Béziers: les « pierres jumelles » sont enfin réunies au musée juif
Depuis mardi, au musée juif de Béziers, les copies de la pierre d’Olot et de la pierre synagogale de Béziers sont enfin réunies !
Au-delà du symbole des « pierres jumelles », leur réunion tombait sous le sens, tout simplement parce que l’une est la clé de la compréhension de l’autre. (L’hôtel particulier de Cassagne, à Béziers. Crédit : Capture d’écran Google Maps)
Depuis sa découverte en 1947, dans l’ancien cimetière détruit en 1936 pendant la guerre civile, la pierre d’Olot était surnommée « la pedra misteriosa ».
Unique vestige juif de la ville, convertie en pierre d’autel chrétienne, elle représentait, de plus, l’unique occurrence d’une pierre synagogale comportant un toponyme. Non pas celui de la ville, mais celui de Beders, c’est-à-dire Béziers en hébreu ! Au point que certains (J. M. Millas), suggérèrent que la pierre, gravée à Béziers, avait été transportée par les juifs en exil, jusqu’en Catalogne !
De son côté, la pierre synagogale de Béziers avait suscité, dès le 17e siècle, l’intérêt de nombre de savants qui en avaient donné des traductions et tiré des études plus ou moins fantaisistes, y compris le fait qu’il s’agissait d’une pierre ramenée de Jérusalem par des juifs s’établissant dans leur nouvelle patrie.
Comme quoi, on imaginait volontiers à cette époque les juifs prenant la route de l’exil en portant des stèles sur leur dos !
Elle fut successivement datée de 1121, 1140, 1141, 1144, notamment en raison d’un rapprochement entre le nom d’un rabbin, cité dans le texte de la pierre, et le même patronyme cité par Benjamin de Tudèle dans son livre des voyages.
En fait, le millésime gravé à la fin du texte de la pierre d’Olot qui évoque l’exil des biterrois est « l’an quatre mille et 969 », qui correspond à l’année 1209 du calendrier grégorien. Il s’agit donc d’une référence explicite à la croisade des Albigeois, durant laquelle se déroulèrent les évènements tragiques du sac de Béziers.
Pour sa part, la pierre de Béziers évoque le retour de l’exil, et la date d’achèvement de la nouvelle synagogue de la ville, le 13 tamuz 4900. Mais le début de la ligne 10 étant endommagé, il manque une indication décennale, soient les années 1154 à 1234.
Dans le texte de la pierre, il est parlé de l’exil (de 1209), et du retour, comme en « un court instant » (kimat rega). L’année la plus rapprochée possible portant un millésime se terminant en quatre est 4964, soit 1214 », 5 ans après le sac de Béziers. C’est la date qui a été communément admise.
Pourtant, il existe une différence dans le texte des 2 pierres.
L’inscription d’Olot parle des juifs à la 3e personne (ils), alors que celle de Béziers s’exprime à la 1ere, du pluriel,(nous).
Selon certains (A. Czernikow), les juifs de Béziers auraient entrepris la construction d’une synagogue à Olot, mails auraient regagné leur patrie avant l’achèvement de l’oratoire. D’autres juifs, venus s’installer ultérieurement, auraient terminé et inauguré ce lieu, en gravant leur dédicace en mémoire de ceux qui les avaient précédés.
Mais l’explication couramment admise est qu’une partie seulement des juifs d’Olot aurait réintégré Béziers. Le texte aurait été gravé en leur mémoire, par ceux qui étaient restés, et avaient achevé l’édification de la synagogue.
Ce qui est assez incroyable, c'est que dans le corpus tout de même relativement réduit des inscriptions hébraïques médiévales, une seconde – conservée en Catalogne – fait écho à celle de Béziers.
— M@tias (@_MathiasD) September 9, 2020
PHOTOS PAUL BENZIMRA
Musée juif de Béziers
19 place Pierre Semard
Contact : 06 50 29 64 13