Feu de paille d’une organisation incompatible avec le principe de réalité politique, ou mouvement de fond à éclipses, en capacité de rebondir, un jour? Toujours est-il que le mouvement a dilapidé tous ces gains, alors qu’il apparaissait, il y a six mois à peine, comme le grand bénéficiaire du Printemps arabe…

Les bonnes fortunes du mouvement Sunnite islamiste se sont retournées, à travers tout le Moyen-Orient, quand les Frères Musulmans ont perdu le pouvoir, aussi bien en Egypte qu’en Tunisie (à travers un compromis fragile), autant que leur influence en Syrie, en Turquie, au Qatar et à Gaza.


Un partisan des Frères Musulmans au square de Gizeh, au sud du Caire, le 19 août 2013. Photo: REUTERS

Des reportages ont fait surface, cette semaine, qui suggéraient que le dirigeant “politique” du Hamas en exil, Khaled Mesha’al cherche, déjà, à déménager de sa base actuelle à Doha, la capitale du Qatar. Le Hamas a, bien sûr, rejeté avec de grands airs outragés, de telles allégations.

Cela ne devrait pas être interprété comme digne de foi – le mouvement islamiste a aussi démenti qu’il était en train de quitter Damas, en 2012, jusqu’à ce que le transfert soit achevé et qu’il ne puisse plus le nier. Mesha’al serait, depuis, reparti quémander un soutien de la part d’Assad et se repentir de tant de témérité, à Damas, afin de combler le fossé qui s’est creusé, vis-à-vis de l’Iran et du Hezbollah.

S’il s’avère fondé que les cercles dirigeants du Hamas sont, effectivement, en train de quitter Doha, ce ne serait que le dernier avatar de la série de revers de fortunes stupéfiants qui affecte les Frères Musulmans.

Au début de l’année 2013, les Frères Musulmans détenaient le pouvoir en Egypte et en Tunisie. L’insurrection syrienne était dominée par des milices ayant des idées compatibles à celles de Frères Musulmans et soutenues par le même patron (le Qatar), perçues comme en passe d’avancer vers la victoire, dans la guerre civile syrienne.

Un parti affilié aux Frères Musulmans était, solidement, implanté au pouvoir en Turquie et l’Emirat du Qatar apparaissait comme le financier énergique, le joueur de flûte ou/et la pom-pom girl enthousiaste de la progression des Frères Musulmans à travers toute la région.

Le Qatar, grâce à sa chaîne satellitaire immensément populaire Al Jazeera, avait la capacité de ciseler l’opinion publique à l’image de ses quatre volontés, au-delà des frontières du monde arabophone.

L’alliance de la Confrérie et du Qatar semblait, également, en bonne voie pour se proclamer comme la principale force dirigeante du nationalisme palestinien. Le Hamas a forgé la seule entité palestinienne authentiquement indépendante, dans la bande de Gaza. C’était un élément-pivot, alors que la cause palestinienne et l’opposition à Israël restent des labels de légitimité, dans les politiques du monde arabe.

Le Hamas, dirigé par Mesha’al, a passé les années 2011 et 2012 à déménager de Damas, devenant alors plus proche que jamais de Doha. L’Emir Hamad bin Khalifa al-Thani, alors en visite dans la Bande de Gaza controlée par le Hamas, en octobre 2012, a promis 400 millions de $ à l’enclave. Tout semblait donc aller dans la bonne direction.

Mais, les progrès des Frères Musulmans étaient alarmants pour les monarchies conservatrices du Golfe, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (moins le Qatar, donc). Israël, également, observait les évènements avec inquiétude. Même si Israël est bien moins vulnérable que les fragiles Etats du Golfe, la marée montante des Frères Musulmans en Egypte semblait promettre de graves problèmes, quelque part, au détour de leur route.

Dans le cours de l’année 2013, toute cette progression s’est inversée.

Le plus important est que les Frères Musulmans aient été évincés du pouvoir par la force en Egypte, lors d’un coup militaire, appuyé par l’Arabie Saoudite et les Emirats, en juillet. Le nouveau régime militaire est en route pour détruire la résistance islamiste armée. Les Frères Musulmans ont été déclarés mouvement illégal et ne seront pas autorisés à se présenter lors de futures élections, alors que le processus politique civil a été réactivé.

A une époque où les conflits asymétriques, dans lesquels les concepts mêmes de victoire et de défaite sont supposés être obsolètes, les Frères Musulmans d’Egypte ont subi quelque chose qui ressemble fort à une défaite à l’ancienne, claire et sans ambiguïté.

Pendant ce temps, au Qatar, l’Emir vieillissant a été remplacé par son fils Tamim, en juin. Les circonstances et raisons précises de la soudaine retraite du pouvoir de Thani restent assez mystérieuses, mais liées aux évolutions du contexte général et, sans doute, à la pression des Emirats et de l’Arabie.

Depuis lors, le Qatar a, pour ainsi dire, disparu de la scène régionale. Son assistance aux Frères Musulmans d’Egypte s’est amenuisée.

Le Hamas, paniqué par la tournure des évènements en Egypte, réactive ses contacts avec l’Iran et le bloc islamiste rival, dominé par les Chi’ites, autour de Téhéran.

En Syrie, l’existence même du régime de Bachar al Assad, appuyé par ses alliés, ne paraît plus en danger immédiat de s’effondrer. Dans le camp des rebelles syriens, ce sont, à présent, les Saoudiens qui ont pris les rênes – soutenant, officiellement, le Conseil Suprême « modéré » des Forces armées, tout en favorisant le financement des organisations salafistes, par le biais de fonds privés. Quoi qu’il en soit, les Qataris et les Frères Musulmans ne sont plus les principaux acteurs de la rébellion. Lors d’un tout dernier revers de fortune, le parti Ennahda tunisien a dû accepter de dissoudre le gouvernement qu’il avait formé, à la suite de sa victoire électorale de 2011. Ce gouvernement sera remplacé par une administration de technocrates, dans l’attente de nouvelles élections. Cette évolution fait suite à des troubles et une crise politique qui a éclaté après l’assassinat du chef de l’opposition, Mohamed Brahmi, en juillet.

En Turquie, durant cette période, l’AKP s’alignant sur les positions des Frères Musulmans, se retrouve bien seul, amené à reconsidérer la ruine de ses projets et espoirs pour la région. Il s’attendait, en effet, à la formation d’une alliance de régimes de type islamiste sunnite, partageant la doctrine des Frères Musulmans, à travers toute la région, en Afrique du Nord, au Levant et dans le Golfe persique.

A la suite des évènements de 2013, ces atouts ne font plus partie du jeu, mais l’AKP doit plutôt faire face à des manifestations de colère, émanant de Turcs non-islamistes, à la perte de précieux alliés et à un isolement régional croissant.

Cela semble l’affecter durablement.

A preuve, une émission présentant le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui devait discuter de l’écrasement des Frères Musulmans en Egypte a dû s’interrompre récemment, quand le grand dirigeant turc s’est, soudain mis à sangloter comme un enfant, de façon nerveuse et incontrôlée.

Tout ce que cela veut dire, c’est que, littéralement, sur chaque front où elle réalisait des avancées significatives, la confrérie musulmane est, désormais, paralysée, exsangue ou en déroute.

Que le projet de déménagement de Mesha’al soit véridique ou pas, le Hamas est contraint de se repositionner, et de retourner penaud en Iran, le chapeau bas à la main. Et cela, tout simplement, parce que le Hamas avait mis tous ses œufs dans le même panier, joué son va-tout sur l’alliance, financée par le Qatar, d’états favorables aux thèses des Frères Musulmans – qui, à présent, ne sont pas prêts de ressortir des sables mouvants.

Pour autant, les Frères Musulmans sont loin d’être finis. Leur offre politique conserve un certain attrait naturel pour les Arabes sunnites conservateurs du Moyen-Orient. Par contre, le moment historique où tout semblait possible leur a échappé, de manière décisive. Ce qui ressemblait au commencement virtuel d’un nouvel âge, s’est terminé comme un feu de paille sous le soleil.

Le soleil se couche, à présent, sur les espoirs de domination régionale des frères musulmans.

Au Moyen-Orient, les Frères Musulmans battent en retraite.
Par JONATHAN SPYER
12/10/2013 21:13

jpost.com Article original

Adaptation : Marc Brzustowski

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Rail

Le soucis avec les fanatiques , ce sont comme les tiques , quant on retire une tête , plusieurs autres arrivent !

De toute manière tant que les Musulman n’auront pas retirer cette loi de la Charia dans leur croyance , ils auront toujours des fanatiques , puisque cette loi il suffit de la lire pour en comprendre se quelle impose à ceux qui l’applique !