Qui sont les juifs américains ? Pierre Sautreuil

Alors que vient d’avoir lieu, dans une synagogue de Pittsburgh, le plus violent attentat antisémite de l’histoire des États-Unis, « La Croix » propose un portrait de la communauté juive, qui représente à peine plus de 2 % de la population américaine.

Des membres de la communauté Satmar attendent le grand rabbin Aaron Teitelbaum, à Brooklyn (New York), le 2 décembre 2015. 

Des membres de la communauté Satmar attendent le grand rabbin Aaron Teitelbaum, à Brooklyn (New York), le 2 décembre 2015.  / Darren Ornitz/REUTERS

Les États-Unis comptent la plus grande diaspora juive du monde : environ 5,5 millions de personnes, soit un peu plus de 2 % de la population américaine (soit la moitié du judaïsme mondial). Elle constitue la troisième communauté religieuse du pays, après les protestants et les catholiques.

Alors que la présence juive aux États-Unis remonte au début du XVIIe siècle, elle est aujourd’hui très liée aux différentes vagues d’immigration, en premier lieu celle des Ashkénazes ayant fui les persécutions et la misère en Europe de l’Est à partir du XIXe siècle.

Environ deux millions de juifs auraient quitté la Russie et l’Europe Centrale pour les États-Unis entre 1881 et 1914, emportant avec eux une mémoire des pogroms et des opinions politiques progressistes qui vont durablement marquer la communauté juive américaine, historiquement acquise au parti démocrate depuis le New Deal de Franklin D. Roosevelt en 1932.

Victime de discriminations jusqu’aux années 1950, la communauté juive des États-Unis a, par la suite, profité dans son ensemble de la prospérité de l’après-guerre et d’une plus grande ouverture de la société américaine, sans pour autant changer radicalement d’affinités politiques.

Ainsi plus de 70 % des juifs américains ont voté en faveur d’Hillary Clinton aux élections présidentielle de 2016. Une part non négligeable de la communauté juive américaine, principalement la frange religieuse orthodoxe et conservatrice, a néanmoins été séduite par la proposition de Donald Trump de déménager l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

La Shoah au cœur de l’identité

« La mémoire des persécutions pousse les juifs libéraux, majoritaires, du côté de ceux qui sont dans la souffrance : les militants des droits civiques pour les Noirs dans les années 1960, et aujourd’hui les réfugiés », commente Laura Hobson Faure, maîtresse de conférences à Paris-III. L’historienne note que l’auteur de l’attentat de la synagogue de Pittsburgh, le 27 octobre, ciblait dans ses messages haineux l’organisation HIAS (Hebrew Immigrant Aid Society), importante ONG juive qui avait affirmé son soutien aux réfugiés syriens.

 

À Pittsburgh, la fusillade dans une synagogue a fait 11 morts

Des responsables religieux juifs ont accusé Donald Trump d’avoir une part de responsabilité dans cet attentat. « Vos paroles et vos politiques ont enhardi un mouvement nationaliste blanc qui grandit de plus en plus », ont-ils écrit dans une lettre ouverte publiée le lendemain de la tuerie.

D’après l’Anti-Defamation League, principale association de lutte contre l’antisémitisme aux États-Unis, le nombre d’actes antisémites aurait bondi de 57 % entre 2016 et 2017, soit la plus forte recrudescence jamais constatée par l’association.

« Il y a, depuis l’élection de Trump, un retour du sentiment d’insécurité chez les Juifs américains, mais qui était néanmoins moins fort qu’en France car il n’y a pas le même héritage de la Shoah », nuance Laura Hobson Faure, « de ce fait les attaques antisémites provoquaient un sentiment de danger moins imminent, mais l’attaque de Pittsburgh change tout, car il y a eu des morts, de surcroît, dans un lieu de culte. Les synagogues aux États-Unis ne sont pas équipées d’un fort appareil de sécurité, car il y avait justement le sentiment de vivre dans une société ouverte au Judaïsme. »

La Shoah occupe toutefois une place centrale dans la définition d’une identité juive américaine. Dans un sondage d’ampleur daté de 2013, le Pew Research Center établissait que la mémoire de la Shoah était le critère le plus unanimement cité pour définir les caractéristiques fondamentales de l’identité juive (73 %), devant l’attachement à Israël (43 %) et le respect des Dix Commandements (19 %). Deux tiers des juifs américains sondés affirme ainsi que la culture et la tradition importent plus que la religion.

Les juifs américains face à un antisémitisme que beaucoup croyaient disparu

Et en cette année électorale 2018, les attaques antisémites, notamment contre les journalistes juifs, se sont multipliées sur les réseaux sociaux, selon une nouvelle étude de l’ADL, qui recense une série de hashtags et de mots codés utilisés par les suprémacistes blancs.

Parmi les plus évidents : #NWO, pour « New World Order », un nouvel ordre mondial que les élites juives seraient censées préparer, ou « globalist », pour « mondialiste », un qualificatif souvent associé au financier d’origine juive George Soros, devenu la cible des extrémistes et l’une des personnalités anti-Trump visées la semaine dernière par un colis piégé.

« Il y a une nouvelle technologie de la terreur, et cette technologie est une mauvaise nouvelle pour les juifs », avance M. Berlinerblau.

Dans ce contexte, souligne-t-il, l’attaque de Pittsburgh n’est pas « un véritable choc », mais plutôt « un lent déraillement : tout le monde se rend compte qu’il va y avoir de plus en plus de choses comme ça, avec toutes les armes qu’il y a dans ce pays ».

« Période effarante »

La conviction que l’extrémisme est inexorablement en hausse : c’est le sentiment qu’affichaient lundi beaucoup de parents venus déposer leurs enfants au grand centre communautaire juif du quartier de l’Upper West Side de New York, ville qui abrite plus d’un million de juifs, la plus grosse communauté des États-Unis.

« C’est vraiment une période effarante », confie Jana Gold, 42 ans, New-Yorkaise depuis toujours et mère de deux fillettes de cinq et neuf ans.

« Je ne me sens pas plus vulnérable aujourd’hui » qu’avant Pittsburgh, dit-elle.

« Contrairement aux présidents passés, il déchire les gens plutôt que d’essayer de les rassembler », pointe-t-elle.

Pour Bob Dorf, 69 ans, venu déposer son petit-fils de quatre ans, le président américain « fomente la violence ». « Ma plus grande peur, c’est combien d’attaques comme ça allons-nous avoir ? C’est juste le nouveau chapitre d’une horrible saga », dit ce professeur d’université.

Comme beaucoup d’institutions juives à New York, le centre communautaire est protégé par des mesures qui ne datent pas d’hier : un garde devant l’entrée, et un contrôle des sacs et des visiteurs via un portique de sécurité.

Si le maire de la ville a annoncé samedi une protection renforcée des institutions juives, Kenneth Jacobson de l’ADL estime que les juifs américains sont désormais face à un dilemme.

Ceux-ci « avaient le sentiment d’être vraiment des citoyens complètement égaux », dit-il.

« Le défi maintenant est à la fois de prendre (l’antisémitisme) très au sérieux et, en même temps, de ne pas devenir comme l’Europe. L’Amérique a été globalement un endroit formidable pour les juifs, on veut que ça reste comme ça ».

CATHERINE TRIOMPHE  AFP New York

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Calimero

Non, même pas, ils sont majoritairement cocos juifs

Ixiane

J’entends dire que les juifs de la diaspora US deviennent de + en + anti-israéliens , sont-ils contaminés par SOROS ???