Le Souverain a aussi rappelé qu’en sa qualité de président du Comité Al-Qods, il était nécessaire de «préserver le statut spécial de cette ville sainte» et qu’il fallait aussi respecter la «liberté de la pratique des rites religieux» des trois religions monothéistes.

Le socle des relations bilatérales est important –une coopération dense, féconde, multiforme aussi. Référence est faite à l’accord du Millenium Challenge Cooperation Compact, signé en 2017, avec une enveloppe de 450 millions de dollars; à l’impact de l’Accord de libre-échange entré en vigueur en 2006; la forte hausse des échanges commerciaux d’un montant de 5 milliards de dollars en 2019 cinq fois plus qu’en 2005, mais une contraction en 2020 par suite de la pandémie Covid-19 (3,3 milliards de dollars); et quelque 160 entreprises installées au Maroc.

Autre volet: celui de la nature, de la dimension et de l’étroitesse des liens entre les deux pays. Le Maroc est ainsi un allié majeur non membre de l’OTAN– comme la Jordanie et l’Egypte. La coopération militaire est optimale (dons de matériel, achat d’avions F-I6 et autres, programmes de formation, manœuvres conjointes dans la région, African Lion de juin à septembre 2021…). Mais il y a plus. Ainsi, Washington apprécie hautement le rôle du Maroc dans la région, au Maghreb et surtout dans l’espace sahélo-saharien. Sans oublier la diplomatie de Rabat dans le continent, pour la paix, la stabilité, la sécurité et le développement. Il est également membre du Partenariat transaharien de lutte contre le terrorisme (TS CTP). Il abrite aussi les exercices annuels African Lion dont l’édition 2020 avait été annulée du fait de la pandémie.

Par ailleurs, deux autres facteurs pèsent et consolident les rapports bilatéraux. Le premier a trait au leadership moral et politique du Souverain et au rôle particulier du Maroc dans la lutte antiterroriste, une thématique qui recoupe la constance de la diplomatie US depuis les attentats du 11 septembre 2011.

Le second, lui, intéresse ce que l’on pourrait appeler le «Made in Morocco». Un projet de société. Une politique citée en exemple adossée à la coexistence religieuse et au dialogue interreligieux. Un islam modéré, tolérant, l’opposé d’un contre-modèle d’un certain islam politique et de ses dérives extrémistes et radicales.

Les retombées économiques de la décision américaine du 10 décembre 2020 sont significatives. En juillet dernier, les importations de phosphates extraits des provinces méridionales du Royaume ont repris après un an de suspension. Dans ce même sens, il faut noter qu’en mai et juin derniers, le port de Dakhla a vu l’arrivée de deux cargaisons importantes de gaz des Etats-Unis.

Avec une aide de trois milliards de dollars pour des projets d’investissements privés au Maroc et dans les pays d’Afrique subsaharienne, les Etats Unis entendent s’impliquer davantage dans une politique de coopération.

Au final, le Maroc engrange bien des dividendes économiques et géostratégiques par suite de l’impact des accords d’Abraham de décembre dernier. Sur la cause nationale, l’acquis est important, décisif même, avec l’appui réitéré de la première puissance mondiale. Dans le prolongement, comment ne pas relever au Conseil de sécurité que cette nouvelle situation se fait sentir? A preuve, la résolution 2602 adoptée par cette haute institution onusienne le 29 octobre dernier. Le format de négociation de la table ronde des quatre (Maroc, Algérie, Mauritanie et mouvement séparatiste) est maintenu et demeure le seul cadre; également, la poursuite d’un processus de règlement négocié sur une base réaliste;  la prééminence du projet marocain d’autonomie interne d’avril 2007 et le soutien apporté au nouvel émissaire de l’ONU.

Une diplomatie dynamique, proactive, optimisant son action. Un Maroc, puissance influente éligible au rang d’une puissance régionale: sa voix et ses positions sont prises en compte. Un Maroc qui a rebondi au cours de cette année en se dotant d’un capital de crédibilité, avec une autonomie de décision et de déploiement. Quel autre pays dans l’espace régional, maghrébin ou arabe, peut bien exciper d’un tel statut? En diplomatie, il y a échec et mat mais aussi… Banco!

Par Mustapha Sehimi l politologue Marocain

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Moustapha Lamiri