Les missions du nouveau chef de l’armée pakistanaise : des relations nucléaires avec l’Arabie Saoudite, la gestion du retrait américain d’Afghanistan et les menées saoudiennes anti-iraniennes.

Le Général Raheel Sharif, 57 ans, qui provient d’une famille distinguée du Penjab, a commencé à travailler, à son nouveau poste de chef des forces armées pakistanaises, ce week-end, avec au menu, trois missions de dimensions gigantesques, et les effets inattendus des évènements en évolution rapide, impliquant les Etats-Unis, l’Iran et Israël à gérer.

1) Retrait américain et renforcement saoudien face à l’Iran

Il devra adapter sa politique militaire, en prévision de l’évacuation américaine, l’an prochain, de l’Afghanistan voisin, laissant ainsi un vide dangereux.

Le Pakistan est totalement absorbé par la guerre d’Afghanistan, menée par les Etats –Unis depuis 12 ans, contre Al Qaïda et ses alliés Talibans, tous deux utilisant les zones tribales, qui échappent au contrôle de l’Etat pakistanais, comme bases avancées pour leur guerre contre les forces de la coalition.

L’Administration Obama tente, à tout prix, d’empêcher les Talibans de s’emparer du pouvoir à Kaboul, après le retrait du Président Hamid Karzaï. Sa stratégie, jusqu’à présent sans succès, consiste à enrôler l’Iran pour contribuer à cet objectif qui est, cependant, diamétralement opposée à celle du Premier Ministre pakistanais, Nawaz Sharif.

Sharif est très soucieux de se débarrasser des Talibans, dont les opérations terroristes ne cessent de s’étendre et menacent directement la stabilité de son gouvernement. Il voudrait donc les expulser d’Afghanistan. En particulier, il aimerait bien parvenir à les évincer des zones frontalières nord et ouest, où le leader d’Al Qaïda, Ayman al Zawahiri aurait installé son commandement central.

En attendant, pour atteindre ce but, le gouvernement pakistanais doit parvenir à un arrangement provisoire avec les dirigeants talibans, qui lui garantirait leur coopération, c’est-à-dire la cessation de leurs menées anti-gouvernementales. Mais, c’est donnant-donnant et c’est ainsi que l’influence talibane s’accroît, en cercle vicieux, depuis plusieurs générations…

La deuxième mission stratégique du nouveau chef des armées consistera à réaliser le transfert complet des armes nucléaires et des missiles balistiques à l’Arabie Saoudite, que Riyad lui a achetés et que le Pakistan stocke en réserves, dans le cadre d’un pacte secret, entre les deux gouvernements, signé en 2004.

Ce transfert pourrait, d’ailleurs, bien avoir déjà commencé. Il fait d’Islamabad un contributeur essentiel de la course à l’armement nucléaire au Moyen-Orient, déclenchée par l’accord de Genève, concédé par les puissances mondiales, qui reconnaissent les « droits nucléaires » de l’Etat terroriste iranien.

Il signifie aussi que le Pakistan s’est rangé dans le camp arabe sunnite contre l’Iran chi’ite, en allouant à une puissance sunnite une capacité nucléaire, contre l’Iran chi’ite armé de la bombe atomique, promu par les puissances mondiales. Elles ont ainsi renoncé à tous les principes prévalant au Conseil de Sécurité de l’ONU, et accepté de facto l’Iran en tant « pays au seuil » de l’obtention de la bombe. A charge aux autres pays de se prémunir contre cette menace.

Le Général Sharif sera pleinement épaulé dans cette tâche par son Premier Ministre, un vieil allié de la Maison Royale saoudienne. L’Iran et l’Inde n’ont pas perdu des yeux l’amplitude de ces mouvements critiques pour la sécurité de la région toute entière.

2) L’Inde opte pour l’Iran et se détache d’Israël

Vendredi 29 novembre, New Delhi a annoncé l’envoi d’une équipe de planificateurs et d’ingénieurs qui arriveront bientôt à Téhéran, pour accélérer la construction du port de Chabahar, au sud de l’Iran, près des frontières pakistanaises et afghanes, qui constituera la base navale indienne la plus importante de l’Océan Indien, et qui offrira, également, à l’Afghanistan, jusqu’alors enclavé, son premier débouché vers la mer.

Ce débouché est suffisamment important pour garantir à l’Inde et à l’Iran une base avancée et le pied ferme dans la capitale afghane, après le retrait américain, même en cas de prise de pouvoir par les Talibans.

New Delhi entrevoit sa présence dans le port de Chabahar comme un contrepoids à la grande base navale que la Chine est en train de construire à Gwadar, sur l’Océan Indien et qu’elle partagera avec le Pakistan.

Cette nouvelle configuration des enjeux représente, par conséquent, les premiers bouleversements d’une portée tectonique, sur le plan stratégique et militaire, conçus, dans une région centrale, déterminante pour le monde, et les premières mesures importantes qui résultent de (ou ont anticipé) l’accord des six puissances mondiales avec l’Iran.

Elle marque que Pékin est en train de prendre ses distances, dans son alliance avec Téhéran et de s’aligner plus fermement sur le Pakistan et l’Arabie Saoudite, afin de contrer l’influence américano-iranienne à Kaboul.

L’Inde marche sur les pieds des Chinois à Téhéran, avec la bénédiction de Washington et prend ses distances à l’égard d’Israël, son principal fournisseur d’armes. Les liens militaires et en matière de renseignements entre l’Inde et Israël se sont restreints, au cours des deux dernières années, sans que cela signifie encore la rupture d’une alliance longtemps présentée comme stratégique…

Le changement de chefs à la tête de l’armée à Islamabad est aussi pertinent, du point de vue de la guerre secrète que mènent les renseignements saoudiens contre le régime iranien, ces dernières semaines. Les Saoudiens utilisent le Baloutchistan pakistanais comme poste avancé pour mener des opérations subversives contre le régime central de Téhéran.

Selon l’Iran et certaines agences clandestines occidentales à la langue bien pendue, les renseignements israéliens assisteraient les Saoudiens dans cette campagne baloutche. Traditionnellement, Israël coopère, plutôt, avec l’Azerbaïdjan chi’ite, mais opposé à la politique régionale de l’Iran, et les Kurdes d’Irak.

Or, on se souvient aussi, que le Pakistan avait livré à l’Iran le « Mandrin » Baloutche, Abdolmalek Righi, en février 2010, chef du Jundallah,accusé de mener la subversion anti-iranienne et d’être le cerveau d’attentats meurtriers contre les Gardiens de la Révolution, notamment à Zahedan, tuant 41 Pasdaran dont plusieurs hauts-commandants. La raison géostratégique peut en être assez simple, dans la mesure où le Jundallah mène une subversion à visée autonomiste/séparatiste, aussi bien contre l’Iran que contre le Pakistan…

Le Général Sharif devra décider s’il permet à ces têtes de pont de poursuivre leurs activités et quelle marge de manœuvre il veut bien accorder aux services secrets saoudiens, sans que cela se retourne contre lui.

Le chef d’Etat-Major sortant, le Général charismatique Pervez Kayani, est parvenu, durant son mandat de six ans, à maintenir, pour la première fois, les forces armées du Pakistan à l’écart des guerres politiques internes, qui sont endémiques et le véritable fléau minant cette nation de 180 millions d’habitants.

Mais, il a aussi travaillé sous un lourd nuage de suspicions, l’assimilant à un sympathisant des organisations terroristes pakistanaises, qui opèrent contre l’Inde. L’agence de renseignements inter-services (ISI) est soupçonnée, presque depuis sa création, de soutenir secrètement l’un des principaux bras armés d’ al Qaïda, le Lashkar –et-Taïba, allié du Hamas palestinien, haïssant autant l’Inde qu’Israël, qui a mené des opérations terroristes contre des cibles américaines et Israéliennes, la plus horrifiante de toutes étant les attentats coordonnés contre 12 cibles dans la ville indienne de Mumbaï, dont un centre Habad, en novembre 2008, faisant 166 morts et des centaines de blessés.

Les experts occidentaux du renseignement maintiennent que le massacre de Mumbaï, l’un des premiers attentats multiples d’al Qaïda, n’aurait pas pu se dérouler sans que le Général Kayani ne soit informé de ses préparatifs. Washington a choisi de croire Kayani sur parole, lorsqu’il a prétendu que l’ISI était une entité indépendante (un Etat dans l’Etat), non directement bridée par son commandement militaire, parce que les USA ont besoin de sa collaboration pour leurs opérations antiterroristes contre les zones de concentration des forces d’ al Qaïda, dans les zones tribales pakistanaises, le long de la frontière afghane.

Beaucoup d’yeux scrutent de près le comportement du nouveau chef d’Etat-Major, pour savoir s’il poursuivra la politique de son prédécesseur, consistant à approuver tacitement les relations clandestines entre les renseignements militaires et les mouvements terroristes islamistes.

DEBKAfile Analyse Exclusive 1er Decembre 2013, 7:22 PM (IDT)

debka.com Article original

Adaptation : Marc Brzustowski.

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