Essayez d’imaginer le scénario suivant: le printemps prochain, pour le 70e anniversaire de la mort d’Adolf Hitler, une messe commémorative a lieu dans le centre de Berlin dans l’une des églises les plus importantes de la ville, qui par hasard se trouve être située à quelques centaines de mètres des bureaux de la Communauté juive. Cette messe attire des milliers de personnes qui viennent rendre hommage au fondateur du Troisième Reich. Évidemment, un tel événement semble absolument impossible dans la République fédérale d’aujourd’hui pour une pléthore de questions juridiques et autres, y compris celle et pas des moindres qu’Hitler entretenait des relations plutôt tendues avec l’Eglise.
Pourtant, un tel événement a eu lieu il y a deux jours à Zagreb en Croatie, où plusieurs centaines de personnes ont assisté à une messe commémorative à la mémoire d’Ante Pavelic, chef de l’Etat indépendant de Croatie (NDH), établi par les Allemands et les Italiens après l’occupation de la Yougoslavie, en avril 1941, et l’un des plus grands meurtriers de masse de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Pavelic est le fondateur d’Ustasha, un mouvement fasciste qu’il a créé à la fin des années vingt, et qui a été porté au pouvoir dans le pays satellite en 1941. Il a été personnellement responsable des génocides commis par les membres de son parti dans la région qu’il contrôlait, où des centaines de milliers de Serbes, Juifs et Roms ont été sauvagement assassinés, la plupart dans des camps de concentration établis sur tout le territoire croate, dont le plus important était celui de Jasenovac, où au moins 100 000 victimes innocentes ont été assassinées et qui a été depuis surnommé « Auschwitz des Balkans « .
Après la guerre, Pavelic a pu s’échapper en Argentine via les infâmes « ratlines, » le réseau d’évacuation fondé par l’évêque autrichien Alois Hudal avec l’aide d’un prêtre croate Krunoslav Draganovic, pour aider les criminels de guerre nazis à atteindre l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient. Il a été traqué à Buenos Aires par les services secrets yougoslaves et a été blessé dans une tentative d’assassinat. Il est décédé des suites de ses blessures à Madrid deux ans plus tard en 1959.
À ce jour, cependant, Pavelic demeure un héros pour de nombreux Croates, ce qui explique cette messe commémorative dimanche. On pourrait supposer que presque un quart de siècle après, la Croatie est devenue une démocratie, et ayant été récemment acceptée comme membre à part entière de l’Union européenne, qu’elle tournerait la page de l’adulation pour l’un des plus grands criminels de guerre de la Seconde Guerre mondiale, mais malheureusement une forte nostalgie se fait sentir parmi une partie de la société croate, et des cérémonies comme la messe de dimanche attirent toujours de nombreux participants.
À cet égard, le fait que deux prêtres supérieurs aient conduit la cérémonie est également une source de préoccupation. L’un d’eux, le dominicain Vjekoslac Lasic est connu pour avoir pris l’initiative de cette messe, et pour son éloge lors des funérailles de l’ancien commandant de Jasenovac, Dinko Sakic, au cours duquel, il a déclaré que, bien que Sakic n’ait pas respecté tous les Dix Commandements [Tu ne tueras point, par exemple »>Article original, il pouvait toujours servir de modèle pour la Croatie. Ce type de prédication par le clergé contribue à favoriser l’idéologie du mouvement Ustasha, faite de haine pour les prétendus ennemis de la Croatie, les Serbes, les Juifs, les Roms, et les Croates anti-fascistes, qui ont tous été victimes de Sakic et de ses collègues meurtriers à Jasenovac et dans d’autres camps de concentration moins connus.
Dr. Efraim Zuroff est le chef des chasseurs de nazis du Centre Simon Wiesenthal et le directeur du bureau du Centre en Israël. Son livre le plus récent est : Opération Dernière chance ; la quête d’un homme à traduire les criminels nazis en justice.
Son site web est : www.operationlastchance.org et il peut être suivi sur Twitter @EZuroff
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