À l’occasion du vingtième anniversaire de leur arrivée,  le journal Hamodia a choisi de se focaliser sur un aspect bien particulier de l’histoire des Juifs d’Éthiopie en Israël : celui de leur intégration dans le monde religieux.

Qui a relevé le défi de ce rapprochement ? Quel est le statut des « kessim », les prêtres du judaïsme éthiopien, au sein du monde religieux israélien ? Les Juifs d’Éthiopie restés fidèles à la Torah ont-ils été contraints d’abandonner leurs coutumes ancestrales pour adopter celles des communautés vivant déjà en Israël ? Voici quelques réponses à ces questions.

Ils font sans doute partie des nouveaux immigrants qui ont le plus souffert pour réaliser le rêve millénaire de leurs ancêtres : le retour à Sion. Riches d’une tradition ancestrale et de coutumes aussi anciennes que leur présence en terre d’Afrique, les Juifs d’Éthiopie ont malheureusement perdu beaucoup de leurs repères en arrivant en Israël. Une des conséquences directes de ce bouleversement : la majeure partie de la jeune génération ne respecte plus les mitsvot et a abandonné le chemin de la Torah tandis que d’autres jeunes sombraient dans la délinquance et la pauvreté.

De nombreux facteurs sont responsables de cet échec : le choc culturel tout d’abord, avec le passage d’un pays du Tiers-monde à un État ultramoderne en plein développement. Le repli communautaire de ces immigrants qui, bon gré mal gré, se sont retrouvés déconnectés des autres franges de la population. Le bouleversement de la hiérarchie familiale traditionnelle, avec l’affaiblissement du statut du père de famille jusque-là tout puissant et contraint désormais de  » mendier  » du travail en Israël. Le bouleversement de la hiérarchie rabbinique également, puisque les « kessim », les prêtres du judaïsme éthiopien, qui étaient hautement respectés dans leur pays d’origine, ont été accueillis avec scepticisme par les autorités rabbiniques d’Israël et leur contribution à la vie religieuse de leur communauté réduite quasiment à néant.

Les sociologues parlent aujourd’hui de trois principaux groupes au sein de l’alya d’Éthiopie. Le premier a mal vécu l’arrivée en Israël et, pour les raisons citées plus haut, ne s’est pas intégré socialement et économiquement. Ces Juifs éthiopiens vivent majoritairement dans la périphérie, certains encore dans des mobiles homes, et ont quasiment coupé tout lien avec le monde rabbinique, qu’il soit éthiopien ou israélien.

Le second est celui des «battants», qui ont refusé de sombrer dans l’avenir incertain que leur réservait le découragement et ont choisi de tout faire pour s’intégrer. Ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux, ont conquis les bancs des universités et grimpent sereinement les échelons dans la hiérarchie de Tsahal. Les députés, journalistes, avocats, chercheurs, scientifiques originaires d’Éthiopie font partie de ce groupe : ils sont parvenus à se hisser au-delà des préjugés et des idées préconçues et se trouvent aujourd’hui à des carrefours-clés de la société israélienne.

Si les deux premiers groupes sont majoritairement laïcs ou dans le meilleur des cas traditionalistes, le troisième revendique fièrement son identité juive et sa pratique des mitsvot. D’une manière générale, c’est le public sioniste-religieux qui a largement ouvert ses bras aux olim d’Éthiopie et a considéré, dès le départ, leur intégration comme une mission et une mitsva.

«Le Bné Akiva a fait aux Juifs d’Éthiopie ce que ‘Habad a fait aux Juifs de Russie», nous dira le rav ‘Hanania Blumert, le «kess blanc» (voir interview) et c’est à peu près le sentiment qui habite la majeure partie des membres de la communauté.

Ce mouvement de jeunesse a initié, il y a une dizaine d’années, un projet nommé Hacha’har, visant à former un leadership parmi les jeunes Éthiopiens issus des quartiers «difficiles» afin que ceux-ci prennent en main les jeunes membres de leur communauté, empêchant l’inexorable descente aux enfers de ces enfants et pré-adolescents et contribuant à leur incorporation au sein de la société israélienne.

Pourtant, dans cette course à l’intégration, certains déplorent que les traditions ancestrales aient été oubliées et que les Juifs d’Éthiopie aient été forcés de renoncer à des coutumes qui n’allaient pas à l’encontre de la Torah, mais qui ne faisaient pas partie du «canon» rabbinique traditionnel. D’autres, par contre, affirment que c’est au contraire en adoptant les us et coutumes locaux que les Juifs originaires d’Éthiopie seront considérés comme des Israéliens à part entière et seront acceptés par toutes les franges du public religieux.

Voici deux décennies que le débat autour de ce dilemme – intégration à tout prix et/ou tradition à tout prix ? – agite la communauté des Beita Israël – la «maison» d’Israël en amharique – et manifestement, il continuera de passionner les esprits bien longtemps…

Laly Derai,en partenariat avec Hamodia.fr

Chiourim.com

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