Quand Rouhani, à son insu, expliquait à un agent israélien comment s’y prendre avec l’Iran. Rouhani disait alors de Khomeiny : “Si vous le menacez d’employer la force armée, il vous baisera la main et marchera dans vos pas”. Au plus fort de la guerre Iran-Irak, l’homme qui est, aujourd’hui, le Président de l’Iran, a rencontré un conseiller de Peres, Amiram Nir, qui se faisait passer pour un envoyé américain et il lui a conseillé d’intimider fortement l’Ayatollah Khomeini, s’il voulait en obtenir la moindre concession.

Hasan Rouhani, au centre, pose devant un énorme portrait du fondateur de la révolution iranienne, l’Ayatollah Khomeini, au lendemain de son élection à la présidence, le 15 juin 2013 (Photo credit: AP/Ebrahim Noroozi)

En août 1986, au beau milieu de l’imbroglio qui devint l’Affaire de l’Irangate -ou Iran-Contra, un conseiller israélien du Premier Ministre, travaillant sous la couverture d’un envoyé américain, a rencontré Hassan Rouhani, l’actuel Président de la République Islamique. Rouhani, discutant des façons de parvenir à faciliter la libération de sept otages américains, alors détenus au Liban, a donné le conseil suivant à l’Israélien : « D’abord et avant tout, vous devez vous montrer ferme, face à Khomeini le Guide Suprême »>Article original. Déployez toute votre force, devant lui… Si vous ne montrez pas les dents, face à Khomeini, vous allez avoir des tas d’ennuis, dans le monde entier. Mais, si vous le menacez d’employer la force militaire, il vous baisera la main et courra devant vous pour vous être agréable ! ».


Le trafiquant d’armes et d’influence Manucher Ghorbanifar

La conversation, entre le regretté Amiram Nir, qui travaillait en tant que conseiller en matière de contre-terrorisme auprès du Premier Ministre Shimon Peres, et Rouhani, avait été arrangée par le trafiquant d’armes iranien Manucher Ghorbanifar et se déroulait dans un Grand Hôtel parisien. Nir portait un micro indétectable. En mai 1994, environ cinq ans et demi après la mort mystérieuse de Nir, le correspondant militaire du Yedioth Aharonoth, Ron Ben-Yishaï, a publié les détails de cette entrevue, qui a récemment refait surface sur le site internet israélien Fresh.

A l’époque, tout comme aujourd’hui, l’Administration du Président Reagan décrivait Rouhani comme un élément modéré à l’intérieur de l’appareil iranien – un individu avec lequel les Etats-Unis pourraient faire affaire. Et il y avait plein de bon business à faire.

L’Iran était en guerre avec l’Irak et était en train de la perdre. Téhéran avait cruellement besoin d’armement. Les Etats-Unis avaient besoin de faire libérer ses citoyens otages du Hezbollah libanais et ils cherchaient, en dépit des déclarations présidentielles formelles du contraire, un raccourci qui mènerait au cœur même du régime, particulièrement, à la lumière de la santé rapidement déclinante de Khomeini. Mais, un embargo sur les armes, imposé aux Etats-Unis, et connu sous l’appellation d’opération « Inébranlable » (Staunch), interdisait, cependant, aux services américains de passer ouvertement contrat avec l’Iran.

Israël est, alors entré en scène : les Etats-Unis enverraient des missiles à l’Iran via Israël, qui percevait alors l’Irak comme un ennemi plus naturel, à l’époque, et l’Iran, en échange, ferait délivrer les sept citoyens américains et les renverrait au pays. Tel était le plan, et il aurait très bien pu marcher, si certains éléments du Conseil de Sécurité National n’avaient pas décidé de transférer l’argent aux forces anti-communistes nicaraguayennes, connues sous le nom des « Contras » – Le Congrès avait, pourtant, aussi voté une loi interdisant aux Etats-Unis de financer des actions conçues pour renverser le gouvernement sandiniste du Nicaragua – et si les Iraniens avaient réellement respecté leur parole donnée.

Au lieu de quoi, au cours de plus d’un année, les Etats-Unis ont transféré 500 missiles TOW, via Israël, en Europe et, de là, en Iran, avec, de surcroît, 150 missiles sol-air Hawk et 200 missiles aériens Sidewinders, et ils n’ont pour ainsi dire, rien reçu de ce qui était promis en retour. L’Iran de Khomeini a bien versé 3.6 millions de $ Article original mais, en l’absence d’une menace militaire crédible, et peut-être, par prudence ou refus de s’engager envers les Américains, le régime a retenu son atout stratégique de l’époque : disposer du plus d’humains, pris en otage et encore sa possession— et, pour couronner le tout, un ancien membre des Gardiens de la Révolution Article original, Mehdi Hashémi, exécuté plus tard, par le régime, s’est débrouillé pour révéler toute l’affaire à la presse libanaise et couper l’herbe sous le pied de l’Administration Reagan, fort embarrassée.


Le Secretaire-Général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, à droite en compagnie du Président Hasan Rouhani aux Quartiers-Généraux de l’ONU, jeudi 26 Septembre 2013. (photo credit: AP/Mary Altaffer)

L’entrevue de Rouhani avec Nir a eu lieu le 30 août 1986, moins de trois mois avant que l’affaire ne soit éventée dans un journal libanais. Rouhani était, alors vice-Président du Majliss et le bras droit du Commandant de facto de cette guerre, Ali Akbar Hashemi Rafsanjani — futur président d’Iran et “ ancien majordome politique des Mollahs Article original.” Rouhani, qui parlait parfaitement l’anglais, s’exprimait en Farsi avec Nir, qui s’était doté d‘une fausse identité américaine et parlait au nom de la Maison Blanche.

Le trafiquant d‘armes, Ghorbanifar, a commencé en anglais : “J’ai expliqué au Dr Rouhani que vous venez de la Maison Blanche, en tant qu’envoyé spécial au Moyen-Orient et il est heureux de vous rencontrer », s’est-il lancé.


Une photo de 1985 , d’Amiram Nir avec Rafi Eitan, ancien officier traitant du Mossad et directeur du Lekem, le Bureau des Relations Scientifiques au sein du Ministère de la Défense, qui couvrait les activités de Jonathan Pollard. (photo credit: Moshe Shai/Flash 90)

La conversation, écrit Ben Yishaï, était enregistrée, grâce à un petit récepteur que Nir avait posé sur son abdomen.

Les deux hommes ont échangé quelques plaisanteries d’usage, Nir remerciant Rouhani « au nom de ses supérieurs » pour ses prises de positions politiques et ses prouesses intellectuelles et Rouhani présentant ses excuses pour son anglais limité et la nécessité d’avoir un interprète. « S’il vous plaît, je vous le demande. Traitez cette rencontre comme une entrevue privée, très privée », a poursuivi Rouhani. « Je ne parle vraiment pas au nom de mon gouvernement. Cette entrevue est contraire à toute logique. Mais, puisque je fais confiance à Ghorbanifar, j’ai accepté de m’y rendre et j’espère que cela contribuera à avancer ».

En substance, Rouhani disait qu’il “était très mal à l’aise”, à cause du discours de Khomeini, un peu plus tôt, le même jour, où le Guide Suprême avait affirmé que quiconque ne se conformait pas à sa ligne de conduite anti-américaine inébranlable serait égorgé. « Mais, vous les Américains, êtes en faute. Vous vous contentez de vous asseoir sur le banc de touche et d’observer ce qui se passe, entre nous et les Irakiens et vous ne levez pas le petit doigt pour nous aider. Vous n’obtiendrez rien de l’Iran, aussi longtemps qu’il n’y aura aucun geste de votre part et que vous ne nous équiperez pas de tout ce dont nous avons besoin », le brocardait Rouhani.

Rouhani a, alors fait un pas en arrière et a expliqué qu’il s’agissait là de la ligne officielle, celle dont il devait se faire le perroquet. « Cela devrait être clair pour vous, que ce que je viens juste de dire correspond à ce que Rafsanjani exige que je vous fasse comprendre. Si je ne le faisais pas, je serais broyé ». Il a expliqué qu’il était encerclé par des gardes et que les mollahs les plus extrémistes, tels que le fils de Khomeini, Ahmad, étaient les véritables maîtres du pays. « Vous devez savoir précisément dans quoi vous mettez les pieds », avertissait-il. Puis il a ajouté : « Tous les modérés de mon pays marchent sur la corde raide. Nous ne pourrons pas venir vous rencontrer chaque semaine. Ni même tous les mois. Nous sommes prêts à une véritable coopération avec vous. Mais vous devez, d’abord, nous aider à promouvoir l’Islam véritable dans notre propre pays, et pour cela, nous avons besoin d’argent et de votre aide pour mettre un terme à la guerre avec l’Irak”.

Nir a remercié Rouhani de sa sincérité et l’a assuré que, comme il n’y avait que deux personnes aux Etats-Unis qui étaient au courant de cette rencontre et que personne d’autre n’en entendrait jamais parler, il existait, aussi, une grande ouverture d’esprit et une beaucoup de curiosité concernant l’Iran, aux Etats-Unis et que l’Administration cherchait à aider les modérés à s’aider eux-mêmes. « Dites-nous ce dont vous avez besoin et nous verrons ce qu’on peut faire ».

Rouhani s’est lancé dans une explication sur la nature caractérisant la poigne de fer de Ruhollah Khomeini. « Si on analyse le caractère de Khomeini, on constatera que si quelqu’un ose lui tenir tête, et se pose avec force en face de lui, il battra en retraite de cent pas ; et s’il se sent fort ,alors qu’il a un faible en face de lui, c’est lui qui avancera de cent pas. Malheureusement, c’est vous qui suivez une approche totalement erronée. Vous avez voulu vous comporter avec douceur, diplomatie et compréhension face à lui. Si vous vous étiez montrés plus rudes, c’est vous qui auriez la main. Vous n’avez pas fait preuve de force et de résolution, mais de mollesse ».

Nir lui a assuré qu’au Liban, les Etats-Unis jouerait chèrement la partie et résisteraient à la ligne Khomeini.

“C’est bien”, a poursuivi Rouhani. « Ils les Ayatollahs et les Gardiens de la Révolution »>Article original ont envoyé 3 millions de $ au Liban, alors que nous, en Iran, n’avons pas le moindre sou pour acquitterle coût de la vie ni pour notre propre sécurité. Ils ont réuni tous les Mollahs de Baalbeck et leur ont fait des promesses, après avoir décidé de transformer le Liban en République Islamique. Quelle absurdité ! J’ai essayé d’arrêter ça, mais je n’y ai pas réussi. Si vous ne montrez pas les dents, avant que Khomeini ne montre les siennes, vous aurez de graves ennuis sur toute la planète!”

Nir a demandé où et de quelle façon les Etats-Unis devraient sortir leurs muscles. Rouhani a répliqué : « Si, par exemple, vous lui faites comprendre : « Vous devez libérer tous les otages au Liban dans les cinq jours à venir. Sinon, nous vous ferons subir un revers militaire cinglant et vous serez tenu pour seul responsable de ce qui arrivera », faites-le, montrez que vous êtes puissants, que vous ne le craignez pas et vous constaterez l’efficacité des résultats ».

Nir a fait comme s’il adhérait à la ligne américaine, en disant que bien qu’il représentait une superpuissance, il redoutait qu’une action sévère pourrait pousser l’Iran dans les bras des Russes. Rouhani lui a conseillé de retourner l’arme de la propagande islamiste contre Khomeini, avec l’aide de la Turquie et du Pakistan ».

A ce moment-là, Nir s’est excusé, s’est rendu vers la salle de bain et a retourné la bande d’enregistrement.

Ben Yishaï a écrit que les deux hommes ont continué à parler pendant plus d’une heure, et ont, de toute évidence, apprécié cet échange de vues. Alors qu’ils s’apprêtaient à se quitter, Nir a demandé à Rouhani de quelle façon aider ceux en Iran qui pensent « que l’avenir de l’Iran est lié à l’Occident ».

Rouhani a dit « qu’un livre entier pourrait être écrit à ce sujet », mais qu’il n’y suffirait pas. Il a conseillé que la meilleure option serait, pour lui, qu’il retourne à Téhéran et parle à ceux qui font partie de l’entourage de l’Ayatollah Hossein-Ali Montazeri, qu’ensuite il revienne vers Nir, avec un message de sa part. Montazeri, alors favori pour succéder à Khomeini, en position de Guide Suprême, émettait des critiques, sur la guerre Iran-Irak et c’était un fervent partisan d’un Etat chi’ite plus équitable et plus libéral. Rouhani cherchait à promouvoir sa candidature, selon Ben-Yishaï, et cette question était au cœur de leur rencontre.


Amiram Nir, en 1985, avec sa femme, Judy Mozes, une des héritières de l’empire du Yedioth Ahronoth (photo credit: Moshe Shai/Flash 90)

Le 3 novembre 1986, deux journaux libanais ont fait éclater le scandale de ce trafic d’armes à grande échelle. Montazeri, dont les écrits et la rhétorique ont alimenté, plus tard, la Révolution Verte de 2009, a été mis sur la touche, en résidence surveillée, malgré son autorité religieuse bien supérieure, et les rênes du pouvoir sont tombées entre les mains d’Ali Khamenei, un mollah plus extrémiste, qui dirige toujours l’Iran, à ce jour.

Le 30 novembre 1988, Amiram Nir était à bord d’un Cessna T-210 monomoteur, lors d’un vol d’Uruapan, au Mexique, jusqu’à Mexico. Il était censé être dans ce pays pour faire du commerce d’avocats Article original. L’avion s’est écrasé dans les montagnes, par temps clair, et Nir a été déclaré mort. Des spéculations ont circulé autour de la possibilité que cette mort soit en fait un acte criminel, puisque Nir aurait pu personnellement témoigner du fait que les plus hautes personnalités des Etats-Unis connaissaient parfaitement les détails de l’Affaire dite de l’Irangate. Adriana Stanton, la partenaire de voyage de Nir, qui était, aussi à bord sous un pseudonyme, a déclaré lors d’une émission HaMakor, sur la Chaîne 10, en 2009, qu’elle a, bel et bien, vu Nir vivant et se sentant relativement bien, après que l’avion se soit écrasé. Ancien journaliste et commandant de bataillon dans le corps des blindés, Nir est enterré au cimetière Kiryat Shaul de Tel Aviv.

Mitch Ginsburg

PAR MITCH GINSBURG 30 septembre 2013, 7:19 pm 3

Mitch Ginsburg est le correspondant militaire du Times of Israel.

http://www.timesofisrael.com/when-rouhani-told-an-undercover-israeli-envoy-how-to-deal-with-iran/

Adaptation : Marc Brzustowski.

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