L’un des plus grands procès néonazis de l’après-guerre en Allemagne s’ouvre lundi 6 mai à Munich.

Au cœur de ces audiences hors norme : Beate Zschäpe, seule survivante du groupuscule Clandestinitié nationale-socialiste (Nationalsozialistischer Untergrund, NSU), soupçonné des meurtres de huit immigrés turcs, d’un Grec et d’une policière qui ont bouleversé le pays.La militante de 38 ans et ses complices, Uwe Böhnhardt (34 ans) et Uwe Mundlos (38 ans), originaires de la région d’Iéna en ex-RDA, ont agi entre 2000 et 2007, sans jamais attirer l’attention des forces de l’ordre.

Animés d’une xénophobie et d’un radicalisme inédit dans les milieux néonazis allemands, le trio est également accusé de deux attentats à la bombe dans des quartiers à forte population immigrée de Cologne et d’une quinzaine de braquages de banques.

« JE SUIS CELLE QUE VOUS CHERCHEZ »

L’existence de leur cellule sera révélée de façon fortuite en novembre 2011.

De retour d’une attaque de banque manquée, Mundlos et Böhnhardt mettent le feu à leur caravane avant de se suicider à Eisenach.

La police découvre dans les restes calcinés l’arme ayant servi pour les dix meurtres et une profession de foi enregistrée sur DVD dans laquelle les trois néonazis revendiquent leurs crimes.

Beate Zschäpe se livrera à la police d’Iéna quatre jours plus tard.

« Je suis celle que vous cherchez », leur dit-elle.

Murée dans le silence depuis qu’elle s’est rendue à la police le 8 novembre 2011, Beate Zschäpe ne compte pas s’exprimer sur les faits reprochés, ont prévenu ses trois défenseurs.

L’un d’eux, Wolfgang Stahl, a même dénoncé « l’exécution médiatique » dont serait victime sa cliente, présentée selon lui comme « l’incarnation du mal ».


Les huit hommes d’origine turque tués par la NSU. | AFP/

Les avocats des parties civiles ont souhaité que ce procès permette de faire la lumière sur les circonstances de ces meurtres qui visaient des petits commerçants.

Les familles des victimes ont été accusées à tort, et jamais la piste xénophobe n’a, semble-t-il, été explorée sérieusement par les enquêteurs.

« Nous espérons non seulement une condamnation des accusés … »>Article original, nous espérons aussi une discussion au sein de la société sur le problème de la violence d’extrême droite et du racisme en Allemagne », a souligné Sebastian Scharmer, l’un de ces avocats.

« L’HABITUDE DE DÉTOURNER LE REGARD »

L’affaire a été marquée par une cascade de scandales autour de l’enquête et mis en lumière de graves dysfonctionnements au sein de la police et des services de renseignements intérieurs, censés disposer d' »indics » dans les milieux néonazis mais qui semblent avoir manifesté un aveuglement coupable.

Une commission d’enquête parlementaire travaille actuellement sur le dossier.

Dans leur adolescence, les trois membres de la NSU avaient attiré l’attention de la police d’Iéna pour avoir notamment suspendu un mannequin marqué d’une inscription « Juif » sur un pont d’autoroute.

Mais ils ont ensuite échappé à la surveillance des agents du BfV, le service de renseignement intérieur, dont l’enquête sur les meurtres de 2000-2007 a été particulièrement critiquée.

On leur a reproché d’avoir privilégié la piste de groupes islamistes, soupçonné des proches des victimes et écarté la possibilité que ces meurtres soient liés à l’extrême droite.

« La découverte de la NSU a confirmé nos pires craintes quant aux risques de violences.

Pour ce qui est des raisons, oui, l’effondrement social était une réalité dans les années 1990, mais il y a encore beaucoup de secteurs où l’extrême droite est très forte.

Il y a une culture de l’ignorance ici, une habitude de détourner le regard », analyse Harald Zeil, de l’Aktionsnetzwerk, un réseau antinazi d’Iéna.

Une enquête de grande envergure effectuée en 2012 par la fondation Friedrich-Ebert a révélé que la xénophobie était profondément ancrée dans l’opinion allemande.

A l’Est, les idées d’extrême droite trouvent un écho auprès de 15,8 % de la population.

La proportion est de 7 % à l’Ouest.

En 2011, le nombre de militants néonazis était estimé à 23 400.

Parmi eux, 9 800 individus étaient jugés violents.

« Le néonazisme est plus jeune, plus violent et plus militant », soulignaient les auteurs de ce recensement.

Fin avril, l’Allemagne a officiellement présenté des excuses à l’ONU pour les erreurs commises durant l’enquête.

Avant l’ouverture du procès, la chancelière Angela Merkel, qui avait exprimé l’an dernier « la honte » de son pays devant ces crimes, a assuré dans le grand journal turc Hürriyet que toute la lumière serait faite sur ces meurtres.

Des membres du Parlement turc doivent assister au procès.

600 TÉMOINS

Reporté du 17 avril au 6 mai en raison d’une vive controverse sur l’attribution des places réservées aux médias, l’audience doit s’ouvrir à 10 heures devant un tribunal de Munich.

Plus de 600 témoins sont attendus à la barre.

Le calendrier des audiences est déjà fixé jusqu’en janvier 2014 mais les autorités judiciaires ont d’ores et déjà averti que le procès irait bien au-delà.

Cinq juges doivent déterminer le rôle joué par la principale accusée.

Quatre autres personnes, accusées de complicité, seront assises à côté d’elle sur le banc des accusés.

Le procès se tient dans la capitale de la Bavière car cinq des meurtres ont été commis dans cet Etat régional.

Une manifestation à l’appel d’organisations de lutte contre le racisme et la mouvance néonazie est prévue devant le tribunal à partir de 8 heures.

Quelque 500 policiers seront déployés devant le tribunal, d’aucuns craignant que des militants d’extrême droite tentent de venir soutenir Beate Zschäpe.

Le Monde.fr avec AFP et Reuters Article original-20130506- titres »>Article original« >Article original

TAGS : Allemagne Néo-Nazis Beate Zschäpe NSU RDA

Xénophobie

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