…en attendant les frappes sur la SyrieSur ce plateau syrien occupé par Israël depuis 1967, les touristes se promènent comme si de rien n’était et les hôteliers font le plein, comme si le chaos qui sévit à quelques kilomètres de la frontière ne les concernait pas.

Après la cohue et la panique d’une partie de la population israélienne pour s’équiper de masques à gaz et l’annonce officielle d’une rupture des stocks, les esprits se sont calmés et l’on y suit les évènements de Syrie avec résignation.

Inconscience ou témérité, les Israéliens retrouvent leurs instincts à la veille des fêtes de fin d’année (Roch Hachana commence le 4 septembre) en se rendant vers leur destination privilégiée: les résidences champêtres de bois et de bambous du Golan, plateau syrien occupé par Tsahal depuis la Guerre des Six-Jours. Les hôteliers font le plein comme si le chaos qui sévit à quelques kilomètres de la frontière ne les concernait pas.


Une randonnée sur le plateau du Golan.

Le village de Ramot, qui surplombe le lac de Tibériade, face aux hauteurs du Golan, semble vivre en dehors du monde réel. Deux autobus de touristes venus spécialement de France pour fêter une bar-mitsva, la majorité religieuse, se sont installés pour un week-end de prières, de festivités et de promenades équestres. Ils n’ont pas peur puisqu’ils ont estimé qu’il n’y avait aucune raison d’annuler une fête planifiée depuis plusieurs mois.

La présence d’Israéliens en vacances avec leurs bébés les réconforte dans leur conviction qu’ils n’ont rien à craindre sous la protection de Tsahal. C’est dire le calme qui prévaut, reflet du paradoxe israélien qui consiste à ne jamais s’inquiéter de ce qui pourrait arriver au pays: une forte assurance qui lui avait joué des tours à la veille de la guerre du Kippour de 1973.


De Ramot, la vue sur le lac de Tibériade

Nous avons rencontré quelques jours auparavant le général commandant le secteur du Golan, qui avait accepté une interview exclusive plusieurs mois auparavant. Mais en cette période de tension, il était devenu moins loquace et n’avait pas réussi à se départir de son calme ni de sa discrétion. Il ne dira mot ni sur le danger que court la région, ni sur les mesures prises par son régiment, chargé de la sécurité de la zone.

Il sait que chacune de ses paroles serait interprétée comme parole d’évangile, ou de Bible dans le cas présent. Son seul argument était qu’un journaliste embarqué avec ses troupes «n’avait rien à faire, n’avait rien à voir, n’avait rien à écrire et risquait plutôt de s’ennuyer». Effectivement, à voir le calme et la sérénité du décor, on imagine peu qu’une déflagration puisse éclater dans les jours prochains.

Concentration militaire discrète

Quiconque se promène sur le plateau sera certainement surpris par la discrétion de la concentration militaire. La technologie semble avoir pris le pas sur la présence humaine. En raison des accords de cessez-le-feu, stipulant une limitation du matériel lourd (tanks, artillerie et aviation), la grande partie des moyens de défense israéliens est regroupée à l’intérieur de la «ligne verte», la frontière de 1948.

Israël veut par ailleurs éviter toute provocation qui pourrait être interprétée comme une volonté de s’impliquer dans le conflit syrien. Les déplacements militaires ne sont pas visibles et ne prédisposent pas à faire des pronostics sur le lendemain.

Le décor naturel n’a subi aucune modification. La bonne saison des pluies a modifié l’aspect d’abandon des champs de rocaille. La verdure s’est développée à perte de vue et les nombreuses vaches dans les pâturages donnent parfois l’image d’un paysage de Normandie.

Mais c’est une impression de vide qui caractérise le plateau du Golan. Seuls 40.000 habitants permanents, dont 3.000 musulmans, 19.000 druzes et 18.000 juifs installés depuis 1967 occupent la région. Les implantations ne se sont pas développées comme en Cisjordanie car l’histoire du lieu n’est pas riche en légendes juives. L’absence de repères bibliques n’encourage pas les sionistes religieux à développer des points de peuplement dans la région.

Malgré les risques de représailles syriennes contre Israël, les Israéliens continuent donc à sillonner la région. En raison de l’exiguïté du pays, le Golan reste le rare endroit où le dépaysement est assuré aux touristes en quête d’émotions écologiques car tout y est sauvage. Mais signe d’un avenir politique incertain, aucun grand hôtel n’a été bâti: seuls quelques chalets de type savoyard accueillent les randonneurs en été et les skieurs en hiver sur les pentes enneigées du Mont Hermon.

Culture des pommes

Le Golan a été officiellement annexé par Israël le 14 décembre 1981 mais ses principaux habitants, les Druzes, ont toujours refusé la nationalité israélienne qui leur a été proposée pour rester fidèles au régime de Bachar el-Assad. Ils n’ont aucune revendication territoriale historique ni aucun lieu saint, donc ils défendent le pays où ils vivent. Ils ont toujours gardé un lien avec leur patrie d’origine en envoyant leurs enfants dans des écoles en arabe (l’hébreu y est une langue étrangère au même titre que l’anglais) puis dans les universités syriennes et en maintenant un lien économique permanent avec la Syrie.

En effet, la culture des pommes fait l’objet d’un consensus politique original puisque les agriculteurs druzes sont autorisés à exporter leur production en Syrie. Une fois par an, la seule, la frontière s’ouvre pour laisser passer les marchandises au point de passage de Quneitra. 10.000 tonnes de pommes, le quart de la production, évalué à 7 millions de dollars, sont envoyées en Syrie; le reste est distribué sur les marchés israéliens. Selon un paysan druze qui nous a fait goûter ses pommes, la quantité exportée diminue car les Israéliens sont friands de sa production:

«Jamais je n’aurais pensé pouvoir vendre ma production dans mon propre pays, la Syrie. Aujourd’hui, on fait passer des pommes. Demain, si Dieu veut, c’est nous qui passerons.»

Mais les nouveaux évènements semblent ébranler les convictions druzes car certains commencent à envisager de faire partie intégrante de la nation israélienne. D’ailleurs, certains étudiants ont déserté les universités syriennes pour rentrer dans leur village.


Hôpital pour blessés syriens

Le seul décor qui peut faire tache dans cette atmosphère paisible semble être l’hôpital de campagne construit par les Israéliens à la frontière, près de Kuneitra. Il accueille les blessés syriens qui entrent en Israël pour recevoir des soins et qui précisent qu’ils ne font pas partie des forces de Bachar el-Assad, et y reçoivent les premiers soins avant d’être déplacés dans l’hôpital de Safed, au nord d’Israël. Les chiffres officiels évaluent à plus d’une centaine le nombre de blessés syriens ainsi soignés.

La politique n’est pas de mise dans cet hôpital dont les médecins, souvent arabes israéliens formés à Jérusalem, soignent les adultes et enfants sans distinction. Mais les réfugiés ont du mal à accepter l’idée de se trouver en territoire ennemi, avec la crainte de retourner chez eux pour être accusés des pires crimes de collaboration.

Les membres du personnel médical n’abordent jamais les questions politiques, ni les conditions de leur demande d’aide. C’est un principe médical universel. On soigne d’abord et on palabre, peut-être, après.

L’hôpital Ziv

L’armée israélienne est chargée d’acheminer les blessés syriens autorisés pour des raisons humanitaires à franchir la ligne de cessez-le-feu entre Israël et la Syrie au point de passage de Qouneitra, vers l’hôpital Ziv, situé à une quarantaine de kilomètres de là. Une fois soignés, l’armée les ramène en Syrie. Israël a augmenté les moyens médicaux mis à disposition à cette frontière car, en cas de frappe américaine suivie de représailles syriennes, les équipes médicales risquent d’être vite débordées.

Texte et photos: Jacques Benillouche/ Slate.fr Article original

TAGS : Syrie Golan Ramot Druzes pommes Kibboutz El rom

Kippour 1973 Tsahal

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