ENLÈVEMENT : nouvel épisode de la guerre larvée-ouverte Chi’ite-sunnite au Moyen-Orient.

« Nous faisons tout notre possible pour libérer les otages », assure Mikati.

La Turquie a appelé ses ressortissants à quitter le Liban après l’enlèvement vendredi de deux pilotes de la compagnie aérienne Turkish Airlines par des hommes armés sur la route de l’aéroport de Beyrouth.
« Au vu de la situation actuelle, il conviendra pour nos concitoyens d’éviter, sauf impératif vital, tout voyage au Liban », a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé sur son site internet.
« Il est suggéré à nos concitoyens se trouvant encore au Liban de retourner en Turquie s’ils le peuvent, ou s’ils doivent rester de prendre toutes les mesures pour leur sécurité personnelle et d’être vigilants », ajoute le document.

Le communiqué précise qu’Ankara attend du gouvernement libanais qu’il prenne « toutes les mesures pour la sécurité des citoyens (turcs) vivant au Liban ».

« Une opération d’enlèvement a eu lieu à 03h00 ce matin visant un bus transportant plusieurs membres d’équipage d’un avion de la Turkish Airlines », a expliqué vendredi matin le ministre démissionnaire de l’Intérieur Marwan Charbel. « Des hommes armés ont enlevé deux passagers du bus: le pilote et le co-pilote », a précisé le ministre.


Les deux pilote et copilote, Murat Aktumer et Murat Agca

Selon une source de sécurité, quatre hommes armés circulant à bord de deux voitures ont participé à l’enlèvement des deux pilotes turcs, qui se trouvaient dans un bus se rendant de l’aéroport vers un hôtel en ville. Les sept autres passagers sont repartis vers Istanbul dans l’après-midi. En Turquie, les deux hommes enlevés ont été identifiés comme étant le pilote Murat Aktumer et son co-pilote Murat Agca.

A la suite de cet enlèvement, des soldats de l’armée libanaise se sont déployés dans le secteur, deux transports de troupes se positionnant en bord de route où l’incident a eu lieu dans une zone majoritairement chiite, contrôlée par les mouvements Amal et Hezbollah. M. Charbel, qui a dit avoir parlé à l’ambassadeur de Turquie à Beyrouth, a annoncé qu’une enquête avait été ouverte et que le conducteur du bus était interrogé.

« Un acte qui nuit à l’image du Liban »

Dans des déclarations à la télévision turque, l’ambassadeur de Turquie à Beyrouth, Inan Ozyildiz, a affirmé que « l’affaire était suivie de près » et qu’il travaillait avec « les parties libanaises pour la libération des deux pilotes ».
« Nous avons immédiatement contacté les autorités libanaises, à tous les niveaux, et nous avons lancé une enquête approfondie », a déclaré à Reuters le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères Levent Gumrukcu.

Le président Michel Sleiman s’est entretenu par téléphone avec son homologue turc Abdullah Gül. Il a condamné l’enlèvement et assuré M. Gül que « des efforts sérieux étaient en cours pour localiser l’endroit où se trouvaient les pilotes turcs, s’assurer de leur sort et tout faire pour les libérer », selon un communiqué de la présidence.

Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu s’est de son côté entretenu au téléphone avec le Premier ministre libanais Najib Mikati et le président du Parlement Nabih Berry. « Mikati et Berry ont exprimé leur tristesse face à cet incident et affirmé qu’ils entreprendraient toutes sortes de démarches pour la libération des pilotes », a ajouté le ministère.

Pour sa part, M. Mikati a indiqué à l’AFP, que « lors de mon entretien avec M. Davutoglu, j’ai condamné cet acte et je lui ai dit que nous faisons tout notre possible pour identifier les ravisseurs et pour les libérer ». « Je lui ai également précisé que nous entreprenons tous les contacts sécuritaires nécessaires », a ajouté le Premier ministre.

Le Premier ministre désigné Tammam Salam a, lui, condamné l’enlèvement, dénonçant un « acte qui ne saurait être passé sous silence parce qu’il nuit à l’image du Liban et à sa réputation ». M. Salam a en outre indiqué que les autorités doivent suivre ce dossier avec sérieux, appelant les forces politiques à soutenir ces efforts pour la libération des otages.


Le groupuscule de l’imam Rida

Cet enlèvement est lié à celui de neuf Libanais de confession chiite enlevés en Syrie en mai 2012. Ils faisaient partie d’un groupe de chiites qui avaient disparu dans la province d’Alep (nord) à leur retour d’un pèlerinage en Iran. Les femmes et deux hommes du groupe avaient été libérés.

Leur enlèvement avait été revendiqué par un homme se présentant comme Abou Ibrahim et se disant membre de l’Armée syrienne libre (ASL, rebelles), mais l’ASL avait alors nié toute implication. Les ravisseurs n’avaient pas formulé de demandes, mais avaient affirmé que leurs otages étaient des membres du Hezbollah, qui combat aux côtés des forces gouvernementales contre les rebelles en Syrie.

Les familles des personnes enlevées ont manifesté à plusieurs reprises devant les locaux de Turkish Airlines à Beyrouth, appelant Ankara à user de son influence auprès des rebelles pour obtenir la libération de leurs proches.

Les négociations pour leur libération ont jusqu’à présent échoué.

« Les hommes armés ont affirmé aux membres d’équipage que ce rapt était lié à la situation des otages libanais », a expliqué vendredi à l’AFP Inan Ozyildiz. « Je ne comprends pas pourquoi ce rapt a eu lieu alors que les négociations sont en cours pour résoudre cette affaire », a-t-il ajouté.

Vendredi après-midi, un groupuscule se faisant appeler « Les pèlerins de l’imam Rida » a d’ailleurs revendiqué l’enlèvement des deux pilotes turcs. Dans un message diffusé par la chaîne de télévision al-Jadeed, mais dont l’authenticité n’a pu être confirmée, les ravisseurs demandent aux autorités turques la libération des pèlerins chiites contre celle des pilotes. « Nous annonçons que le capitaine Murat Akpinar et son co-pilote Murat Agca sont nos invités jusqu’à la libération de nos frères, qui après avoir visité les lieux saints (chiites en Iran) ont été kidnappés à Aazaz. La Turquie est directement responsable de la liberté » des otages libanais, a affirmé le groupe.

Ce n’est pas la première fois que le groupuscule de l’imam Rida fait parler de lui. En août 2011, il avait détenu pendant plusieurs jours un ressortissant turc qui était en visite au Liban.

« Les Turcs jouent sur nos nerfs »

Plus tôt dans la journée, cheikh Abbas Zogheib, chargé par le Conseil supérieur chiite de suivre l’affaire des pèlerins enlevés en Syrie, avait nié toute implication dans l’enlèvement des pilotes de Turkish Airlines. « Mais, a-t-il ajouté, nous encourageons un tel acte car cela va faire un an que nos proches sont enlevés et les Turcs continuent de jouer sur nos nerfs ». « Nous condamnons tout enlèvement, a poursuivi cheikh Zogheib. Mais si la capture du pilote et du copilote vise à faire pression sur la Turquie pour accélérer la libération de nos proches, alors nous la soutenons. »

Hayat Aawali, l’épouse de l’un des otages détenus en Syrie, a pour sa part affirmé à la télévision: « Nous condamnons en principe les enlèvements mais dans ce cas précis, nous les soutenons et nous félicitons ceux qui l’ont fait. Nous les remercions car ce qu’ils ont accompli, nous ne pouvions pas le faire nous-mêmes ».

Le 19 juillet, Damas a accepté de libérer 43 femmes qui étaient détenues dans les prisons syriennes, dans le cadre des tractations du directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim. Le noms de ces femmes figuraient sur une liste qui avait été précédemment remise par la Turquie aux autorités libanaises et le Liban attendait en échange de cette démarche la libération des neuf pèlerins enlevés à Aazaz.

Mais d’après une source gouvernementale libanaise, alors que l’accord prévoyait que tous les captifs libanais soient libérés ces jours-ci, pour la fête de l’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du mois du ramadan, les ravisseurs sont revenus sur leurs engagements, ne comptant libérer que deux otages libanais contre 134 femmes relâchées par le régime de Damas.

Lors de son entretien avec M. Sleiman, M. Gül a « rappelé les efforts entrepris par son pays pour libérer les otages d’Aazaz » et a assuré que ces efforts se poursuivaient afin que les otages « soient libérés et puissent retrouver leurs familles le plus tôt possible ».

lorientlejour.com Article original

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