Le président Charles de Gaulle, le 25 avril 1969,  lors de son allocution télévisée et radiodiffusée. (AP/SIPA)

Il y a 50 ans ans, le 28 avril 1969, le président Charles De  Gaulle, le fondateur de la cinquième république, démissionnait de sa fonction. A cette occasion je vous propose de revenir sur l’histoire des relations entre De Gaulle et les Juifs de France.

De 1948 à 1967, environ 235 000 Juifs d’Afrique du Nord se réfugient en France, principalement quand ils sont citoyens français (comme en Algérie, indépendante en 1962) ou francophones (dans les protectorats comme le Maroc et la Tunisie, indépendants en 1956, ou l’Égypte, pays qui compte une importante population juive francophone).

Grâce à eux, la population juive en France, entre 1950 et 1967, double et se transforme totalement.

Le retour chaotique des rapatriés d’Algérie

Le choix d’installation des « séfarades » répond à plusieurs critères : présence d’un bassin d’emploi, existence d’une communauté juive leur permettant de pratiquer le judaïsme, climat méridional proche de celui de l’Afrique du Nord.

Les besoins sont énormes à partir de 1962, avec l’arrivée des rapatriés d’Algérie, et les constructions, souvent plus fonctionnelles qu’esthétiques, se multiplient.

À Paris, rue de la Roquette, à Villiers-le-Bel, Massy, Sarcelles et Fontainebleau, des synagogues sont bâties avant 1965.

Synagogue de Sarcelles

Dans les premières années de la cinquième république le roman d’amour franco-israélien semble se poursuivre. Dans la France gaullienne, les juifs s’épanouissent. Aussi, dès 1958, des entreprises françaises ont réalisé une percée dans l’économie israélienne en remportant notamment les marchés de construction de l’autoroute Beer-Sheva – Eilat et de l’aménagement des facilités portuaires d’Haïfa.

Parallèlement aux avancées dans le secteur économique, la coopération franco-israélienne s’est aussi développée dans le domaine de l’énergie atomique. Signé conjointement en 1955 par le ministre de la Défense Pierre Koenig et le ministre des Affaires atomiques Palewski, l’accord avec l’État d’Israël est maintenu dans le plus grand secret alors qu’en 1958, la France a officiellement déclaré avoir cessé toute collusion avec les scientifiques à Dimona.

Toujours au niveau de la coopération technique et dans le prolongement du programme atomique israélien, le gouvernement français participe activement au programme balistique israélien. Au début des années 1960, le lanceur Shavit (en français, « comète ») est propulsé avec succès grâce à la technologie française, celle-ci est aussi utilisée bien plus tard dans les projets de missiles Jéricho.

Le général De Gaulle et l’état-major des armées ne sont pas opposés au départ à une coopération qui pouvait être bénéfique en termes d’apports technologiques à l’arsenal stratégique français.

En dépit des nombreuses tentatives de diversification de la coopération entre les deux États, le secteur de l’armement demeure cependant la part la plus importante des échanges.

Non seulement la France est le plus gros fournisseur d’armes d’Israël mais ces échanges portent également sur du matériel de très haute technologie à l’époque, à l’instar du chasseur-bombardier Mirage III qui sera massivement utilisé lors de la guerre des Six jours.

La visite officielle de Ben-Gourion à Paris, en 1961, laisses augurer tous les espoirs d’une longue coopération. En 1962, un protocole commercial est signé entre les deux capitales dans le but de créer une zone de libre-échange pour certains produits finis.

 

En 1964, la France va également appuyer la signature d’un accord commercial avec Israël, auprès de ses partenaires communautaires européens.

En juin 1967, Israël menacé de destruction par les États de la ligue arabe, bénéficie en France d’un soutien unanime de l’opinion publique, de l’extrême droite à l’extrême gauche, de François Mauriac à Jean Paul Sartre.

Pourtant la guerre de Six Jours (5-10 juin 1967) va entraîner la déchirure entre Israël et la France. Pendant un mois, qui précède l’affrontement, les juifs français sont étreints par une effroyable angoisse, ils craignent que d’autres juifs soient exterminées, le syndrome de la Shoah remonte à la surface. Vont-ils assister à une nouvelle Shoah sans intervenir ?

Adam Loss, alors directeur du FSJU écrit : « Je n’avais jamais ressenti pareille déchirure. De vieilles dames accouraient au bureau et me suppliaient de bien vouloir prendre les derniers bijoux, de les faire partir en Israël. Tous les juifs français étaient désespérés. »

Le philosophe Vladimir Jankelevitch, lui aussi, laisse cette formule :
« Si Israël meurt, il ne nous reste que la honte éternelle d’avoir laissé mourir les survivants d’Auschwitz. »

Une fois la victoire acquise, l’angoisse qui précède la guerre fait place à une libération extrême. Selon Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur : « Ce sont les juifs extérieurs à Israël qui ont psychologiquement le plus profité des victoires israéliennes. »
Pour Pierre Goldman : « Des juifs se battaient, combattaient, gagnaient. »

Tout ça n’est  pas  compris par le président français, complètement indifférent aux actes bellicistes des pays arabes lancés dans les jours de Mai 1967.

Pour des raisons de politique méditerranéenne, des intérêts économiques et commerciaux, De Gaulle fait décréter l’embargo sur les livraisons d’armes à Israël dés le 2 juin 1967. Trois jours plus tard, il condamne l’intervention israélienne en la qualifiant d’agression.


Le 15 juin 1967 il réaffirme le refus de la France de ne tenir pour acquis aucun fait accompli. Le chef de l’État a  aussi donné pour mission à son gouvernement de dénoncer l’attitude de l’État hébreu devant l’Assemblée nationale ainsi qu’à l’ONU.

La France appuie à fond l’interprétation arabe de la résolution 242 de l’ONU dans le sens d’un retrait total des territoires occupés comme préalable à l’ouverture des négociations de paix alors que selon Lord Carendon, l’auteur du texte, les deux mesures doivent être liées et simultanées.

Le 27 novembre 1967, au cours d’une conférence de presse,  parlant de la situation au Proche-Orient, De Gaulle en vient à déclarer que beaucoup se demandaient si « les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles ».

Ces mots font l’effet d’une bombe au sein de la société israélienne, des Juifs de France mais aussi des nombreux politiciens sympathisants de la cause de l’État juif. Les juifs français sont frappés au plus profond d’eux-mêmes.

En fait, De Gaulle est persuadé que la guerre de Six Jours et ses retombées les ont précipité à l’extérieur du consensus national. Il laisse entendre qu’ils ne raisonnent plus en Français, qu’ils recherchent une place au sein du peuple juif plutôt que dans l’entité française.

Autant sous la quatrième République, il y avait unité de vue entre le judaïsme et la citoyenneté française, autant à partir de  juin 1967 la situation s’est dégradée brutalement, De Gaulle redonne naissance au soupçon de la double allégeance.

Pour les Juifs de France, le choc est rude, la crise violente et inattendue, à la fois personnelle, identitaire et politique. C’est un appel ouvert à la remontée de l’antisémitisme en France.

Pour la première fois depuis Vichy, les Juifs de France sont heurtés dans leurs convictions profondes. L’agression est indirecte puisqu’elle vise l’état d’Israël. D’autant qu’en 1967, la communauté offre un nouveau visage.

 L’arrivée depuis 1962 des Juifs d’Afrique du Nord entraîne un doublement numérique et une modification des comportements et des mentalités.

Ces Juifs déracinés d’une terre méditerranéenne, issus de sociétés profondément religieuses, ont du judaïsme une conception très différente de celle des juifs vivant en France. Leur transplantation a souvent abouti à un déclassement social et surtout à une perte de leur identité de nombreux Juifs pieds noirs. Comment retrouver la chaleur d’un judaïsme dans la société civile, laïque et impersonnelle ?

Pour ces Juifs séfarades, l’attachement à la terre d’Israël fait partie du plus profond de leur être, parce qu’elle symbolise la pérennité du peuple juif, le soutien à Israël est une passion, absolue et véhémente, toute critique à son égard est vécue par eux comme un affront personnel.

Un autre phénomène renouvelle les mentalités de la communauté juive de France, c’est la montée d’une nouvelle génération née après la guerre, en même temps que l’Etat d’Israël, une génération obsédée par une époque qu’elle n’a pas vécue. Parce que c’est en 1967 au Proche Orient que se prépare une nouvelle Shoah, cette génération place au premier plan de ses préoccupations le soutien à l’état hébreu.

En juin 1967, pour la première fois de son histoire, le judaïsme français organise des manifestations massives de soutien à Israël. Une immense vague de solidarité déferle ainsi sur la communauté qui découvre ses propres frères.

L’émigration des Juifs de France vers Israël qui est la deuxième plus importante après celle des Etats-Unis, s’intensifie : 15 000 départs en 1967. Le résultat de la Guerre des Six jours, la victoire éclatante de Tsahal, la conquête de Jérusalem et de nouveaux territoires,  permettent à la France d’opérer une catharsis de sa culpabilité.

Dans aucun autre pays européen on ne voit autant de causes étrangères importées sur les campus, dans des manifestations et des meetings. La culpabilité envers les Juifs se renverse au profit d’une culpabilité à l’égard des pays victimes de la colonisation.

Les discours antisionistes vont  se développer,  à la faveur des évènements de mai 1968 avec l’essor des phénomènes gauchistes. Le soutien à la cause palestinienne va de pair avec la poussée de l’antiaméricanisme, lié à la fin de la guerre du Vietnam.

La rupture est consommée entre les deux États en décembre 1968 avec une attaque israélienne au Liban. En riposte à un attentat anti-israélien sur l’aéroport d’Athènes, Tsahal  lance une opération de rétorsion sur l’aérodrome de Beyrouth.

Opposé à la théorie des représailles, le président français proclame l’effectivité totale du boycott des armes à destination d’Israël. Pour autant, ce changement de politique ne suscite pas moins des oppositions en France.

Dans la nuit de Noël 1969, l’ultime épisode du divorce entre les deux États, éclate avec l’affaire des vedettes de Cherbourg.

Adaptation par Jforum

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Sylvie Bonnet

Ce que he pense de de Gaulle je préfère me taire me dominer car que foutait il avec papon en1960 ce pourri était encore prefet et après l’on vente les frandmetute d’une France gaulliste !!!!!!! Jalousie quand tu tiens ton monde féroce rien ne changera jamais j’en dis pas plus mais je m étranglé de colère

Bonaparte

Bientôt nous recevrons un Chef d’état originaire du Québec qui s’écriera du balcon de l’Hôtel de Ville d’Ajaccio  » Vive la Corse libre  »

En souvenir du général pour qui ils seront reconnaissants à jamais .

Félix Perez

« Le peuple sûr de lui et dominateur » évoqué par de Gaulle n’est que l’arbre cachant une dense forêt d’antijudaïsme verbal dont nous souhaitons révéler toute l’ampleur.
L’antijudaïsme chrétien fournit au Général la trame d’une fresque historico-morale du Peuple juif qui lui permet de situer l’Israël de 67 dans un contexte favorable à sa politique pro-arabe.
https://www.facebook.com/notes/felix-asher-perez/9-novembre-mort-de-de-gaulle-les-10-antijuda%C3%AFsmes-de-de-gaulle/4381001917104/

Bonaparte

De Gaulle le minus avait oubié que parmi les premiers résistants qui l’ont rejoint à Londres étaient des Juifs .
Ils n’ont pas de leçons de patriotisme à recevoir de lui .

Je pense que son anti américanisme est retombé sur Israël lui permettant en même temps de se rapprocher du monde arabe du fait de la fin de la guerre d’Algérie .

Mauvais calcul : Il s’est tellement rapproché du monde arabe qu’ils nous ont envahi .

J’aimerai bien voir sa tronche s’il était à l’Elysée aujourd’hui . Déja en 68 il est allé rejoindre Massu en catimini quand il a vu le Peuple de Paris élevaient quelques barricades dans les faubourgs .

Général au lieu de nous avoir reproché d’avoir  » tiré les premiers  » vous auriez dû au contraire être satisfait en pensant à la bataille de Fontenoy .

Bonaparte

Correction :

Le peuple de Paris élevait …….

Scusi

Félix Perez

La fameuse conférence est de novembre 1967 et pas comme la légende de avril 1969 !!!

Marc

La conférence de De Gaulle avant le référendum du 27 avril 1969 /

Le 27 avril 1969, le peuple français est consulté par référendum sur une réforme du Sénat associée à la mise en oeuvre d’un ambitieux projet de régionalisation. Cette réforme proposée par le président Charles de Gaulle est rejetée à la majorité de 52,41% des suffrages exprimés. Les électeurs manifestent de la sorte moins leur opposition à la réforme de la Constitution que leur lassitude après onze ans de présidence gaullienne.

Le soir même, le général de Gaulle assume avec panache son échec et fait porter au président du Conseil constitutionnel Gaston Palewski le message suivant : « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi ». Dès le lendemain, lundi 28 avril, le président du Sénat Alain Poher exerce donc par intérim la présidence en attendant le scrutin qui verra l’élection de Georges Pompidou, le 15 juin suivant.

Félix Perez

L’article parle essentiellement de la conférence antijuive de de Gaulle de novembre 1967 d’où mon commentaire.

Jg

Charlot premier a trahit les français ,peut être qu un jour ils le verront..
L invention du peuple palestinien ne prend pas sa source seulement au sein des idéologies nazis et staliniennes.Il faut voir ce que la France ,en sous main ,a produit en protégeant les terroristes arabes dans toute l Europe ,y compris ,aujourd’hui hui.!

Guidon

De Gaulle n’aimait pas Israël, il a poursuivit la politique de coopération, qui avait été mise en place par les gouvernements précédents et Israël. La coopération était basée également sur l’obtention de l’arme atomique. Lorsqu’il l’a obtenu, il a jugé qu’Israël ne lui était plus utile et la guerre des six jours et la fin des colonies arabes lui ont fournis l’opportunite de retourner à la politique arabe traditionnelle de la France qui a été mise en place par François 1er.

Robert

La France a utilisé les arabes pour essayer d’exister face aux 2 grands et De Gaulle a inventé le nouvel antisemite en cela il restera une belle ordure.
La jeunesse juive d’aujourd’hui n’est plus prête a accepter la haine française envers Israël et préfère partir et de moins en moins s’identifie comme français.
En soit c’est une très bonne chose la France n’est pas notre pays et le français reste profondément antisemite.
La France forcément y perdra car remplacer les juifs par des musulmans est un pari risqué

andre

L’extrait le plus souvent cite du discours de de Gaulle de novembre 1967 est le qualificatif « sur de lui et dominateur »: il montre seulement, cependant, que le general avait des lectures populaires, et que ces adjectifs, appliques dans le roman « l’Aiguille Creuse » de Maurice Leblanc a … Arsene Lupin, lui etaient revenus en tete (probablement de facon inconsciente). Non, la phrase importante de ce discours etait « La France doit reparaitre au Caire et a Alger »: elle disait deja, en substance, ce que serait dans l’avenir, selon ses voeux, la politique de la France, faite d’un desequilibre total au profit de l’ensemble du monde arabe, quel que serait le prix a en payer par Israel.

ixiane

Grâce à DE GAULLE Israël a vaincu les pays arabes agresseurs et à cause de DE GAULLE l’antisionisme a resurgi !! Mais la balance penche quand même pour DE GAULLE car il a armé ISRAEL et lui a permis de vaincre !!! Malheureusement les séquelles sont vivaces , la FRANCE est profondément pro arabes et antisioniste presque équivalent à antisémite car ces 2 adjectifs se rejoignent forcément !