L’année 2012 s’ouvre sur deux échéances redoutables : l’une concerne la France, dont l’économie languit dans le déficit extérieur et le chômage, l’autre concerne l’Europe, qui subit depuis deux ans un siège conduit par la spéculation financière internationale dont l’objectif est de faire craquer sa monnaie et son organisationAujourd’hui, je voudrais attirer votre attention sur une situation angoissante : celle de l‘Europe, ville assiégée, mal défendue par sa garnison et dont les attaquants imaginent qu’elle est prête à succomber.

La cible sur laquelle ils concentrent leurs efforts est la monnaie européenne, c’est-à-dire l’euro.

Ces attaques spéculatives ne proviennent nullement des pays que l’on pourrait croire culturellement ou idéologiquement hostiles à l’Europe, mais émanent des actions de communication violentes et négatives des marchés dérégulés de l’Ouest, c’est-à-dire des partenaires privilégiés de l’Europe.

Il est vrai que les États de la zone euro ont prêté le flanc à ces attaques en pratiquant, pour la plupart, une gestion de leurs finances publiques imprudente et contraire aux engagements qu’ils avaient pris dans le traité de Maastricht, en 1992, et renouvelés lors du Conseil européen d’Amsterdam, en 1997.

En même temps, le doute s’empare d’une partie de la population de la ville assiégée.

Elle se demande si, devant de telles difficultés, elle n’aurait pas avantage à capituler et à revenir à la gestion des monnaies nationales.

Cette alternative est irréaliste, car l’abandon de l’euro ferait passer un cyclone sur l’Europe, déclenchant une vague de dévaluations ou de courses à la baisse des monnaies nationales.

À mesurer ces dangers, on a du mal à comprendre pourquoi, après trois ans de crise bancaire et deux ans de crise monétaire, on en est encore à rechercher les remèdes.

Parmi les causes, celle qui apparaît comme déterminante est l’inadaptation des institutions, c’est-à-dire la faiblesse du commandement.

Celle-ci tient à deux éléments : l’augmentation trop rapide du nombre des États membres, non accompagnée des réformes nécessaires pour garantir l’efficacité de son dispositif, et l’absence quasi totale d’organisation de la zone euro, à l’exception de l’existence de la Banque centrale européenne.

Or l’existence d’une monnaie unique exige un environnement économique coordonné.

Ces lacunes peuvent être comblées.

La correction de l’effet de nombre, pour revenir à des institutions européennes performantes, appelle en priorité la réforme de la Commission, trop dispersée et rendue insuffisamment « européenne » par la pression des exigences nationales.

Concernant le volet économique de la zone euro, il ne peut être décidé et appliqué que par les seuls États utilisant l’euro.

L’expérience a démontré depuis vingt ans que la tentative d’imposer des sanctions à un pays de la zone euro en situation de déficit excessif par un organisme dont un tiers des membres a choisi de ne pas adopter l’euro et qui ne verse pas un centime pour aider les pays en difficulté, est vouée à l’impuissance.

La négociation semi-clandestine de l' »accord international sur une union économique renforcée » en dit long sur la confusion des esprits et le recul de l’ambition européenne.

Combien la France, qui représente 10 % de la population de l’Union, a- t-elle de représentants parmi les participants à la négociation, et qui sont-ils ?

Pourquoi ce refus de la transparence des débats ? Et pourquoi un « accord international » à 27 alors que l’encre de la signature du traité de Lisbonne est à peine sèche ?

Il s’agit d’une manipulation du lobby européen de Bruxelles pour tenter de s’insérer dans la gestion de la zone euro. Et le mot d’Europe disparaît même du programme !

Il faut nous habituer à penser que pendant les quarante prochaines années il y aura deux organisations européennes chargées de la gestion de l’Europe-espace et la zone euro visant à promouvoir l’intégration économique, puis sans doute politique, du noyau européen.

Ces deux organisations sont distinctes, mais non antagonistes. Elles se gèrent suivant des règles différentes.

Or c’est précisément l’organisation de la zone euro qu’il convient, enfin, de mettre sur pied pour créer le contrepoids économique de l’Union monétaire attendu depuis 1992 !

On peut rédiger le programme : engagement « politique » de limiter les déficits et de plafonner l’endettement ; réunions régulières des dirigeants des États de la zone euro – tous les mois – pour vérifier le respect des engagements pris, mais aussi pour définir une stratégie de croissance et de dynamisation de l’économie de la zone ; désignation d’un secrétaire général afin d’assurer le suivi nécessaire des décisions ; adoption de la procédure de la double majorité pour accélérer la prise de décision et interdire les blocages.

Si les dirigeants de la zone euro, à l’image des responsables français et allemands, s’accordaient sur ces mesures, par un accord exprimant une convergence de vues, du type Schengen, qui dispense de la négociation d’un traité, le siège de l’euro-Europe par la spéculation financière internationale serait rapidement interrompu, et les défenseurs ragaillardis pourraient contempler, du haut des murailles, »la cendre morte des camps levés ».

VALÉRY GISCARD D’ESTAING

Le Point – le 12/01/2012

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/valery-giscard-d-estaing/dynamiser-la-france-et-defendre-l-europe-assiegee-12-01-2012-1422691_75.php

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seifelathees

Valéry Giscard fait de l’humour sans le savoir.
Rappelons qu’il est l’homme du « regroupement familial ».

A défaut d’avoir une particule, il a eu un destin….