Après Mossoul, les milices chiites d’Irak vont-elles se diriger vers la Syrie?

Ces milices chiites pro-iraniennes vont-elles s’arrêter à la frontière -ou traverser la ligne rouge et risquer de déclencher un nouveau conflit confessionnel? 

Members of the Shi'ite Badr Organization fighters riding in a military vehicle during a battle with Islamic State militants west of Mosul, Iraq, on Nov. 20.ENLARGE
Membres de l’organisation chiite Badr montés juchés sur un véhicule militaire au cours d’une bataille contre des djihadistes à l’ouest de Mossoul, Irak, le 20 Nov. 2016. PHOTO: KHALID AL-MOUSILY/REUTERS

Si et quand l’Etat Islamique s’effondrera en Irak, il dépendra pour beaucoup de savoir si les milices chiites irakiennes qui auront pris part à la campagne s’arrêteront à la frontière internationale ou si elles traverseront ces limites vers la Syrie, au risque de rouvrir une nouvelle phase de la guerre dans ce pays aux cessez-le-feu fragiles.

Les Hashed al-Shaabi ou Forces de Mobilisation Populaire, qui fusionnent plusieurs des puissantes milices chiites d’Irak contrôlées par le Général Qassem Soleimani, des Gardiens de la Révolution iranienne) ont été fondées pour combattre l’Etat Islamique à la mi-2014; A l’époque, l’armée régulière irakienne s’était effondrée aux premiers coups de semonce du groupe extrémiste terroriste qui s’emparait de la deuxième plus grande ville d’Irak, Mossoul et perçait à fond en direction des faubourgs de Bagdad, la capitale.

Alors qu’elles sont supposées  demeurer sous le contrôle du gouvernement central de Bagdad, la plupart de ces milices sont entraînées et équipées par l’Iran et elles ne cachent absolument pas leurs liens étroits avec le Corps des Gardiens de la Révolution. Sur leurs tanks et leurs véhicules blindés, ils font fréquemment flotter des bannières avec les portraits du Guide Suprême de la Révolution Iranienne, l’Ayatollah Ali Khamenei.

La campagne en cours pour reprendre Mossoul, le dernier centre de population en Irak qui est encore aux mains de l’Etat Islamique, est conduite par l’armée irakienne reconstruite et la police fédérale. Les milices chiites sont déployées dans des zones à l’ouest de la ville, coupant ainsi l’Etat Islamique du territoire qui lui reste en Syrie et semparant, de la même façon, d’un ensemble de villes le long de la frontière syrienne.

Certains chefs des Forces de Mobilisation Populaire ont, d’ores et déjà, déclaré qu’ils n’ont pas l’intention de s’arrêter à la frontière et qu’ils ont obtenu la bénédiction du Président Bachar al Assad pour poursuivre ses ennemis à travers la frontière.

Les dirigeants iraniens, également, parlent ouvertement d’employer ces milices irakiennes aguerries aux combats dans le conflit syrien, dès que Mossoul serait finalement libérée de l’Etat Islamique. Alors que les forces irakiennes ont subi de lourdes pertes à Mossoul (jusqu’à 50% de certaines unités d’élite, dit-on), elles ont réussi à reprendre une partie significative de la ville (quoi que guère plus de 60% en plus de 4 mois de campagne).

« Nous le disons clairement, il y a une nécessité à sécuriser la frontière irako-syrienne et à empêcher les « terroristyes » de s’infiltrer en Irak, aussi nous pouvons nous rendre en Syrie pour nous en assurer », déclare Moeen al-Kadhimi, un dirigeant important de Badr, la milice irakienne prédominante et qui est ancien Président du Conseil provincial de Bagdad.

Il disait avec précaution, cependant, que toute opération transfrontalière de cet acabit devait être approuvée à la fois par les gouvernements syrien et irakien et que la cible des milices irakiennes serait l’Etat Islamique et non les autres opposants au régime Assad ou aux forces kurdes syriennes.

« Ce ne sont pas nos affaires. L’Armée Arabe Syrienne a prouvé qu’elle est capable de défendre la Syrie ».

En Syrie, ces milices rencontreraient une toute autre typologie démographique. Alors que l’Irak est majoritairement chiite, environ 74% de la population de Syrie est sunnite,selon les estimations de la CIA. L’Etat Islamique applique une forme extrême de sunnisme islamique et a chassé les non-Sunnites des terres qu’il contrôle. M. Assad et le noyau dur de son régime appartiennent à la minorité alaouite, une déviation éloignée de l’islam chiite.

« L’entrée de dizaines de milliers de combattants des Forces Populaires de Mobilisation en Syrie aura un impact profond et déclenchera l’affrontement entre les sectes -communautés-« , déclare Riad Hijab, ancien Premier Ministre syrien qui dirige à présent la Haute Commission pour les Négociations, une organisme coordinateur représentant l’essentiel de l’opposition syrienne et des groupes rebelles soutenus par l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar.

« Ils arriveront avec des slogans confessionnels (sectaires) et seront provocateurs, puisqu’ils combattront des Sunnites. Cela affectera grandement la stabilité dans la région et pas seulement la région arabe. Cela générera des confrontations ethno-confessionnelles partout où vivent les Sunnites et les Chiites », selon M.Hijab.

Les milices chiites de l’étranger ont déjà joué un rôle central dans le conflit syrien. La plus importante d’entre elles est le Hezbollah libanais, qui est devenu indispensable à la survie du régime.

Des milliers de combattants des milices chiites irakiennes, telles qu’Al Nujaba et Asaib Ahl al Haq – toutes deux faisant partie des Forces de Mobilisation Populaire – ont aussi été transportées par air, au cours de ces derniers mois, vers certaines parties détenues par le réfgime en Syrie. Là, elles ont pris part à la reconquête de la moitié rebelle de la ville d’Alep, à plus de 483 kms de la frontière irakienne.

Une entrée indépendante par voie terrestre des unités chiites parmi les plus importantes aurait, cependant, une signification totalement différente d’une mission expéditionnaire visant à assister les forces du régime Assad à Alep.

Alors que le régime Assad détient les territoires des principaux centres comprenant la majeure partie de la population de l’ouest de la Syrie, il n’y a pas de contiguïté entre ce territoire et l’Irak. Dans les régions de l’Est de la Syrie limitrophe de l’Irak, il y a seulement des enclaves isolées de contrôle par le régime, qu’on doit ré-approvisionner par air.

L’essentiel de la Syrie de l’Est est actuellement détenu, soit par l’Etat Islamique, Daesh soit par l’alliance dominée par les Kurdes, connue sous le nom de Forces Démocratiques Syriennes.

Les rebelles sunnites syriens, soutenus par la Turquie et les forces dominées par les Kurdes et appuyées par les Etats-Unis avancent séparément vers la plus grosses villes de l’Est syrien : Raqqa, la capital de facto de l’Etat Islamique en Syrie.

Injecter des milices chiites d’Irak dans cette régionà une majorité écrasante sunnite constituerait une recette pour un désastre, met en garde Monzer Akbik, un membre important d’un groupe de l’opposition syrienne, Tayar al-Ghad, qui est allié avec les forces kurdes.

« Les milices chiites sectaires entrant dans une zone sunnite ne feraient que semer la ruine », dit-il. « Si cela se produit, peut-être que des gens dans cette zone se joindront à Daesh pour combattre l’Hashed al-Shaabi ».

Ecrie à Yaroslav Trofimov at yaroslav.trofimov@wsj.com

wsj.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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