Au tout début, la mission de Moïse a semblé se conclure par un succès. Il craignait que le peuple ne croit pas en lui, mais Hachem lui a conféré des pouvoirs divins, et fait de telle sorte que son frère Aaron puisse parler en son nom.

Moïse a réalisé des actions extraordinaires aux yeux du peuple et ainsi, ils l’ont cru. Et quand ils ont entendu qu’Hachem se souciait d’eux et prenait en considération leur désarroi, ils se sont inclinés et se sont mis à l’adorer.

Mais, c’est alors que tout commença à aller de travers, et cette situation a persisté. La première apparition de Moïse devant le Pharaon est désastreuse. Ce dernier refuse de reconnaître Hachem. Il rejette la demande de Moïse qu’il puisse conduire le peuple dans le désert. Il rend la vie des Israélites encore plus amère. Non seulement, ils ont encore dû fabriquer les mêmes quantités de briques, mais désormais, ils ont, également, eu à récolter de la paille. Le peuple se dresse, alors, contre Moïse et Aaron. “ Puisse Hachem avoir un regard sévère sur toi et te juger ! Tu nous a rendu abjects envers Pharaon et ses lieutenants et tu as mis une épée dans leur main pour nous tuer ».

Moïse et Aaron retournent alors chez Pharaon pour réitérer leur demande. Ils accomplissent un miracle – ils transforment un bâton en serpent – mais Pharaon n’est pas impressionné. Ses propres magiciens avaient le même pouvoir. Ensuite, ils font s’abattre sur l’Egypte les premières plaies, mais Pharaon reste impassible.

Il n’a pas laissé partir les Israélites. Et cela s’est reproduit neuf fois de suite.

Moïse a fait tout ce qui était en son pouvoir et rien n’a changé. Les Israélites restaient des esclaves.

Nous avons, alors, compris la pression que Moïse avait sur les épaules.

Après son premier échec, à la fin de la parasha de la semaine dernière, il s’est tourné vers Hachem pour se plaindre amèrement. « Pourquoi, Seigneur, as-tu semé le tumulte dans ce peuple ? Est-ce la raison pour laquelle tu m’as envoyé ? Depuis que je suis allé voir Pharaon pour lui parler en Ton Nom, il a semé le trouble sur ce peuple et tu ne l’as pas sauvé » (Ex. 5: 22-23).

Dans la parasha de cette semaine, bien qu’Hachem ait rassuré Moïse sur son succès à venir, il répond : « Si les Israélites ne m’écoutent pas désormais, pourquoi Pharaon m’écouterait-il alors que je parle avec des lèvres tremblantes ? (Ex. 6: 12).

Il y a là un message d’appel à la ténacité et à la persévérance. L’art de diriger, même d’après les ordres les plus élevés, est souvent marqué par l’échec. Les premiers impressionnistes ont eu à organiser leurs propres expositions, parce que leurs œuvres étaient dédaignées par les salons parisiens.

La première représentation du ballet : Le « Sacre du Printemps » de Stravinsky a provoqué une émeute, et s’est achevée sous les huées du public. Van Gogh n’a vendu qu’une seule peinture de son vivant, en dépit du fait que son frère Théo était négociant d’ art.

Ainsi en va t-il pour les chefs. Lincoln a été confronté à d’innombrables crises durant la guerre de Sécession. Il incarnait une personnalité profondément controversée. Gandhi n’a pas réussi à unifier, suivant son rêve, les Musulmans et les Hindous en une seule et unique grande nation. Nelson Mandela a passé 27 années en prison, a été accusé de trahison et considéré comme un agitateur politique et un saboteur.

Churchill a été perçu comme un homme qui n’avait plus la moindre influence en politique dans les années 30, et même après son héroïque mandat, pendant la Deuxième Guerre Mondiale, on a voté contre lui, pour l’évincer du poste, lors de la première Grande Election, une fois la guerre terminée.

Les héros ne semblent, seulement, se comporter avec héroïsme qu’a posteriori et la plupart des écueils rencontrés se révèlent être des jalons qui mènent au chemin de la victoire.

Dans tout domaine, important ou ordinaire, sacré ou profane, les chefs sont éprouvés, non pas par leurs succès mais par leurs échecs.

Il peut, certaines fois, être facile de réussir. Les conditions peuvent être réunies.

L’environnement économique, politique ou personnel est alors favorable. Lorsqu’il y a un cycle économique propice, de nombreuses entreprises fleurissent. Dans les premiers mois, après une élection générale, le dirigeant victorieux entraîne avec lui ou elle l’état de grâce lié à sa réussite. La première année, la plupart des mariages sont heureux. Cela ne requiert pas de qualité particulière pour se sentir bien dans les bons moments.

Mais ensuite l’ambiance se détériore. Finalement, c’est toujours le cas. C’est ainsi que beaucoup d’hommes d’affaires, de politiciens et de mariages échouent. Il y a des périodes, où même les plus grands vacillent. Dans de tels moments, la force de caractère est éprouvée. Les grands de ce monde ne sont pas ceux qui n’échouent jamais. Ce sont ceux qui savent survivre à l’échec, qui persévèrent, qui refusent d’être vaincus, ne renoncent ni ne cèdent jamais. Ils continuent d’essayer. Ils tirent parti de chacune de leurs erreurs. Ils considèrent l’échec comme une forme d’apprentissage de la vie. Et de tout refus de se laisser vaincre, ils n’en deviennent que plus forts, plus sages et plus déterminés. Ainsi en est-il du récit de la vie de Moïse, dans les parachiot de cette semaine et de la précédente.

Jim Collins, l’un des grands écrivains sur l’art de diriger, le démontre très bien :

L’empreinte du véritable succès n’est pas l’absence de difficulté, mais la capacité à revenir plus forts qu’auparavant, de ses revers, même des catastrophes cataclysmiques… Le chemin, pour sortir de l’obscurité, commence par ces personnalités persévérantes, jusqu’à l’exaspération, qui sont foncièrement incapables de capituler. C’est une chose de subir une défaite cinglante… et totalement une autre, de renoncer aux valeurs et aspirations qui font que prolonger la lutte est vraiment digne d’intérêt. L’échec n’est pas tant un état physique qu’un état d’esprit ; le succès s’estompe et refait surface, une fois de plus, à l’infini. 1″>Article original

Le Rabbin Yitzhak Hutner a écrit, un jour, une lettre puissante à un élève qui s’était découragé, à force d’échecs répétés, en cherchant à maîtriser l’enseignement talmudique :

Un défaut dont beaucoup d’entre nous souffrons, c’est que dès que nous nous concentrons sur les réalisations élevées des Grands Sages, nous évoquons à quel point ils se sont accomplis dans tel ou tel domaine, tout en omettant de mentionner leurs luttes intérieures qui ont, auparavant dû se livrer en eux-mêmes. Un auditeur aurait l’impression que ces personnalités ont jailli de la main de leur Créateur, à l’état de perfection…

La conséquence de ce sentiment, c’est que, lorsqu’un jeune homme ambitieux, plein d’esprit et d’enthousiasme rencontre des obstacles, des chutes et des glissements, il s’imagine ne pas être digne « d’entrer dans la maison d’Hachem ».

Sache, cependant, mon cher ami, que ton âme est enracinée, non pas dans la quiétude de la bonne inclination, mais que le bon penchant livre bataille … L’expression anglaise : « Perdre une bataille et gagner la guerre » s’applique ici. Tu as, certainement, trébuché et tu trébucheras encore et tu reviendras estropié de nombreuses batailles. Je te promets, cependant, qu’après ces campagnes perdues, tu reviendras de la guerre la tête ornée des lauriers de la victoire.

Le plus sage des hommes a dit : “Un Juste tombe sept fois, mais se relève » (Proverbes 24:16). Les sots croient que l’intention du verset est de nous enseigner que le Juste tombe sept fois et, malgré cela, se relève. Mais les sages sont conscients que la clé, pour que le Juste se révèle, provient justement du fait qu’il est tombé sept fois. 2″>Article original

Le point de vue du Rabbin Hutner est que la grandeur ne peut s’accomplir sans échec. Il y a des sommets que tu ne saurais franchir, sans, d’abord, être tombé.

Depuis de nombreuses années, j’ai conservé, sur mon bureau une citation de Calvin Coolidge, envoyée par un ami, qui savait à quel point, il est facile de se laisser décourager. Elle dit : « Rien en ce monde ne peut remplacer la persévérance. Le talent n’y parviendra pas : il n’y a rien de plus ordinaire que des hommes doués de talent, qui ne parviennent pas à la réussite. Le génie n’y parviendra pas, non plus : le génie non-récompensé est presque devenu un proverbe. L’éducation non plus : le monde est plein d’épaves cultivées. La persévérance et la détermination, seules, sont omnipotentes ». J’ajouterais seulement : « Et seyata diShmaya, avec l’aide du Ciel ». Hachem ne perd jamais foi en nous, même si, parfois, nous perdons foi en nous-mêmes ».

Le modèle suprême à suivre, c’est Moïse qui, malgré tous les revers narrés dans les parachiot de la semaine dernière et de celle-ci, devient, finalement, l’homme dont on a dit qu’il avait « cent vingt ans quand il mourut, mais que sa vue n’avait pas diminué et que son énergie était inébranlable » (Deut. 34: 7).

Les défaites, les retards et les déceptions blessent. Ils blessent même Moïse. Aussi, s’il y a des périodes où, nous aussi, nous nous sentons découragés et démoralisés, il est important de se souvenir que même les plus Grands ont échoué. Ce qui fait leur grandeur, c’est qu’ils continuent inlassablement. Le chemin de la réussite traverse de nombreuses vallées d’échecs. Il n’y a pas d’autre voie.

rabbisacks.org/vaera-5774 Article original

Adaptation : Florence Cherki et Marc Brzustowski.

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