Selon les informations du média « Al-Quds al-Arabi », le président palestinien Mahmoud Abbas aurait conseillé aux cadres de l’OLP de « se préparer à un projet de confédération » avec le voisin jordanien.

Les rapports complexes entre les deux pays semblent pourtant rendre cette option difficile à envisager dans un avenir proche.
Atlantico : L’idée d’une fusion entre Jordanie et territoires palestiniens est-elle concrètement envisageable au vu des divisions qui animent aujourd’hui l’autorité politique palestinienne?

Julien Salingue : Sur le très court terme cette idée apparaît effectivement en décalage total avec la situation sur le terrain.

On peut néanmoins comprendre ces déclarations lorsque l’on observe les évolutions du paysage politique local, où les rapports de force sont en train de changer considérablement.

La prise du pouvoir par les Frères Musulmans en Egypte ainsi que l’activisme croissant de la diplomatie qatarie contribuent a renforcer considérablement le Hamas, qui se trouve être le principal opposant politique de Mahmoud Abbas à l’heure actuelle.

Face à cette perte de puissance, il n’est donc pas étonnant de le voir se tourner vers la Jordanie qui se est aujourd’hui l’un des seuls alliés qui lui reste depuis qu’Hosni Moubarak a été renversé.

L’OLP, qu’il représente, espère ainsi pouvoir retrouver un second souffle pour continuer d’exister face aux bouleversements que connait la région.

Cette volonté de fusion avec la Jordanie est autrement dit une tentative, peu réalisable du reste, de marginaliser les représentants du Hamas , ces derniers se faisant de plus en plus pressant sur la scène politique locale.

Ils se sont ainsi déclarés prêts à intégrer l’OLP, mais à la seule condition de se voir accorder la moitié des sièges, ce a quoi se refuse fermement le Fatah pour l’instant.

Il s’agit ainsi davantage d’une manoeuvre politique que de l’illustration d’un éventuel consensus, la question d’une fusion entre Jordanie et Cisjordanie étant une idée récurrente mais jusque là jamais abordée concrètement par les deux parties concernées.

Cette hypothèse avait déjà été évoquée par Yithzak Rabin en 1993, alors qu’il était Premier ministre d’Israël, pourquoi la situation n’a malgré tout pas avancée depuis ?

Le projet d’une confédération était évoqué bien avant que M. Rabin n’en parle, puisque ce que l’on appelle communément « l’option jordanienne » trouve son origine dans les années 70, où l’on planchait déjà sur l’éventualité de confier les territoires évacués par l’armée israélienne à la Jordanie, la création d’un Etat palestinien indépendant ne s’envisageant tout simplement pas à l’époque.

Néanmoins la réalisation de ce projet ne s’est pas faite pour plusieurs raisons : tout d’abord la Jordanie a rompu ses liens administratifs avec la Cisjordanie pendant la première intifada (1988) lorsqu’elle a compris qu’elle n’aurait aucune emprise sur son voisin.

Depuis le roi Abdallah II se montre réticent à une réintégration, notamment à cause de la présence d’une communauté cisjordanienne déjà particulièrement importante.

Ainsi, dans l’hypothèse d’une fusion des deux territoires, la population deviendrait à 80% palestinienne, ce qui deviendrait rapidement ingérable pour un pouvoir hachémite déjà fragilisé sur la scène intérieure et extérieure.

La deuxième explication se trouve dans les rapports historiquement tendus entre palestiniens et jordaniens, les premiers ayant connu l’autorité parfois brutale des seconds avant la guerre du Kippour (1974), ce qui a pu déboucher sur des massacres de plusieurs milliers de morts comme en 1970.

Ce serait donc un euphémisme de dire que l’option d’une fusion entre Jordanie et Cisjordanie n’enthousiasme pas le nationalisme palestinien.

On peut enfin évoquer le fait qu’Israël préfère des interlocuteurs isolés comme Mahmoud Abbas actuellement plutôt que de traiter avec une éventuelle confédération dont le poids serait logiquement plus important.

L’éventuelle fusion des deux Etats peut-elle déboucher sur une stabilisation de la région ?

Bien que la réalisation d’un tel projet apparaisse encore une fois improbable dans les années à venir, on peut dire que le scénario actuel semble aller davantage vers une déstabilisation régionale, que ce soit en Palestine ou en Jordanie d’ailleurs.

Si l’objectif réel de M. Abbas est effectivement de se diriger a terme vers une unification de l’ensemble des communautés palestiniennes, on pourrait effectivement déboucher sur un scénario séduisant sur le papier, à savoir un apaisement des tensions politiques propres au problème palestinien.

Il s’agit cependant d’une perspective théorique qui n’a que peu de chances de trouver sa place dans les faits.

L’option d’un rapprochement s’avère donc infaisable à l’heure actuelle, bien qu’il ne faille pas oublier qu’a long terme la question palestinienne ne peut pas s’envisager indépendamment du voisin jordanien, qui abrite encore une fois une communauté palestinienne importante.

L’hypothèse d’une confédération correspond ainsi aux réalités démographiques, mais ne pourra être envisagée sérieusement avant un certain temps face aux réalités complexes de la géopolitique régionale.

Propos recueillis par Théophile Sourdille/ Atlantico.fr Article original

Julien Salingue est Doctorant en science politique à l’Université Paris 8 et enseignant à l’Université d’Auvergne.

Ses recherches portent sur le mouvement national palestinien et sur les dynamiques politiques, sociales et économiques en Cisjordanie et à Gaza.

Il a notamment publié A la recherche de la Palestine : Au-delà du mirage d’Oslo.

TAGS : Jordanie Palestine Confédération Abdallah 2 Hachémite Abbas

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Option Jordanienne Géopolitique

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Ratfucker

Une confédération Jordano Palestinienne est envisagée depuis longtemps, mais évidemment après éradication d’Israël.
{{Zouheir Mohsen}}, leader de la Saïka, composante pro syrienne de l’OLP, a déclaré dans une interview au journal néerlandais Trouw en mars 1977: « Le peuple palestinien n’existe pas. La création d’un état palestinien n’est qu’un moyen de poursuivre notre lutte contre l’état d’Israël pour notre unité arabe. En réalité, aujourd’hui, il n’y a pas de différence entre Jordaniens, Palestiniens, Syriens et Libanais. C’est uniquement pour des raisons tactiques et politiciennes que nous parlons d’un peuple palestinien, puisque les intérêts nationaux arabes sont mieux servis par l’existence d’un peuple palestinien distinct opposable au Sionisme.
Pour des raisons tactiques, la Jordanie, qui est un état souverain avec des frontières délimitées, ne peut pas élever de prétentions sur Haïfa et Jaffa, alors qu’en tant que palestinien, j’ai indubitablement le droit d’affirmer ma souveraineté sur Haïfa, Jaffa, Beersheva, et Jérusalem. Cependant, au moment même où nous recouvrerons nos droits sur l’ensemble de la Palestine, nous n’attendrons pas une minute pour réunir la Palestine à la Jordanie »
Cette interview va à l’encontre de la Charte de l’OLP, qui affirme l’existence d’un peuple palestinien avec des droits nationaux, mais est conforme à l’idéologie du Baas syrien, fidèle au mythe de la Grande Syrie.

Plus récemment, le 6 novembre 2012, {{Farouk Kaddoumi,}} cofondateur du Fatah, chef du Département politique de l’OLP, vient de lancer une bombe politique en appelant à rendre la Cisjordanie à la Jordanie.
Kaddoumi, opposant à Mahmoud Abbas et qui vit en Tunisie, a déclaré qu’il soutenait l’idée d’une fédération ou d’une confédération entre la Cisjordanie et la Jordanie.
Ses remarques, faites au cours d’une interview accordée au journal Al-Quds Al-Arabi, sont les premières de la sorte faites par un haut responsable de l’OLP depuis des décennies.
L’homme est l’un des fondateurs du Fatah; il est l’un des rares dirigeants de l’OLP qui ont refusé de quitter la Tunisie pour les territoires palestiniens après les accords d’Oslo, auxquels il était fortement opposé.
Kaddoumi a déclaré au journal, que rendre la Cisjordanie à la Jordanie serait une « mesure positive », ajoutant cependant, que les Palestiniens « ne doivent pas renoncer à leur demande d’un droit de retour en Israël.
« Nous avons lancé notre révolution pour toute la Palestine, et c’est pourquoi nous devons être très prudents ».
« Nous devons protéger le droit de notre peuple à revenir », a t-il souligné « parce que c’est le minimum que nous pourrions accepter. »
Kaddoumi reste fermement opposé à l’Autorité palestinienne et son président Mahmoud Abbas, pour l’abandon de la lutte armée contre Israël.
« Sans aucun doute, l’Autorité palestinienne a abouti à une impasse ».
Selon lui, les palestiniens auraient même perdu l’espoir de parvenir à un accord avec Israël.
« Malheureusement, Israël s’est emparé de la plupart des terres de la Cisjordanie et le seul moyen qui nous reste est la résistance nationale », a t-il poursuivi.
Kaddoumi s’est toutefois raillé la démarche d’Abbas à l’ONU pour obtenir le statut d’état « observateur non membre », rappelant que l’OLP avait obtenu l’adhésion à l’organisation internationale en 1974.
Jusqu’à la guerre des Six-jours en 1967, la Cisjordanie était occupée par la Jordanie, en violation du plan de partition des Nations Unies qui l’avait inclus dans le territoire du futur état palestinien.