Dans Tu seras si jolie, Pierre Rehov aborde la question de l’individualisme dans nos sociétés occidentales à travers, notamment, le personnage d’un jeune djihadiste. Le reporter, qui s’est inspiré de témoignages réels, y décrypte avec force les ressorts profonds du phénomène de radicalisation.

Pierre Rehov est reporter, écrivain et réalisateur de documentaires, notamment sur le conflit israélo-arabe et la psychopathologie terroriste. Il a publié cette année Tu seras si jolie… (Belfond, 2018).


FIGAROVOX.- Votre roman conjugue le parcours d’une jeune femme victime de l’importance de l’image dans notre société et d’un homme endoctriné par l’islam radical. Pourquoi mêler ces deux destins?

Pierre REHOV.- Lorsque j’ai envisagé d’écrire Tu seras si jolie… je voulais seulement suivre l’évolution d’une jeune femme plutôt quelconque physiquement mais raffinée sur le plan intellectuel et assez bien dans sa peau qui devient progressivement belle selon les critères actuels grâce à une émission de télé réalité.

J’ai vécu assez longtemps aux USA où la question de l’image est assenée médiatiquement jusqu’à ce qu’il paraisse impossible de trouver le bonheur faute de ressembler aux standards d’Hollywood, et j’ai été fasciné, et d’une certaine manière choqué, par des émissions telles qu’«Extrême Relooking» qui proposent de vous remodeler entièrement.

Les Américains sont passés experts en contenus émotionnels surfant sur la plus grande banalité et ce show, qui a un succès colossal, permet à des jeunes femmes choisies pour leur physique ingrat parmi des dizaines de milliers de candidates, de changer radicalement leur apparence. Ce projet littéraire était accompagné d’un cri de révolte plutôt féministe contre la tyrannie mercantile de l’apparence.

Mais c’était compter sans l’actualité car il a été conçu au moment des attentats du Bataclan, de l’hyper Casher, et entrepris pendant celui de Nice.

De plus, je vis désormais en Israël, où la lutte contre le terrorisme fait partie du quotidien.

Partant de mon expérience de reporter ayant eu la rare opportunité d’interviewer des dizaines de terroristes islamistes à Gaza, dans les prisons israéliennes et en Irak, je pensais pouvoir répondre partiellement à une question obsédante qui revient après chaque attaque: «Pourquoi font-ils cela? Comment un jeune, intégré dans une société libre et prospère, peut-il se laisser endoctriner, décider de rejoindre Daesh, et se sacrifier en emportant avec lui le plus grand nombre possible d’innocents».

Parmi les points communs les plus évidents entre ces jeunes candidats au terrorisme suicide on trouve une immense frustration sexuelle et une notion de l’honneur basée sur le comportement de la femme, considérée comme une tentatrice et destinée à mettre la foi de l’homme à l’épreuve.

C’est pour cela qu’elle doit être cachée, soumise à la volonté des membres masculins de sa famille et, comme souvent dans les sociétés patriarcales, ce comportement névrotique s’inscrit dans un contexte socioreligieux omniprésent que tous acceptent, quel que soit le sexe.

Il m’a donc paru évident de créer un deuxième personnage, miroir inversé du premier, pour dénoncer les excès de deux civilisations en conflit où le rôle de la femme est diamétralement opposé.

C’est ainsi que, dans mon roman, est né Faouzi.

Les émissions de télévision américaines qui m’ont inspiré ne vont peut-être pas aussi loin que celle inventée pour les besoins du roman mais lui ressemblent.

Le personnage d’Emma accepte de participer à une émission de téléréalité qui transforme des candidates au physique désavantageux en des icônes de beauté par la chirurgie esthétique. Sommes-nous dans le vraisemblable ou dans la science-fiction?

Les émissions de télévision américaines qui m’ont inspiré ne vont peut-être pas aussi loin que celle inventée pour les besoins du roman mais lui ressemblent.

Nous ne sommes pas dans la science-fiction, mais toutefois dans le vraisemblable car la chirurgie et la médecine esthétique sont capables aujourd’hui de procéder à de vrais miracles.

Les chirurgiens remplacent des visages entiers pour redonner une apparence acceptable à des victimes d’accidents totalement défigurées. On rafistole le corps humain dans tous les sens et nous ne sommes qu’au début d’une science dont les limites reculent en permanence.

Le personnage d’Emma a la particularité d’avoir une apparence modelable car, si elle n’est pas très belle, elle n’est pas non plus d’une laideur repoussante.

Ce qui lui arrive reste donc dans le domaine du possible. Cela ne m’a pas empêché de prendre du recul et de mettre beaucoup d’humour dans cette partie du roman, tandis que j’emploie un ton plus grave à mesure que se développe le récit.

Le personnage de Faouzi est endoctriné par des prédicateurs islamistes. Puisque vous avez vous-même travaillé sur les psychopathologies terroristes, ce personnage est-il inspiré d’une de vos rencontres?

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