JORDANIE – Les Jordaniens ont organisé le 23 janvier des élections générales anticipées, les premières depuis l’éclatement des « printemps » arabes.

Ce scrutin se déroulait dans un contexte particulièrement délicat pour le roi Abdallah II, au pouvoir depuis 1999.Quelles sont les difficultés pour le pouvoir royal?

Elles sont de deux ordres: internes et externes. A l’extérieur, il y a d’abord et surtout le conflit syrien, tout proche.

Le roi redoute les risques de débordement sur son territoire et la fanatisation religieuse du pouvoir à Damas dans l’après-Assad.

Sur le plan national, la Jordanie est aujourd’hui au bord de la banqueroute.

Le pays étant quasiment dépourvu de ressources naturelles, il dépend de l’étranger, notamment pour son approvisionnement énergétique.

Acculé, le pouvoir a déjà dû mettre fin à de nombreuses subventions.

En outre, la guerre en Syrie et la récente fermeture de la frontière irakienne pénalisent son économie.

En conséquence, la colère populaire monte depuis 2010.


Manifestants appelant à des réformes politiques et arborant des drapeaux jordaniens et palestiniens – Amman, octobre 2012, AFP

Derrière la dénonciation du coût élevé de la vie, c’est toute la corruption et les limites du pouvoir royal qui sont pointées du doigt.

Inquiet de la situation, le souverain a changé quatre fois de Premier ministre en deux ans!

Ces élections peuvent-elles changer la donne?

Très difficilement, car l’opposition a appelé à les boycotter, ébranlant d’avance la légitimité de la future assemblée.

Pourtant, le roi aurait voulu que ces élections reflètent sa volonté de réforme.

Depuis 2011, des changements constitutionnels sont en effet intervenus. Mais ils sont jugés, à raison, plus symboliques que révolutionnaires par l’opposition qui réclame une véritable monarchie constitutionnelle.

Qui constitue l’opposition politique?

Le principal mouvement d’opposition, et le mieux structuré, ce sont les Frères Musulmans jordaniens.

Ceux-ci sont historiquement une émanation des Frères Musulmans égyptiens -la « maison-mère »-, au pouvoir au Caire depuis l’année dernière.

La branche jordanienne conserve cependant une très large autonomie.

Vu combien l’islam politique sunnite a le vent en poupe aujourd’hui dans la région, ils ont en tout cas beaucoup à gagner.

Pourquoi le roi, qui est imprégné de culture occidentale, hésite-t-il tant à instaurer un régime démocratique?

La base populaire du régime actuel, ce sont les tribus bédouines locales essentiellement.

Or la majorité de la population jordanienne est d’origine palestinienne.

Et même si la reine Rania l’est aussi, les Palestiniens se plaignent de discriminations.

Si le roi perd ses pouvoirs de chef de l’exécutif, les véritables dirigeants du pays ont de bonnes chances d’être de sensibilité religieuse et très pro-palestinienne.

De quoi laisser augurer de nouvelles tensions, et pas seulement dans le dossier israélo-palestinien.

Par ailleurs, la nouveauté de la crise actuelle, c’est le mécontentement grandissant des bédouins: en effet, avec des caisses vides, difficile de contenter la clientèle traditionnelle du régime.

Par conséquent, comment satisfaire les uns sans décevoir les autres?

Que peut-on attendre de la situation?

Pour s’en sortir, soit le pays trouve des liquidités pour calmer les attentes économiques et sociales, soit il parvient à gérer le risque de déstabilisation en accordant des concessions sur le plan politique.

Pour l’aspect financier, Amman est frustré par le manque de suite dans les promesses de soutien des riches pétromonarchies voisines.

Celles-ci reprochent en effet aux Jordaniens leur tiédeur envers les rebelles syriens.

Il n’est d’ailleurs pas anodin que l’Iran et l’Irak, les principaux rivaux des pays du Golfe, aient fait des clins d’œil à la Jordanie fin 2012, en lui proposant des facilités pétrolières.

Sur le plan politique, les appels au départ du roi restent encore très minoritaires.

Le souverain garde encore une certaine marge de manœuvre, mais le pourrissement de la situation pourrait aussi remettre cela en cause à terme.

Benoît Margo/ Huffington Post Article original

TAGS: Abdallah 2 Jordanie Palestiniens Amman Rania Syrie Bédouins

Politique Elections Corruption

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Armand Maruani

Souvenons de  » Septembre noir  » , son père avait réglé dans le sang une tentative de soulèvement des palestiniens qui se comportaient en terrain conquis . Abdallah II agirait il comme le fils Assad ? J’en doute , je le trouve un peu mou , à l’instar du petit roi du Maroc . Dans ces pays il faut beaucoup de fermeté comme le furent aussi Ben Ali ou Bourguiba face aux religieux , sinon , vous êtes morts . Nous les connaissons tellement ! La démocratie n’est pas compatible avec le Coran car elle est interprétée comme un signe de faiblesse , ils ne respectent que la force et le totalitarisme . Il suffit de regarder les pays dit  » stables  » , chez ces derniers bougez une oreille et on vous coupe la tête d’un coup de sabre .