BeHaR: quel modèle économique selon la Torah (vidéo)

Raphaël Draï

Dans la paracha Béhar on trouve une idée majeure.

«Que si vous dites: «Qu’aurons nous à manger la septième année puisque nous ne pouvons ni semer ni rentrer nos récoltes? », Je vous octroierai ma bénédiction dans la sixième année tellement qu’elle produira la récolte de trois années» (Lévitique, 25, 20 et 21). Bible du Rabbinat.

Cette mitsva est l’une de celles qui illustrent le plus exactement le modèle économique de la Thora car il y a bien une dimension économique, au sens littéral, de la Création et c’est pourquoi dans le Chemoné Êsrei, la prière axiale d’Israël, le Créateur est qualifié concrètement «d’intendant de la vie: mekhalkel h’aym».

La vie au sens biblique n’est pas insubstantielle. L’homme ne se nourrit certes pas exclusivement de pain, mais sans pain il défaille et ne pense plus qu’à sa pitance. Il faut y veiller tout en préservant les ressources vives de la Création, ne pas les exténuer, ne pas les carencer, ne pas les nécroser.

A cette fin, il importe que les créatures apprennent à se défaire d’un véritable réflexe: celui de l’emprise qui consiste à s’emparer par vive force de l’objet d’une envie ou d’un désir.

Le geste remonte loin et haut. Il se rapporte à la transgression primordiale commise au Gan Eden lorsque le premier couple porta la main sur la fruit de l’arbre de la connaissance, qu’il s’en saisit avant de le porter à sa bouche et de le dévorer (Gn, 3, 6).

Un pareil réflexe forme la base de la volonté de puissance, celle qui ne connaît d’autre loi que la sienne. De ce point de vue, le champ économique, connexe à celui des armes, est devenu le champ électif d’une volonté de puissance aussi absolue.

La possession des biens et des êtres devient critère de souveraineté. L’être équivaut à l’avoir et les deux se dilatent au même rythme, jusqu’au moment où les volontés de puissance, se découvrant horriblement présentes et concurrentes en un même lieu, entrent en collision et entreprennent de d’annuler réciproquement.

Le modèle économique d’Israël s’inscrit à l’encontre de ces tendances archaïques et mortifères. La volonté de puissance doit le céder à la relation de confiance. La terre n’est pas chose inerte. Elle est vivante.

C’est d’elle que provient l’humus, le âphar où les humains seront façonnés avant de recevoir l’insufflation divine qui les dotera du langage (Gn, 2, 7). Elle aussi à ses rythmes et ses cycles.

On ne saurait l’exploiter jusqu’à saturation, jusqu’à l’épuiser. Le rythme vital sera ainsi le rythme chabbatique, à trois degrés comme tout ce qui doit être élaboré: le chabbat hebdomadaire, celui du repos des corps redevenus réceptacle des âmes; le chabbat septennal, la chemitta, celui du repos de la terre elle même de sorte qu’elle aussi reconstitue son énergétique vitale; et le chabbat jubilaire, le yovel, au cours duquel les conduites d’emprise et de captation se dénoueront pour qu’apparaissent des nouvelles formes de vie sociale, des modèles économiques inédits, et cela sans catastrophes et sans crises destructrices.

A cette fin, et dès la sixième année du cycle initial, chacun doit entreprendre le travail sur soi qui lui permettra de se défaire des conduites d’emprises, des comportements auto- centrés par lesquels chacun aussi se fait l’assureur absolu et compulsif de sa propre existence, sans faire confiance à personne d’autre, comme si l’univers n’était pas une Création issue de la bénédiction du Créateur.

C’est la raison pour laquelle cette paracha prolonge la paracha Kédochim qui liait ensemble le respect parental et l’observance du chabbat. Ce respect n’est pas formel. Il atteste de l’existence même des parents, de leur antériorité et donc du principe généalogique qui fait de la vie une infinie transmission. L’observance des rythmes chabbatiques conforte alors le principe généalogique premier de la Création tout entière d’où sera issu ensuite le principe généalogique parental lui même.

Cesser d’œuvrer au terme de la sixième année, c’est reconnaître l’existence divine et fonder cette reconnaissance sur un acte fondamental de confiance. Car seule la relation de confiance mérite le qualificatif d’éthique. Par elle, «l’homo oeconomicus» cesse de s’auto-couronner et s’en remet à la sollicitude d’autrui dont il ne doutera plus qu’il gagera réciproquement sa vie sur la sienne.

La vie est don de l’Éternel. Elle ne se reproduit et ne se développe que d’être donnée à son tour.

L’économie politique contemporaine acharnée aux surplus et avide d’extrêmes profits, l’économie obsessionnelle, idolâtre du signe «plus», l’a telle compris?

Raphaël Draï zatsal, 14 mai 2014

 

Behar: Ne pas causer de tort à son prochain (vidéo)

Pourtant même alors, quand ils se trouveront dans le pays de leurs ennemis, je ne les dédaignerai ni les repousserai au point de les anéantir et d’annuler mon alliance avec eux, car je suis l’Éternel leur Dieu.  » (Lévitique, 26, 44)

L’interdiction de causer du tort à son prochain se trouve exprimée à deux reprises dans notre SIDRA dans l’espace de quelques versets.

C’est qu’en vérité il y a deux façons bien différentes de léser son prochain. On peut le faire matériellement -en lui occasionnant une perte d’argent -ou moralement – en le blessant au plus profond de lui-même.

Les deux lésions sont strictement interdites.

Matériellement, soit le vendeur, soit l’acheteur peut essayer d’abuser de l’ignorance de l’autre, de son incompétence, de la nécessité dans laquelle il se trouve d’acheter ou de vendre suivant le cas.

La faiblesse de l’autre dans un domaine quelconque peut nous inciter à le tromper, aussi bien sur le prix que sur la qualité ou la quantité, bref à lui causer un préjudice matériel plus ou moins grand.

C’est là un grand péché vis-à-vis de notre prochain, mais en même temps aussi une faute grave vis-à-vis de Dieu.

On peut causer du tort encore d’une autre manière. On peut blesser son prochain moralement.

Le préjudice qui lui est causé de la sorte est bien plus sérieux qu’une simple perte matérielle.

Aussi la Torah a-t-elle ajouté (25, 17) :  » Ne causez pas de tort l’un à l’autre et redoutez votre Dieu, car je suis l’Éternel, votre Dieu « .

Ici, plus encore que pour le préjudice matériel, l’Éternel châtiera le coupable, même s’il est possible à celui-ci de se justifier en prétextant qu’en réalité il ne voulait pas de mal à son prochain.

C’est que l’abus d’ordre moral est des deux de beaucoup le plus grave. On peut, en effet, toujours et facilement, réparer la perte matérielle causée si l’on regrette d’avoir mal agi. On peut bien plus difficilement réparer une blessure morale, car on ne peut pas l’estimer à sa juste valeur, ignorant la profondeur et l’étendue du mal causé.

Aussi est-il indiqué d’être très prudent et très regardant dans ce domaine; de ne jamais blesser son prochain par une remarque fâcheuse, de ne jamais lui faire honte, bref de ne pas lui causer la moindre blessure ni le moindre préjudice moral ou matériel.

LE RABBIN JEAN SCHWARZ

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Bilou

Sans terre il n’y a plus de peuple, il n’y a plus d’Israël. Rendre la terre à Dieu tout les 50 ans et un concept qui demande à être éclairci. Son seul intérêt est de se soumettre à un soi-disant diktat de ceux qui pensent parler au nom de Dieu. Le 3ème commandement interdit de parler au nom de Dieu
Il y a une naïveté dans la torah qui fait fi de la nature humaine et des défauts inhérents à l’homme. Dire la bonne parole, pour enseigner la bonne manière de se comporter, n’a de sens que si on fait du prosélytisme pour que cette enseignement soit étendu à tous. Un enseignement limité aux juifs est idiot, car il laisse le croyant (celui qui pense que tout le monde pense ainsi) nu devant la force qui impose, devant la ruse et l’astuce et condamne de facto le juif à être à la merci des autres.
Il aurait été plus intelligent et plus positif d’ouvrir le judaïsme aux autres comme l’a fait Saül de Tarse ou même comme l’Islam pour qu’une majorité applique la loi qu’il a édicté. Limiter cette loi aux juifs alors qu’elle devrait être universelle et la cause du destin des juifs durant des siècles. L’impossibilité de remettre en cause les erreurs de cette politique contribue à condamner la reproduction des mêmes erreurs