Se prévaloir de titres prestigieux impressionne toujours certaines personnes moins qualifiées. Béatrice Giblin n’en manque pas. Elle est :

  • géographe et géopoliticienne ;
  • ancienne élève d’Yves Lacoste, professeur émérite de géopolitique, souvent présenté comme « le père de l’école française de géopolitique » ;
  • ancienne directrice de l’Institut français de géopolitique à l’université de Paris VIII, fondé par Yves Lacoste ;
  • directrice de la revue de géopolitique et de géographie fondée par Yves Lacoste, Hérodote ;
  • chevalier de la Légion d’honneur – ayant reçu la médaille des mains… d’Yves Lacoste.

 

Béatrice Giblin et Yves Lacoste fêtant en 2016 les 40 ans de la revue de géopolitique et de géographie

Béatrice Giblin et Yves Lacoste fêtant en 2016 les 40 ans de la revue de géopolitique et de géographie Hérodote (image: Twitter)

 

Pour le lecteur novice, de telles références sont un gage de sérieux. Il est d’autant plus grave d’en abuser pour écrire un article truffé d’inexactitudes géopolitiques.

Libération, qui publie le texte, annonce dans sa section Libé des géographes :

 

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Le chapeau de l’article indique que la supposée recherche d’espace n’est pas due au hasard :

 

Shimon Pérès n’a jamais remis en cause ce pilier de la géostratégie israélienne : conquérir toujours plus de territoire.

Surfant sur l’actualité, la mémoire du père des accords d’Oslo tout juste décédé est donc convoquée pour asséner une « vérité géostratégique » : Israël – même son dirigeant le plus « pacifiste » – aurait pour doctrine de « conquérir toujours plus de territoire ».

Pour appuyer le propos sous l’angle de la géographie, l’article est illustré par une variante d’une carte qu’utilisent abondamment les propagandistes de la cause palestinienne, qui dépeint un « grignotage » supposé des territoires palestiniens par Israël.

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Curieusement, la carte commence en 1949, alors que l’indépendance de l’état moderne d’Israël remonte à 1948. Pourquoi ce choix ? Pourquoi ne pas remonter, par exemple, à la Déclaration Balfour de 1917 ? Il permet en tout cas de masquer les frontières bien différentes déterminées par le plan de partage de l’ONU en 1947 – et leur oblitération suite à l’assaut lancé sur Israël par cinq armées arabes au lendemain de son indépendance. Il inscrit ainsi la « Cisjordanie » comme un territoire qui aurait toujours existé (et sur lequel une légitimité palestinienne existerait à l’exclusion de toute revendication israélienne), alors que sa délimitation et même son nom découlent directement de l’occupation jordanienne de 1949 et des lignes de cessez-le-feu négociées alors entre Israël et l’Egypte, la Jordanie, le Liban et la Syrie.

Mais le plus curieux sur cette carte, c’est ce qu’elle ne montre pas :

  • le retrait israélien du Sinaï en 1982, furtivement mentionné dans le texte de l’article mais que toute étude géopolitique sérieuse ne peut faire l’économie de représenter sur une carte

 

Israël après la guerre des Six-jours de juin 1967. Le Sinaï, vaste territoire au sud-ouest d'Israël, a été rendu à l’Egypte en 1982. Voilà qui ne ressemble pas à une politique de conquête effrénée (source: mfa.gov.il).

Israël après la guerre des Six-jours de juin 1967. Le Sinaï, vaste territoire au sud-ouest d’Israël, a été rendu à l’Egypte en 1982. Voilà qui ne ressemble pas à une politique de conquête effrénée (source: mfa.gov.il).

 

  • le retrait israélien du Sud-Liban en 2000

 

Carte AFP illustrant le retrait par Israël du Sud-Liban décidé par Ehud Barak en 2000. Un retrait dont les lecteurs du Libé des géographes n'auront pas connaissance.

Carte AFP illustrant le retrait par Israël du Sud-Liban décidé par Ehud Barak en 2000. Un retrait dont les lecteurs du Libé des géographes n’auront pas connaissance.

 

Seul apparaît le retrait israélien de la Bande de Gaza décidé par Ariel Sharon en 2005 – sans que soit relevée la contradiction flagrante avec la thèse de l’article.

A eux deux, les territoires contestés encore contrôlés par Israël (Judée-Samarie et Golan) mesurent 7,000 km2. Le Sinaï, lui, s’étend sur environ 60,000 km2, (soit trois fois plus que le territoire non contesté d’Israël d’environ 20,000 km2) : cela signifie que, en ajoutant au Sinaï les petits territoires de Gaza et du Sud-Liban, Israël a rétrocédé 90% des territoires qu’il a conquis lors des précédents conflits défensifs.

Si « conquérir toujours plus de territoire » est un « pilier de la géostratégie israélienne », Israël s’y prend vraiment mal.

Miracle géopolitique

A eux seuls, ces oublis sont indignes d’une analyse de niveau universitaire. Mais ce ne sont pas les seules approximations. La Cisjordanie et Gaza sont décrits comme « sous contrôle de la Jordanie et de l’Egypte » (qui les avaient conquis militairement) entre 1949 et 1967, alors qu’à partir de 1967 et le gain de ces territoires par Israël suite à la guerre des Six Jours ils deviennent des « territoires occupés ». Par quel miracle géopolitique le terme d’« occupation » s’appliquerait-il à Israël mais pas aux armées jordaniennes et égyptiennes ?

Présenter les accords d’Oslo signés par Shimon Peres comme résultant d’une « géostratégie de conquête israélienne » est également très tendancieux. Ces accords, dont il faut rappeler qu’ils ont aussi été signés par les Palestiniens représentés par Yasser Arafat, ont pour la première fois de l’histoire créé, dans la majorité des zones urbaines à population arabe de Judée-Samarie, une entité administrative sous contrôle civil et sécuritaire palestinien. La carte inverse donc la réalité en faisant croire par un jeu de couleurs à un « grignotage » israélien du territoire : Oslo a bel et bien été un recul de souveraineté consenti par Israël sur des territoires que le pays contrôlait jusque là entièrement.

Les accords d’Oslo ont été paraphés par les deux parties sous l’égide de la communauté internationale, qui a en parallèle contrairement à ce que prétend l’article légalisé la présence d’habitants juifs (des « colons » pour Madame Giblin) dans les zones sous administration israélienne. Malgré ce qu’affirment maintenant une grande partie de la presse et des chancellerie occidentales, cette situation perdure tant qu’un nouvel accord n’est pas conclu entre Israéliens et Palestiniens.

Cela fait beaucoup de vices de présentation pour une seule carte, alors que la précision du cartographe n’est pas en cause puisqu’il a su pousser le détail jusqu’à illustrer, correctement, le rétrécissement de la surface de la mer Morte, désormais coupée en deux par manque d’approvisionnement.

Clichés

Les clichés ne manquent pas dans l’article : « autoroutes, tunnels et autres ponts, réservés aux seuls Israéliens » qui, « en quelques minutes de voiture et à vive allure, sont à Jérusalem ou Tel-Aviv, quand les Palestiniens circulent sur des routes étroites, tortueuses, contraintes de contourner les colonies israéliennes ce qui allonge encore le temps des trajets. » On est bien loin de la rigueur universitaire car en réalité les grandes routes sont partagées par tous les usagers :

 

Une voiture palestinienne double une voiture israélienne, sur la même voie rapide (photo ©InfoEquitable)

Une voiture palestinienne double une voiture israélienne, sur la même voie rapide (photo ©InfoEquitable)

 

Faire passer l’Etat juif pour un état assoiffé de conquêtes et doté d’une politique officielle en ce sens ne résoudra pas les problèmes de la région.

En revanche, cela attisera en Europe la haine des Juifs par des lecteurs mal informés et persuadés de lire un rigoureux article académique.

infoéquitable

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Adam

N’attendez rien de la France et des français. Regardez le documentaire TABOU de M6 et vous comprendrez qu’il est trop tard : ce pays est définitivement perdu pour l’occident, et d’autres pays européens suivront. L’UOIF, c-à-d les Frères Musulmans, s’y attache et cela va réussir car en face il y a une population fascinée par l’islam et les palestiniens au point de perdre ses propres repères et ses racines. Philippe de Villiers vient de l’écrire dans son nouveau bouquin qui fera du bruit sans aucun doute. La hausse vertigineuse de la pratique de l’islam et du port du voile sont le signe d’une véritable stratégie de conquête des terres de mécréants (l’Europe) comme le préconise le Coran.
Les présidentielles vont certainement se jouer sur ce thème, et on verra que la société est en majorité prête à se soumettre plutôt qu’à combattre pour garder ses valeurs.
Donc, les propos et théories de cette géopoliticienne, on s’en fout.
A bon entendeur.

Dans 30 ans au plus, la France aura basculé dans une communauté isla

Ixiane

Les faux-culs ne changeront jamais, Israël a eu ordre de développer et construire sur la TERRE qui lui a été allouée, ou plutôt rendue, à SAN REMO en 1920-22 et c’est cela qui compte !!! les arabes qui ont eu des Terres 1000 fois plus vastes devraient s’écraser !!!! ISRAEL ne fait rien d’illégal en développant son Pays !