Comme si de rien n’était, jeudi dernier, à l’occasion du 31e anniversaire de la République islamique, Mahmoud Ahmadinejad a annoncé que l’Iran démarrait l’enrichissement à 20 % de son stock d’uranium , au nez et à la barbe de la communauté internationale, qui, depuis plusieurs mois, s’acharne à négocier avec Téhéran un accord qui prévoit notamment que cette opération se déroule… à l’étranger.

Un ultime pied de nez au monde occidental, qui, comme à l’accoutumée, n’a réagi qu’en brandissant le spectre de nouvelles sanctions à l’encontre de Téhéran. Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, s’est ainsi prononcé pour des sanctions « dans les semaines à venir, pas dans les prochains mois ». Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a estimé qu’il était temps d’adopter des « sanctions fortes ». Même Moscou, qui a pourtant longtemps soutenu Téhéran, s’est interrogé ouvertement sur la « sincérité » iranienne. Autant d’avertissements qui se suivent et se ressemblent, mais ne semblent pas effrayer le régime iranien.

« Le pouvoir est sur la défensive », affirme pourtant Denis Bauchard, conseiller spécial pour le Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Le chercheur en veut pour preuve l’encadrement désormais déployé par le régime lors de chaque manifestation publique. « Ahmadinejad avait organisé l’enthousiasme populaire en allant chercher des gens par cars entiers », déclare Denis Bauchard, en référence aux rassemblements commémorant le 31e anniversaire de la République islamique , le 11 février dernier. Une thèse corroborée par l’écrivain et journaliste Armin Arefi (1), qui a vécu deux ans en Iran avant de se voir expulsé du pays. « Ces manifestations sont en réalité de grandes fêtes populaires, où des repas sont distribués gratuitement, où les fonctionnaires reçoivent une rémunération supplémentaire », explique-t-il, reconnaissant malgré tout un noyau dur d’une dizaine de millions de personnes réellement acquises à la cause du régime.

Billard diplomatique

Car « il ne faut pas sous-estimer le soutien populaire à Ahmadinejad », prévient Denis Bauchard, de l’Ifri. Une foule globalement « sans velléité de renverser le régime », assure le spécialiste, qui considère qu’au-delà des divergences politiques, la « fierté nationale » iranienne est un des éléments expliquant la solidité du pouvoir en place, et les hésitations de la communauté internationale à le remettre en cause. « Les États-Unis estiment que toute politique trop agressive risquerait de réveiller un fort sentiment national », estime ainsi Denis Bauchard. Un risque également souligné, dès la fin 2008, par un rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la question iranienne : « Les membres de la mission d’information qui se sont rendus en Iran ont pu constater combien leurs interlocuteurs défendaient avec vigueur et sans nuances leur pays, en dénonçant comme partiale et sans fondement la moindre observation critique », écrivent les députés.

Une critique qui semble d’autant plus difficile à accepter lorsqu’elle vient de Washington. « L’opinion publique iranienne est très ambivalente par rapport aux États-Unis », explique Denis Bauchard. Selon lui, « il y a en Iran une grande fascination pour ce pays, liée à un fort sentiment anti-américain ». Le chercheur rappelle que la fameuse prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran, qui dura pendant plus d’un an de novembre 1979 à janvier 1981, est « l’épisode fondateur » de la République islamique. Un souvenir qui hante encore les États-Unis, partagés entre le bâton – incarné par une Hillary Clinton menaçante à chacune de ses déclarations sur l’Iran – et la carotte – rôle joué par un Barack Obama et sa politique de la  » main tendue  » amorcée il y a bientôt un an.

D’autant que dans leurs relations à l’Iran, les États-Unis se retrouvent au beau milieu d’un fragile enchevêtrement diplomatique. Ainsi, pour Denis Bauchard, si la Chine bloque obstinément toute résolution sanctionnant l’Iran au Conseil de sécurité des Nations unies, c’est en partie à cause des tensions diplomatiques qui font rage entre Pékin et Washington depuis plusieurs mois. La prochaine rencontre entre Barack Obama et le dalaï-lama , prévue le 18 février prochain, ne risque pas d’arranger les choses… Une partie de billard similaire se joue au Moyen-Orient avec la Syrie. « Pour l’Iran, Damas est la clé d’entrée dans le monde arabe », indique le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale. Or, fidèle alliée de Téhéran depuis 30 ans, Damas est aussi l’ennemie jurée de… Washington. La Syrie est d’ailleurs, avec Dubaï, un des pays qui ne respectent pas les sanctions économiques imposées à l’Iran. Téhéran ne peut donc pas trop se rapprocher des États-Unis, au risque de froisser Damas… Un beau casse-tête diplomatique, en somme, qui pour l’instant n’a débouché que sur une chose : le statu quo.

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