La seule vraie menace iranienne, c’est sa protection (diplomatique) russe

Analyse : Israël est tout-à-fait en capacité de traiter le problème isolé des milices chiites appuyées par l’Iran et le Hezbollah du côté syrien de la frontière, mais le fait que Poutine légitime cette présence stratégique sur le long terme de l’Iran en Syrie fait que, lors du prochain conflit, les Ayatollah seront en mesure de combattre Israël aussi bien depuis le Liban qu’à travers leurs milices et leurs forces navales et aériennes en Syrie.

La présence des forces iraniennes en Syrie et des milices chiites soutenues par l’Iran, non loin de la frontière, est la question, a priori, la moins préoccupante qui puisse concerner Israël à ce jour. Depuis des décennies, nous avons vécu avec le problème d’avoir au moins cinq divisions syriennes complètes sur les hauteurs du Golan, armées de tanks, d’artillerie lourde et de missiles (dont des missiles chimiques). Lors de la guerre de Yom Kippour de 1973, nous avons même prouvé notre capacité à repousser une attaque-surprise d’une force de cet acabit sur plusieurs fronts.

Les forces les plus importantes que les Iraniens sont capables de faire stationner, entre 5 à 20 km de la Ligne Pourpre (la ligne de cessez-le-feu) sont d’environ deux divisions – en d’autres termes, six brigades – qui ne sont même pas armés de véhicules blindés. Ce sont, foncièrement, des milices armées et non une armée activement menaçante.

Il est vrai que ces milices peuvent essayer de mener des attentats terroristes et de s’infiltrer sur le territoire israélien ou de tirer des roquettes et des obus de mortier, mais ce sont des activités que Tsahal connaît par cœur et que l’armée peut affronter sans grandes difficultés. Et si c’est nécessaire, Tsahal peut faire des incursions en Syrie et attaquer les bases de ces milices – à commencer par celles du Hezbollah. Tsahal a connu de belles victoires en pratiquant ce genre d’interventions au cours de la « guerre de harcèlement » (novembre 1973-avril 1974) et il n’y a aucune raison qu’on ne puisse pas le faire à présent, malgré la présence russe en Syrie.

Iranian-backed militia fighters in Syria

Les combattants des milices soutenues par l’Iran en Syrien comme le Nujaba, composant, avec le Hezbollah l’essentiel des renforts de l’armée syrienne actuelle. 

 

Les Russes ne se manifestent vraiment que quand ils sont directement affectés par de telles actions. Il n’y a aucune raison qu’une opération concrète contre les milices chiites dirigées par l’Iran, comme Tsahal est capable d’en conduire grâce à ses missiles guidés de précision, débouche sur un affrontement direct avec les Russes, et il n’y a aucune raison que les Russes lancent une attaque quelconque contre nous.

D’ailleurs, les Russes ont besoin des Iraniens en Syrie, parce qu’ils ne veulent pas envoyer leurs propres soldats ou très peu, pour mener les opérations terrestres. Ils préfèrent plutôt bombarder depuis les cieux et laisser les milices iraniennes servir de chair à canon pour les rebelles, et c’est pourquoi la plupart des combattants des milices et du Hezbollah se trouvent actuellement dans le secteur d’Idlib dans le Nord de la Syrie, où sont concentrés les rebelles, ou à Al-Bukamal, à la frontière irakienne contre les derniers bastions de Daesh, alors que leur présence sur les hauteurs du Golan reste relativement minime.

La conclusion de tout ceci est que ces fameuses milices chiites soutenues par l’Iran, dont le Hezbollah, même opérant près des frontières, ne représentent pas une menace stratégique, mais plutôt un problème purement tactique pour Israël, qui est tout-à-fait serein pour aborder ce genre de gêne. D’ailleurs les djihadistes du Hezbollah sont actifs depuis bien longtemps, en bordure même de la frontière des hauteurs du Golan et non seulement à plus de 7 ou 20 km de distance, comme il en est, ici, question. Ils ont déjà, par deux fois, ces derniers temps, tiré des roquettes sur les hauteurs du Golan et les versants du Mont Hermon. Cela ne fait qu’apporter une preuve supplémentaire qu’on peut traiter cette menace et qu’on sait d’ailleurs parfaitement le faire. Néanmoins, il reste certaines causes de véritable inquiétude.

Les batteries de missiles défendent les cieux du Liban

Ce dont nous devrions nous inquiéter, c’est plutôt la légitimation apportée par les Russes, quant à une présence iranienne stratégique de très long terme en Syrie. Le Ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov a déclaré mercredi qu’il suffit que les Iraniens aient été « invités » (appelés au secours) par le régime syrien (aux abois) pour que leur présence soit parfaitement normale et légitime.

Cette déclaration présumée contredit totalement l’esprit de l’accord signé entre la Russie, les Etats-Unis et la Jordanie, samedi, qui déclare que « toutes les forces étrangères » doivent se retirer de Syrie. L’accord ne va pas jusqu’à donner la moindre indication du moment où cela devrait arriver, en faisant alors un accord non-contraignant – comme toute déclaration d’intention sans calendrier prévu- mais c’est important, parce que cela fait, justement, de la présence des forces iraniennes et de ces milices un phénomène illégitime sur le long terme. Puis viennent ces déclarations de Lavrov, qui, au contraire, légitiment et banalisent cette présence iranienne.

Russian Foreign Minister Sergei Lavrov. Iranian presence in Syria ‘legitimate’ (Photo: AFP)

Le très équivoque Ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov. Les forces étrangères doivent se retirer… mais la présence iranienne est ‘légitime’. (Photo: AFP)

 

Cela signifie que l’Iran pourrait disposer de sa propre présence stratégique, dont des avions et des navires de guerre, aussi longtemps que le gouvernement syrien « l’invite à le faire ». Cela devrait permettre aux Ayatollahs de créer une place forte militaire en Syrie sur la côte Est de la Méditerranée, juste à la frontière de l’Etat d’Israël. Un navire de la marine ou un bateau marchand quittant le port de Haïfa serait immédiatement menacé par des tirs de missiles iraniens lancés depuis la côte syrienne ou par des bateaux iraniens mouillant au large des ports de Tartous, Latakia ou Beyrouth.

Un autre exemple, sur ce péril, consisterait à voir des batteries modernes de missiles sol-air iraniens prendre part à la tentative de blocage des forces aériennes israéliennes pour les empêcher d’entrer dans l’espace aérien du Liban et de la Syrie. C’est, en soi, une menace bien plus importante que la présence d’hommes armés près des frontières du Golan. Une présence stratégique iranienne en Syrie serait bien plus difficile à neutraliser une fois qu’elle se serait développée.

En outre, la véritable menace stratégique est que l’Iran veuille lancer un autre front de guerre contre Israël, depuis le nord, en plus du Liban. Il veut être en mesure de combattre Israël, quand le moment viendra, à la fois grâce au Hezbollah au Liban (et en Syrie) et grâce à ses milices et ses forces aériennes et navales conjointes depuis la Syrie.

A quel moment Israël va t-il être obligé de déclarer la guerre?

On en retire, cependant, deux aspects positifs pour Israël. D’abord et avant tout, la présence avancée d’avions et de navires iraniens en Syrie permettrait à Tsahal de les prendre facilement pour cibles et de les détruire avec une facilité remarquable. Il n’y aurait alors aucun besoin de survoler la région jusqu’en Iran et de réapprovisionner les escadrilles en plein vol. Les installations iraniennes seront au moins aussi vulnérables que les différentes installations syriennes déjà mises hors service par Tsahal.

Deuxièmement, Lavrov a dit clairement que sa déclaration sur la présence légitime ne s’applique exclusivement qu’aux Iraniens. Il a explicitement faite remarquer qu’il ne faisait pas référence aux milices soutenues par l’Iran, comme le Hezbollah, mais seulement aux membres du Corps des Gardiens de la Révolution, et aux officiers et soldats de l’armée iranienne.

An Iranian S-330 anti-aircraft system. In Syria soon?

Un système de défense anti-aérienne S-330 iranien. Bientôt en Syrie aux côtés des S-200, S300 et S-400?

 

Dans ce cadre, il est important de savoir que les Iraniens (le peuple) ne sont pas particulièrement enthousiastes à l’idée d’envoyer leurs enfants mourir pour le régime syrien, et c’est bien pourquoi ils ont besoin du Hezbollah et de toutes les milices irakiennes, afghanes, pakistanaises qu’ils envoient en corps expéditionnaire en Syrie. Il est, par conséquent, plus qu’improbable que Téhéran envoie des milliers de jeunes gens en Syrie pour se faire estropier et pulvériser par l’artillerie et l’avion israélienne, même si les Russes trouvent cela très légitime (leur permettant de ne pas griller la politesse à l’Iran).

La conclusion de tout ceci est qu’une présence iranienne en Syrie, constituée de bases dotées de missiles sol-sol que l’Iran pourrait vouloir construire, reste une menace stratégique pour l’Etat d’Israël et que le monde doit en être averti. L’actuel gouvernement et le précédent ont mené avec succès une « guerre entre les guerres » à visée préventive, qui repousse d’autant la réalisation concrète de cette menace sur le terrain.

Ces mises en garde ont aussi un autre objectif : prévenir l’Iran et la Syrie que, dans l’éventualité d’une présence stratégique iranienne en Syrie, Israël serait alors mis dans l’obligation de déclarer vraiment la guerre, ce qui ferait perdre tous leurs atouts à la Russie et à l’Iran, dont ils ont pu bénéficier en gagnant la guerre civile actuellement en cours d’achèvement.

A la fois Moscou et Téhéran comprennent probablement que le gouvernement israélien et Tsahal ne font encore que les sensibiliser, quant à l’éventualité d’une attaque réelle contre les atouts stratégiques iraniens et syriens, si et quand ils deviendraient menaçants et donc voués à la destruction. Ils savent que, d’habitude, Israël met ses menaces à exécution, et c’est pourquoi les Russes et les Iraniens vont probablement reconsidérer leurs mouvements.

Ron Ben-Yishai |Publié le :  16.11.17 , 23:30
Adaptation : Marc Brzustowski

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Cohen

Pour l’iran C’est la Russie pour isrze c’est HM

Jg

Pas si optimiste , la guerre a un cout ( pour nous ) chez eux , ce n est que du materiel humain !