En 1906 a été réhabilité un capitaine de l’armée française, Alfred Dreyfus, juif et Alsacien, inculpé à tort de trahison 12 ans plus tôt ; en 1899, il est libéré ; il peut écrire alors :

« Je veux que la France entière sache par un jugement définitif que je suis innocent. Mon cœur ne sera apaisé que lorsqu’il n’y aura pas un Français qui m’impute le crime abominable qu’un autre a commis ».

L’affaire Dreyfus qui a nécessité plusieurs procès, a été une des plus graves crises politiques et morales de la troisième République, alors en pleine consolidation et qui subit un fort rejet de la part de forces antirépublicaines.

Comment la bataille pour la révision du procès lancée par les Dreyfusards a-t-elle parvenue lentement à faire basculer l’opinion publique ? Quels évènements majeurs ont-ils accéléré l’évolution ?

Il faut insister sur la fièvre nationaliste et antisémite qui agite l’opinion française, après la défaite militaire de 1870, imprégnée d’un esprit revanchard  et une armée vénérée qui porte tous les espoirs de reconquête des provinces perdues.

L’affaire Dreyfus est d’abord une affaire militaire : dans un climat d’espionnite aiguë on découvre l’existence d’une lettre appelée bordereau envoyée à l’ambassade allemande pour livrer des documents militaires : ce document provient d’un membre de l’état-major militaire français. Le véritable auteur du bordereau est le commandant Esterhazy, il l’a avoué plus tard.

Mais pour les principaux membres de l’état-major comme le général Sandherr, les commandant du Paty de Clam, Henry et d’autres officiers supérieurs, imprégnés d’un antisémitisme viscéral, il y a un accusé idéal : le capitaine Dreyfus, officier stagiaire du deuxième bureau de l’état major, juif alsacien fier d’appartenir à l’armée française.

Pour ce groupe de conspirateurs il faut se méfier de ce juif alsacien dont une partie de la famille est restée là-bas, de l’autre côté de la frontière, chez l’ennemi allemand. Pour eux et une partie de l’opinion publique chauffée par une féroce presse antisémite, les juifs sont considérés comme des apatrides, incapables de manifester une loyauté suffisante vis-à-vis du pays où ils vivent.

Le 15 octobre 1894, sur ordre du général Mercier, ministre de la Guerre, le capitaine Dreyfus, est arrêté pour espionnage avec l’ennemi allemand. Dès son arrestation le jeune officier clame son innocence et crie au scandale, rien n’y fait, il est aussitôt écroué à la prison du Cherche Midi.

La presse commence son travail de dénonciation : dès le 31 octobre 1894, Le Soir est le premier à révéler, sans aucune preuve, l’identité de l’officier détenu pour espionnage. La préparation du procès alimente la campagne antisémite du journaliste Drumont, auteur du célèbre pamphlet antisémite, paru en 1888, La France juive.

La Libre Parole publie de nombreux articles où elle continue de dénoncer le péril juif dans l’armée française. Le 28 novembre 1894 Le Figaro publie un entretien de Mercier qui parle de preuves criantes contre Dreyfus : un démenti est publié dans le journal du soir Le Temps.

Le 19 décembre 1894 s’ouvre le procès qui se tient à huis clos. Dreyfus est assisté par maître Demange.

Le 22 décembre 1894, il est condamné de façon illégale à la déportation à vie sur l’Ile du Diable en Guyane française. Quelques jours plus tard, il subit l’humiliation de la dégradation.

 

Comme la justice militaire paraît infaillible, rares sont ceux qui mettent en doute sa culpabilité. Seule la famille de Dreyfus commence le combat pour la révision du procès et tenter de prouver son innocence.

En particulier son frère Mathieu et son épouse Lucie qui lui a donné deux enfants, constituent le noyau initial du camp dreyfusard : leur principale action va consister à briser le mur de silence qui entoure la condamnation d’Alfred Dreyfus. Ce noyau est rejoint par Bernard Lazare et le député Joseh Reinach.

A l’automne 1896, le colonel Picquart, nouveau chef de services de renseignements, découvre un document accablant le commandant Esterhazy qui est acquitté. Le 10 janvier 1898, Picquart est envoyé en Tunisie. Deux jours plus tard, l’écrivain Emile Zola, publie le célèbre J’accuse dans le quotidien L’Aurore qui transforme l’affaire Dreyfus en « l’Affaire ».

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En 1899, il y a une tentative de coup d’Etat par les nationalistes antidreyfusards. Le gouvernement change, un nouveau procès s’ouvre.

C’est en 1906 que l’innocence de Dreyfus est reconnue. Alfred Dreyfus est alors réintégré dans l’armée, promu au grade de commandant et décoré de la Légion d’honneur. Il prend sa retraite en 1907, s’engage comme volontaire en août 1914 et demande à être envoyé au Front. Il se retire définitivement  en 1918 et meurt en 1935.

L’Affaire a révélé les profonds clivages politiques et idéologiques de la France jusqu’en 1914.  Elle a secoue durement le régime républicain : les passions se déchaînent et l’opinion publique est profondément divisée.

Ceux qui veulent la révision du procès, les dreyfusards l’exigent au nom de la vérité, de la justice et des droits de l’Homme. Les antidreyfusards la refusent pour défendre l’honneur de l’armée, la raison d’État : parmi eux, on trouve l’armée, le clergé, les nationalistes, les antisémites.

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Pour l’antisémitisme, l’Affaire Dreyfus constitue un point de rencontre de trois âges : l’antijudaïsme chrétien dont le journal  La Croix  est la meilleure illustration, l’antisémitisme des nationalistes monarchistes telle la Ligue des Patriotes  de Déroulède et l’anticapitalisme populaire agité par quelques leaders socialistes. Tous veulent combattre la République laïque.

Dans le camp des Dreyfusards il y a des socialistes, comme Jaurès, des radicaux, des républicains modérés, beaucoup d’intellectuels : c’est Clemenceau qui invente ce mot en 1898. Il y a aussi les protestants.

Pour les juifs de France, l’Affaire Dreyfus est un révélateur de la précarité, des aléas, des  limites de leur intégration dans la société environnante. Théodore Herzl, journaliste, présent lors du procès de la dégradation, y voit la confirmation de ses idées : l’antisémitisme est une maladie incurable, seul le retour des juifs sur leur terre peut leur assurer la sécurité.

L’Affaire Dreyfus a été un combat pour la justice, les droits de l’Homme et contre l’antisémitisme. La défense de ces grands principes reste toujours d’actualité.

Adaptation par JG

 

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