Alors que 500 000 Libanais travaillent dans le Golfe, les monarchies pétrolières ont menacé de sévir économiquement contre les ressortissants du pays du Cèdre, plus précisément les partisans du Hezbollah. Premier investisseur étranger au Liban, premier épargnant étranger et premier consommateur de produits hors taxes, le Golfe est depuis 40 ans un partenaire économique majeur.

L’ampleur des dégâts fait craindre le pire si ces menaces étaient bel et bien mises à exécution.
Au sein de la communauté libanaise expatriée dans le Golfe, le sujet est sur toutes les lèvres. Les monarchies pétrolières vont-elles mettre à exécution leurs menaces de sévir économiquement contre les travailleurs libanais, ou plus précisément les partisans du Hezbollah ?

« Il ne fait aucun doute que les mesures préventives, pour ne pas dire punitives, que les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) adopteront contre les intérêts du Hezbollah feront mal, publiait la semaine dernière le quotidien qatari al-Watan, de même qu’elles feront mal aux milliers de Libanais qui lui sont proches et qui se livrent à des activités d’investissement dans la région. ».

Mais il semblerait bien que le spectre de la peur touche actuellement l’ensemble de la communauté expatriée dans les pays du CCG, toutes confessions confondues. En effet, sur une dizaine d’expatriés contactés par L’Orient-Le Jour, seul un travailleur a accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat. Nous l’appellerons Moustapha. Les autres ont invoqué « un sujet trop sensible actuellement » et essaient « d’éviter toute conversation relative à ces menaces ».

Moustapha, 28 ans, est ingénieur de conception électrique à Doha. Selon lui, la communauté libanaise au Qatar est très préoccupée par ces menaces. « Personnellement, je me sens très concerné et très inquiet comme l’ensemble de la communauté ici, même si je n’ai pas encore entendu parler de cas de Libanais ayant été obligé de partir. » Si Moustapha devait être expulsé, licencié ou si son visa n’était pas renouvelé il serait obligé de quitter le pays, « ce qui serait une catastrophe pour sa carrière, le Liban manquant cruellement de bonnes opportunités d’emplois. »


120 000 Libanais travaillent auctuellement aux Émirats arabes unis.

La psychose. C’est ce que craignent les économistes, car le sujet a indéniablement un impact psychologique sur les hommes d’affaires libanais expatriés. Or la peur est un frein à l’investissement et définitivement nuisible aux affaires. Fouad Zmokhol, président du Rassemblement des chefs d’entreprise libanais (RDCL), insiste ainsi sur la nécessité de ne pas sombrer dans cette psychose. « Il ne faut pas que la peur pèse sur les investissements et sur les affaires, d’autant que même dans le passé, nous n’avons jamais eu à faire face à une expulsion massive de travailleurs. Il y a déjà eu du retard dans le renouvellement des papiers, mais rien de plus. »

Fouad Zmokhol a également tenu à rappeler le rôle positif de la diaspora dans le développement socio-économique de ces pays.

« Il serait vraiment démesuré que la politique entraîne le départ des Libanais expatriés, quelle que soit leur appartenance politique ou religieuse. »

Près de 500 000 Libanais vivent actuellement dans les pays du Golfe. L’enjeu économique n’est pas des moindres puisque 2/3 des transferts d’émigrés proviennent de ces pays tandis que le Liban détient un des records mondiaux (source : Association des commerçants de Beyrouth) en termes de ratio transferts d’émigrés/PIB.

Balance des paiements : « La perte se chiffrerait en centaines de millions de dollars ! »

« Si l’emploi des Libanais dans les monarchies pétrolières était effectivement touché, les conséquences seraient catastrophiques pour tout le Liban, explique Nicolas Chammas, le président de l’ACB. Il y aurait ainsi un impact macroéconomique : la balance des paiements serait touchée de plein fouet, les pertes pourraient se chiffrer en centaines de millions de dollars. D’un point de vue microéconomique, l’impact se ferait sentir sur les familles des Libanais à l’étranger au Liban. » « Cela montre la faiblesse de la production locale en termes de revenus et d’emplois, poursuit Nicolas Chammas. Si ce schéma venait à être mis à mal, c’est le modèle socio-économique qui protège le Liban depuis 50 ans qui serait remis en question. »

Car au-delà des transferts d’émigrés, la vraie question est celle de l’emploi. Le Liban crée chaque année 3 500 emplois alors qu’il devrait en produire 23 000, selon le dernier rapport de la Banque mondiale (BM). Si les pays du Golfe venaient à mettre leurs menaces à exécution, qu’adviendrait-il des 500 000 travailleurs concernés ? Les travailleurs libanais du Golfe sont-ils remplaçables ?

« Dans la plupart des domaines, les Européens peuvent remplacer les Libanais, considère Moustapha, l’avantage de ces derniers résiderait en effet dans la qualité du travail délivré à un coût moins élevé que les Européens. Seulement aujourd’hui, la tendance semble s’inverser. Les Européens deviennent de moins en moins exigeants, tandis que les Libanais font monter les enchères. »

La question se pose alors de savoir si le Liban a trop compté sur ses relations avec le Golfe. Plus de deux ans après le début du conflit en Syrie, le pays s’apprête à passer son troisième été sans son lot habituel de touristes arabes, et peut-être même sans expatriés.

Si, jusque-là, l’économie avait relativement pu résister, c’était uniquement grâce aux 8 milliards de dollars de transferts d’émigrés perçus chaque année, dont 2/3 proviennent… des expatriés du Golfe.

Soraya Hamdan/ OLJ Article original

TAGS: Liban Syrie CGC Koweit Qatar Hezbollah Golfe Persique

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