Les hommes passent, les institutions restent. C’est du moins ce que l’on peut espérer. Mais elles peuvent aussi mourir à cause de l’indifférence coupable de leurs adhérents et des hommes et femmes auxquels elles s’adressent. L’avenir de nos Consistoires est en jeu. Un seul homme les gouverne, avec une équipe de supplétifs, et une opposition en déroute.Peut-on laisser les choses en l’état, sans réagir ?

– Les synagogues consistoriales, que l’on appelle à tort « communautés », sont livrées à elles-mêmes.
– Le Talmud Torah n’est plus que l’ombre de lui-même.
– Les finances, à part les dépenses contraintes, servent à la Communication d’un homme, sans aucun contrôle.
– La cacherout du Beith-Din de Paris qui était la référence en la matière est concurrencée de toute part.
– L’ancien directeur du Séminaire Rabbinique, qui est à l’origine de son déclin, s’est vu nommé Grand Rabbin de Paris, et bientôt Grand Rabbin de France, parce qu’il est la voix de son maître.
– En vingt ans, seule moins d’une petite dizaine de synagogues consistoriales a vu le jour, alors que dans le même temps près d’une centaine de synagogues du mouvement Loubavitch se sont implantées en Région Parisienne.
– Pour avoir une attestation de judaïcité il faut des semaines, voire des mois.
– Les procédures de conversion peuvent trainer sur plusieurs années voire une dizaine d’années, jusqu’à décourager complètement les aspirants à la conversion.

Les élections très contestables qui nous ont plongés dans un système à la Poutine ont dégoûté plus d’un de cette institution, et tout espoir de la voir briller comme au temps jadis s’est évanoui.

Tout cela est factuel.

L’article ci-dessous décrit les enjeux, et ce qui se trame. Devenez acteurs du débat en participant au forum. Lisez, écrivez.

Merci

La Rédaction.

—————————————

Les hommes passent, les institutions restent.

Les grands hommes, les leaders authentiques, ceux qui placent l’intérêt général avant leurs préoccupations égocentriques, ceux qui préparent l’avenir de la communauté au lieu de se soucier du leur, en propre, oui, ces grands hommes, qui servent au lieu de se servir en servant leurs ambitions, ont marqué leur temps et leurs contemporains : ils sont observés un respect religieux vis-à-vis des institutions et de leurs statuts, au lieu de tordre le droit et de contourner la loi. Nous espérons nous inspirer d’un si haut exemple.

À la lumière des événements que nous vivons, cette ère semble sans nul doute révolue et cette race de grands hommes complètement éteinte. Certes, un minimum d’ambition individuelle est nécessaire, voire indispensable si l’on veut conduire les autres, leur montrer le chemin, en un mot les guider. Mais on doit s’effacer devant la cause et non l’asservir à ses vues égoïstes et carriéristes.

C’est exactement le spectacle que se déroule sous nos yeux où quelques personnes, peu instruites des principes qui portèrent sur les fonts baptismaux les grandes institutions religieuses juives de ce pays : le principe qui gît au fondement même du règlement intérieur du Consistoire Central de France est que l’institution doit tout faire pour faciliter la tâche et promouvoir la mission du Grand Rabbin du pays. Vouloir, pour des raisons assez inavouables, faire fusionner cette haute fonction avec celle, tout aussi éminente, de Grand Rabbin de Paris, ou les deux consistoires, relève d’une stratégie suicidaire : le consistoire central est le lieu où les petites communautés de province sont représentées, font entendre leur voix et constituent le maillage vivant du judaïsme dans toutes les villes, qu’elles soient grandes, moyennes ou très petites.

On ne traite pas par dessus la jambe des institutions napoléoniennes, vieilles de plus de deux cents ans. Citez-moi une seule raison valable, et qui ne soit la pièce centrale d’une stratégie personnelle (par exemple, se maintenir à vie à la tête d’une institution, faire d’une charge élective une sorte de rente à vie…) apte à nous convaincre du bien-fondé de ce qui se prépare, en dépit de la grande vague d’indignation et de refus dans la communauté.

Et que nul ne vienne nous dire que nous instruisons un procès d’intention à l’encontre de je ne sais qui. En fait, la présidence de chaque consistoire, celui de Paris ou de France, devrait être limitée, comme au CRIF, à deux mandats, donc deux fois quatre ans. C’est cela une démocratie, respectueuse des droits du plus grand nombre surtout lorsque les adhérents des instances communautaires fondent comme neige au soleil.

Rendez-vous compte : les communautés juives qui se créent et se développent sont autonomes, c’est-à-dire extra-consistoriales. Il y a moins de vingt ans, les adhérents à l’ACIP totalisaient un peu moins de 40 000 membres ; aujourd’hui, c’est nettement moins. Et les projets en cours risquent de précipiter dans la tourmente une communauté qui n’en a guère besoin.

Nous avons assisté à un combat de chefs, une véritable dyarchie au sommet, comme dirait le Conseil d’État, entre l’ancien grand rabbin et l’actuel président du Consistoire central. On sait comment ce conflit presque ouvert s’est achevé. Ce ne fut pas glorieux, mais certains protagonistes ont cru avoir enfin les coudées plus franches. Disons nettement, sans prendre parti pour quiconque : ce qui s’est passé fut une véritable désacralisation, une profanation du Nom divin (hilloul ha-Shem). Cela a prouvé, si besoin était, que nous étions très éloignés du service désintéressé de la Torah. Car au Consistoire, on ne fait pas de politique, mais de la Torah.

Ceux qui visent un emploi politique ou un engagement dans la cité (et c’est leur droit) ne sauraient confondre les genres et asservirent nos principes sacrés à leurs ambitions personnelles.

Comment chercher à entreprendre une telle fusion ou une telle réforme des statuts, comment mêler deux hautes fonctions rabbiniques, vieilles de plus de deux siècles, quand on est membre ou président d’un consistoire élu par quelques centaines de votants : moins de quinze pour cent d’électeurs se sont déplacés pour exprimer leurs suffrages… Et c’est un tel parlement, si peu représentatif, si peu légitime, qui entend tout chambouler en imposant des réformes d’une telle ampleur ? A-t-on le droit de défigurer ainsi le judaïsme français ?

Tant d’autres réformes de l’institution devraient s’imposer : Par exemple, une meilleure gestion des finances et des personnels, un contrôle strict des dépenses, notamment de publicité, de relations publiques et de nature parfois somptuaire, l’octroi de subventions injustifiées, etc…

Les règles et statuts des Consistoires relèvent du droit privé, mais ce droit privé (les meilleurs conseillers d’État vous le diront) se confond à plus de 90% avec le droit public. Rien ne permet d’effectuer un tel chambardement sans un vaste débat public, et surtout sans voir que de tels changements insultent l’avenir.

Cela ne passera pas. Une réminiscence talmudique me revient à l’esprit. Elle vise et stigmatise justement le comportement d’inconscients et d’ambitieux qui rêvent pour leur personne de grands destins, alors qu’ils confondent en réalité grandeur et boursouflure. Les Pirqé Avot disent bien : negguid shema, avad shemo : Celui, qui cherche à étirer, à dilater son nom (un peu comme la grenouille se prenant pour un bœuf), poursuit la perte de son propre nom.

Si les Consistoires ont besoin d’une réforme, c’est bien de celle-ci : deux mandats de présidence, pas un de plus. ET cela devrait s’appliquer tout de suite. Il n’existe pas de rabbinat à vie, il n’existe pas de présidence à vie.

Nous ne sommes pas chez Bokassa.

Moshé COHEN-SABAN

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Kreuzer

Entre Poutine et Bokassa, mon coeur balance…
Monsieur, mon défaut de connaissance religieuse m’empêche sûrement de saisir la gravité de la situation de ce que vous appelez « la communauté juive », sans Grand Rabbin de France, et avec un président du Consistoire scotché à son poste, si l’on comprend bien.
Il me semble quand même que, depuis prés d’un an , maintenant, les Français juifs, quelle que soit leur façon de se reconnaître juifs,sont désemparés, et plus ciblés par les haineux.
Ma seule référence, en matière de Grand Rabbins, reste, je l’ai écrit déjà sur votre site, Joseph Kaplan, un Grand Rabbin intègre, courageux (médaillé des deux guerres), un intellectuel humaniste.
—Comment vous préparez-vous, sur Jforum, à commémorer le vingtième anniversaire du décès de cet homme de mémoire bénie?
C’est ma question à Marc,—et à vous mêmes, Moshé et Daniel. Bonne semaine à vous!

Adam

Excellent article qui décrit une triste réalité. Personne n’a le droit de casser ce que nos prédécesseurs ont construit. C’est ainsi que le judaïsme s’est perpétué de génération en génération, en respectant les réalisations de nos ancêtres proches ou lointains. « Vé Assou Séyag la Thora » (et ils firent une clôture à la Thora).
Le projet de fusion du Consistoire de Paris et de France, tout comme les deux Rabbinats, est absurde. Certains hommes doivent savoir qu’ils passent et que les institutions restent. Il y a d’autres moyens pour le Président actuel d’entrer dans la postérité de la Communauté, pas en agissant ainsi, mais en laissant la place à d’autres, comme le fit Moshé Rabbenou avec Yehochouah. Parce que la transmission est la vie, pas le pouvoir absolu.
Les chiffres sont hélas implacables : tout cela écœure les gens qui se détachent de plus en plus du Consistoire officiel pour aller vers des institutions moins sectaires et plus accueillantes tels les communautés indépendantes, les Habad, voire les Libéraux. Si cela continue, le fric tuera l’ACIP et on ne désignera qu’un seul coupable.
Quelques 2500 personnes ont voté pour le Président actuel, rien au regard de ce représente la Communauté +/- pratiquante réelle (dans les 40.000/50.000 ?) , et encore moins si on inclut ceux moins observants tels que les libéraux.
Imaginer ce qu’adviendrait si 5.000 Libéraux décidaient de cotiser à l’ACIP !