Contrairement aux idées reçues selon lesquelles la politique de Obama au Moyen-Orient est semée de contradictions et serait comme un navire sans capitaine, voguant de crises en crises au gré du vent sans direction précise, on a pu constater que face à la crise égyptienne, les Américains sont restés fidèles à eux-mêmes; à savoir incohérents et dans l’incapacité d’appréhender le problème et de gérer la crise. Attitude que l’on pourrait qualifier de totalement incompréhensibleDepuis le choc du Printemps arabe égyptien qui a explosé de toute sa puissance sur les places du Caire, la Maison Blanche est restée figée sur ses positions utopiques selon lesquelles la démocratie à l’occidentale serait comme un vulgaire produit de consommation américain exportable au-delà du Nil.

L’idée que la quintessence de la démocratie ne repose pas seulement sur le droit de glisser un bulletin dans l’urne mais aussi et surtout sur la mise en œuvre d’un système de références et de croyances en des valeurs de tolérance, d’acceptation de l’autre et de pluralisme (concrétisée par la mise sur pied d’institutions conformes à ces valeurs), cette idée donc, n’a pas encore été intégrée par les hommes du président (Obama).

Depuis le jour où ils ont lâché Hosni Moubarak, leur fidèle allié de longues années durant, et se sont empressés d’exprimer leur soutien à la révolution égyptienne (qui a porté au pouvoir les Frères musulmans et le régime extrémiste de Mohamad Morsi), les Américains sont restés prisonniers de leur utopie. Utopie les laissant croire que, même en l’absence d’expérience préalable en matière de démocratie, il serait possible d’un coup de baguette magique de copier-coller un système de gouvernance à l’occidentale avec ses composantes et ses attributs et de le transposer en Egypte.

Bien que le régime de Morsi fut à des années-lumière du modèle de démocratie à l’occidentale, et ait agi d’une main de fer, usant de force et de répression à l’encontre de ses adversaires politiques et idéologiques, le fait qu’il fut élu, prétendument de manière démocratique, constituait pour Obama un facteur décisif et une sorte de blanc-seing qu’il accordait à Morsi et son régime. C’est ce qui a poussé le président américain à apporter son soutien indéfectible au président égyptien, jusqu’à l’éviction de ce dernier.

Aujourd’hui encore, six semaines après l’instauration d’un régime militaire au Caire, le voile n’a pas encore été levé, quant à cette aberration conceptuelle et politique de la part des Américains. Au lieu, justement, d’accroitre l’aide militaire et économique au nouveau régime pro-occidental, lui tendre la main afin de l’aider à se préparer aux durs défis qui l’attendent, la Maison Blanche a fait montre d’une totale indifférence envers le général Al-Sissi. Pis encore, Obama a exigé de mettre, immédiatement, ce pays, actuellement plongé dans un bain de sang sans précédent, sur les rails de la démocratie, tout en recourant à la stratégie du chantage, des menaces et des sanctions (à l’instar de la décision américaine de suspendre la livraison des 4 F-16 pourtant promis et d’annuler les manœuvres militaires conjointes).

Il ne fait aucun doute que de tels agissements (surtout s’ils sont accompagnés d’un gel de l’ensemble de l’aide apportée à l’Egypte) risquent à court terme d’apporter un sérieux coup de pouce au camp islamiste des fidèles de Morsi à l’intérieur comme en dehors de l’Egypte, et ce, tout en brisant et isolant le camp des alliés que compte le Général Al-Sissi dans le monde arabe, dont l’Arabie Saoudite.

Cela ne veut pas pour autant dire que les Etats-Unis doivent fermer les yeux et passer outre les bains de sang perpétrés aux quatre coins de l’Egypte. Il est de leur devoir moral d’user des leviers d’influence dont ils disposent afin de tenter de calmer la situation et de s’assurer que les forces du Général Al-Sissi usent de retenue face aux violences et aux désordres.

Il aurait été de l’intérêt national américain de faire en sorte que l’administration Obama oriente l’essentiel de ses efforts à ouvrir grand la fenêtre d’opportunités qui s’offre actuellement à elle, rétablisse l’axe sunnite modéré entre le Caire et Ryad et puisse ainsi remodeler le caractère géopolitique de la région.

Mais pour l’heure, Washington n’ayant pas encore réussi à se détacher de sa conception utopique selon laquelle l’Egypte serait capable d’ adopter et d’appliquer dans ses propres frontières le modèle de démocratie à l’occidentale, la capitale américaine continue donc à observer les évènements tout en restant les bras croisés.

Non seulement Obama continue de croire, conformément à sa vision du monde, que de nouvelles élections pourraient comme par enchantement, aplanir les divisions et remédier aux maux qui touchent actuellement la société et l’appareil politique égyptiens, mais il reste aussi persuadé que la « réconciliation nationale » constitue la panacée magique. En effet le président américain continue de croire que la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale est encore réalisable, même dans ce climat d’ultime violence.

Ceci, s’il en fallait, est une preuve supplémentaire de la naïveté, de la vision chimérique et de l’ethnocentrisme des Américains qui considèrent la culture américaine comme source d’inspiration et support universels applicables à tous, et ce, faisant fi des spécificités culturelles, idéologiques, et autres …

Il ne reste plus qu’à attendre et espérer que le président américain retombe enfin les pieds sur terre et adopte une vision du monde plus réaliste, pragmatique et raisonnable, axée sur la volonté de poser les premiers jalons d’un nouveau Moyen-Orient moins radical et plus favorable à l’occident.

20 août 2013

Paru dans Israel Hayom, le 18 Aout 2013

Par Professeur Abraham Ben Zvi

Traduction de l’hébreu : Betty Harel

nosnondits.wordpress.com Article original

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gabriel67

{{Excellent article rempli de cohérence et de lucidité. En Israël on voit clair heureusement!!

ברוך השם}}