La Cour des comptes ne désarme pas et enfonce toujours le même clou : la réduction des dépenses publiques. Elle ne se contente pas de presser le gouvernement d’engager des réformes structurelles. Elle couche noir sur blanc ses préconisations, les « leviers » que le gouvernement n’a pas encore mis à contribution – notamment en ce qui concerne la masse salariale de l’Etat – et auxquels elle juge nécessaire de recourir. Des recommandations qui, dans le fragile contexte actuel, risquent de susciter un tollé à gauche.

Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, à l’Elysée, | ERIC FEFERBERG/AFP

Trois semaines après avoir tiré un coup de semonce sur l’exécution du budget de l’Etat en 2013, complété par un sévère avertissement du Haut Conseil des finances publiques sur la « sincérité » des prévisions pour 2014, la juridiction financière revient à la charge. Le rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, présenté mardi 17 juin, fait état des doutes pesant sur les objectifs que s’est fixés le gouvernement dans le programme de stabilité sur la période 2015-2017.

LES OBJECTIFS N’ONT PAS ÉTÉ TENUS EN 2013…

C’est le premier message énoncé par le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud : « Un effort d’ampleur a été engagé mais n’a conduit en 2013 qu’à une réduction limitée des déficits, très en deçà des objectifs visés. »

En 2013, le déficit public a diminué de 0,6 point pour atteindre 4,3 % du produit intérieur brut, alors que la loi de programmation des finances publiques de décembre 2012 prévoyait de revenir à 3 % du PIB. La maîtrise des dépenses publiques n’a pas permis de compenser la faiblesse des recettes, inférieures de 14,6 milliards d’euros à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale.

Ce qui fait dire à M. Migaud que « la situation actuelle des finances publiques demeure préoccupante, les déficits sont toujours importants et la dette continue d’augmenter, les comptes publics restent plus dégradés que ceux de la moyenne européenne ».

… ET ILS NE LE SERONT PAS NON PLUS EN 2014

Le premier président de la Cour des comptes ne cache pas ses doutes sur les objectifs affichés par le gouvernement. « L’objectif de déficit pour 2014, déjà révisé à la hausse en mai, risque d’être dépassé, estime M. Migaud. Dans cette hypothèse, la poursuite de la trajectoire des finances publiques pour les années qui viennent s’en trouverait immédiatement fragilisée. »

Certes, constate la Cour, le programme de stabilité tient compte des pertes de recettes enregistrées en 2013 et a révisé à la baisse, de 10 milliards d’euros, les prévisions de rendement des prélèvements obligatoires. Malgré cette correction, la Cour des comptes maintient qu’« il subsiste, en plus du risque tenant aux hypothèses économiques, un risque à la baisse de 2 à 3 milliards d’euros sur la prévision », essentiellement sur le produit de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.

Pour la juridiction financière, le déficit public, prévu à 3,8 % dans le programme de stabilité, « pourrait être proche de 4 % du PIB en 2014, voire légèrement supérieur si la prévision de croissance du gouvernement ne se réalise pas ». Enfin, poursuit-elle, « même si les objectifs de déficit du programme de stabilité sont atteints, la dette publique dépassera 2 000 milliards d’euros à la fin de 2014 ».

LES REMÈDES DE CHEVAL DE LA COUR

Dès lors, et c’est le dernier message de M. Migaud, « pour respecter la nouvelle trajectoire fixée tout en baissant les prélèvements obligatoires, un niveau élevé d’économies sur les dépenses devra être réalisé, et tout particulièrement dès 2015 ». Pour le premier président de la Cour des comptes, « un tel effort, ambitieux, n’a rien d’inaccessible, les marges de manoeuvre existent pour réduire le poids des dépenses publiques ». La Cour livre ses préconisations. C’est sans doute la partie la plus explosive du rapport.

Pour la Cour des comptes, « les mesures utilisées dans la période récente risquent d’être insuffisantes pour atteindre les objectifs de ralentissement des dépenses ». Certes, le gel du point d’indice jusqu’en 2017, qu’elle préconisait dans son rapport 2013 et décidé depuis par le gouvernement, est « nécessaire » mais « son rendement décroît sous l’effet de la garantie individuelle du pouvoir d’achat et des mesures en faveur des bas salaires ».

Il faut, estime la Cour, aller plus loin pour réduire la masse salariale de l’Etat. Premier levier : agir sur les primes, « souvent héritées du passé et devenues inadaptées ». Mais cela ne suffira pas. « Dans ce contexte, la baisse des effectifs, en complément des efforts sur les rémunérations, constitue un levier porteur d’économies importantes », estime la Cour. Elle préconise « le gel des effectifs des ministères jugés prioritaires et la poursuite de la baisse dans les autres », ce qui signifierait notamment la fin des recrutements à l’éducation nationale.

Selon la Cour, ces mesures permettraient une économie annuelle de 450 millions d’euros, auxquels s’ajouteraient 400 millions d’euros d’économies grâce au non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. La Cour estime en outre que devrait être engagée « une hausse de la durée effective du travail dans les administrations ».

Un deuxième volet de préconisations concerne les collectivités locales, dont le gouvernement prévoit de baisser les concours financiers de l’Etat de 11 milliards d’euros d’ici à 2017. Pour la Cour, il faut aussi aller plus loin : ralentir les recrutements, revoir les règles d’avancement, la durée du travail et les primes. Aux intercommunalités et aux communes de mutualiser leurs politiques d’achat, aux régions de « réaliser des économies sur la consistance de l’offre de transports régionaux de voyageurs ». Aux collectivités dans leur ensemble d’étaler, de limiter, de mieux sélectionner leurs investissements, la réalisation d’équipements nouveaux ou la maintenance du patrimoine.

Enfin, la Cour réitère ses préconisations en matière de dépenses d’assurance-maladie : développer la chirurgie ambulatoire, les médicaments génériques, freiner les dépenses d’analyses médicales, de transports de patients à la charge de l’assurance-maladie, améliorer la productivité des organismes de Sécurité sociale. L’objet de ce rapport annuel est de nourrir le débat d’orientation des finances publiques prévu début juillet, avant l’examen des textes budgétaires à l’automne. Il a toutes les chances d’y parvenir.

Par Patrick Roger – Le monde Article original

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