L’écrivain et polémiste Yann Moix toujours aussi cash : « Je suis obligé de travailler car je ne vends pas assez de livres »

De romans à succès aux Grosses Têtes, d’une Libre Antenne sur Europe 1 à un Podium 2, interview avec le plus imprévisible des écrivains français

 

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Yann Moix n’élude jamais une question. Tant mieux pour nous ©Jean Luc Flemal

Yann Moix a l’art de se faufiler là où on ne l’attend pas. Il a meublé le passage du millésime 2022 à 2023 sur… l’antenne d’Europe 1 où il anime une libre antenne depuis le mois de septembre.  » Je ne vends pas assez de livres pour vivre confortablement. Je dois bosser « , avoue celui qui a terminé le récit de sa vie dans un « Paris » (éditions Grasset) grinçant et sans concession. Il y dévoile son ambition unique et obsessionnelle : devenir écrivain.

Yann Moix a terminé le Tour de France de son existence : Orléans, Reims, Verdun et Paris. Il peut passer à autre chose. Podium 2 ou un livre sur ses voyages en Corée du… Nord avec Gérard Depardieu qui est en gestation.

Rencontre avec cet écrivain moderne qui peut dérouter tout autant que fasciner. Ses yeux perçants et sa manière de parler à l’allure d’une mitraillette peuvent glacer. Lui qui est capable de passer des  » Grosses Têtes  » à un débat sur le philosophe Levinas.

Devenir écrivain était votre obsession. Maintenant que vous l’êtes, est-ce la vie dont vous aviez rêvé ?

Totalement. Dès l’âge de huit ans, je voulais avoir la vie que j’ai aujourd’hui. J’aurais même payé pour vivre ma vie. A la virgule près. Je suis content car ce n’était pas gagné d’avance. Je peux mourir, j’ai réussi à être ce que je voulais.

Pour  » réussir  » en tant qu’écrivain, faut-il nécessairement monter à Paris comme on dit.

Cela peut paraître pour une illusion d’optique mais c’est encore le cas. Les grands éditeurs sont à Paris. Dans l’imaginaire d’un jeune écrivain, cela reste la Ville Lumière. Comme chez Balzac. Je le regrette car Paris est une ville atroce. Mais il faut connaître le milieu et pouvoir y grenouiller.

Paris le dernier opus de Yann Moix après Orléans, Reims et Verdun.

Paris le dernier opus de Yann Moix après Orléans, Reims et Verdun. ©DR

Le Paris que vous décrivez est aux antipodes des cartes postales.

Celui-là n’existe pas. Quand les touristes japonais ou coréens débarquent à Paris, ils espèrent être dans Ratatouille. Ils doivent mettre sur pied des cellules spéciales dédiées à la gestion du burnout des touristes asiatiques. Ils doivent être décontaminés de la vision d’horreur de Paris. C’est la ville la moins romantique du monde. Elle est triste et sale.

« PariS est la ville la moins romantique du monde. C’est une poubelle à ciel ouvert »

Ne noircissez-vous pas un peu le tableau ?

Pas du tout. Même les beaux quartiers que les tour opérateurs leur montrent sont moches. J’ai la chance d’avoir beaucoup voyagé. Paris fait partie des villes les plus ignobles et hostiles. Les gens ne sont pas sympas, ils sont agressifs. Même les chauffeurs de taxi vous hurlent dessus. Elle est esthétiquement belle à la tombée de la nuit mais, dans la journée, c’est l’enfer. C’est une poubelle à ciel ouvert. Ca sent l’urine partout. Je ne comprends toujours pas comment Paris a réussi à nous faire croire qu’il fallait y vivre. C’est affreusement cher, vous devez faire cinq heures de queue pour assister à une expo, Paris vous éjecte de tous ses pores. Je préférerais prendre une gifle une fois tous les six mois tel un impôt plutôt que vivre dans cette hostilité permanente.

Christine ANGOT, Yann MOIX, Laurent RUQUIER

Ses passages dans l’émission de Laurent Ruquier (ici avec Christine Angot) « On n’est pas couché » ne sont pas passés inaperçus ©© Bernard BARBEREAU – FTV

Pourtant, vous y habitez.

Oui mais j’aimerais partir définitivement. C’est là que je gagne ma vie. Je me suis embourgeoisé et je peux m’offrir le 8e arrondissement mais Paris a expulsé ses pauvres.

Quelles sont vos villes préférées ?

Séoul, Berlin, Tirana, Sao Paulo, Vienne,…

Et Bruxelles ?

J’adore. Sans forfanterie. J’ai toujours été passionné par la Belgique. Je suis un enfant de la bande dessinée. Jadis, je venais chercher les albums de Spirou en Belgique.

Pourquoi ne vous êtes-vous pas installé chez nous.

Parce que je bosse à Paris mais je comprends les gens qui prennent le Thalys. Ici, non seulement c’est moins cher, mais vous êtes courtois. Chez vous, je respire. Je suis intellectuellement moins asphyxié.

« J’adore Bruxelles. Vous êtes courtois. Chez vous, je ne me sens pas intellectuellement asphyxié »

Vous êtes très sûr de vos qualités d’écrivain. N’avez-vous pas un côté mégalo ?

Non. Quand vous êtes un bon cuisinier, vous le savez. Cela ne s’apprend pas. Il faut vivre beaucoup pour écrire beaucoup mais, tel un judoka, vous devez passer vos ceintures.

Vous prétendez que vous aviez le choix entre devenir écrivain ou finir clochard.

Je ne frime pas. Je n’avais aucun c.v. Je n’avais pas de plan B. J’ai certes fait quelques boulots alimentaires (il a notamment créé des grilles de mots croisés…) mais j’ai pris un risque.

Et si vous aviez échoué…

Je serais SDF. Je suis incapable de travailler en entreprise. Je suis un asocial. J’aurais préféré le monde de la rue.

Par rapport à vos modèles, où vous situez-vous ?

Dans la littérature contemporaine française, je suis tout en haut avec Houellebecq, Carrère,… Par rapport à mes idoles (Céline, Gide, Proust,…), je suis dans la cave. Chacun a ses propres références. Certains amateurs de tennis apprécient Federer mais j’aurais préféré être Mc Enroe.

Lisez-vous beaucoup ?

Énormément. Surtout du classique. Je dois me forcer à lire du contemporain surtout quand il s’agit d’un vivant que je n’aime pas.

Dans votre livre  » Paris « , l’alcool est omniprésent.

Pourtant, je n’ai jamais aimé boire. Ou alors pour être saoul. Certains aiment le goût de l’alcool. Moi, je n’ai pas l’alcool mondain. Je ne bois que chez moi.

A l’époque de #balancetonporc et #metoo, votre personnage de Delphin Drach peut choquer. Il prend toutes les femmes pour de la marchandise.

Aujourd’hui, un tel comportement ne serait plus possible. J’exagère mais à peine. C’est un échantillon en voie de dispation. Moi, je divinisais les femmes. Elles me fascinaient.

Revenons à Yann Moix. On vous retrouve toujours où on ne vous attend pas.

Je suis obligé de travailler car je ne peux pas vivre de mon écriture. En tout cas, je ne vends pas assez de livres pour pouvoir vivre confortablement. Ca sponsorise ma vie d’écrivain. On n’en parle pas par pudeur mais tous les écrivains ne sont pas riches. Je ne suis pas Amélie Nothomb. Ma meilleure vente s’élevait à 50.000 exemplaires mais je me situe plus entre 5 et 20.000 ventes.

epa00128020 (L-R) The crew of 'Podium',  Belgium actor Benoit Poelvoorde, director Yann Moix, actress Julie Depardieu, actor Jean-Paul Rouve and young actor Nicolas (front) pose for photographers during the premiere of the movie Monday 02 February 2004 in Paris.  EPA/STR FRANCE OUT

C’est promis: 20 ans plus tard, il y aura un 2e épisode de Podium en 2024

Vingt ans plus tard, il annonce (enfin!) un Podium 2 en 2024 :  » Jamais sans Benoît Poelvoorde « 

Impossible de passer à côté de la question sur ses projets. Ceux qui l’excitent. Ceux pour lesquels ses yeux pétillent. Notamment Podium 2 dont plus personne (ou presque…) n’espère la sortie.

Orléans, Reims, Verdun, Paris ont jalonné votre vie. Et la prochaine étape ?

La Corée du Nord ! Où j’ai effectué trois voyages avec Gérard Depardieu. Sans doute aussi la sortie de mon journal intime.

La question qui taraude tous les amateurs de cinéma. A quand un Podium 2 ?

Le scénario est écrit. Nous sommes au début du processus mais il n’y a aucune raison pour que le film ne se fasse pas. Pour les 20 ans de la sortie du numéro 1, c’est un bon timing.

Sera-ce avec Benoît Poelvoorde et Jean-Paul Rouve ?

Je ne suis capable de faire du cinéma que s’il y a Benoît Poelvoorde. J’ai récemment passé un peu de temps avec lui. C’est l’un des personnages les plus intelligents que j’ai rencontrés dans ma vie.

En radio, vous êtes désormais à la tête d’une émission de Libre Antenne sur Europe 1. Après être passé par les Grosses Têtes. Solide grand écart.

L’académicien Jean Dutour a aussi participé aux Grosses Têtes. J’y allais pour déconner avec des copains. Ruquier est quelqu’un de bienveillant. Sur Europe 1, je suis une sorte de Macha Béranger. J’écoute les gens. J’adore ça. Je suis très curieux des vies qui ne sont pas la mienne.

Un asocial comme vous doit regretter la période du Covid.

J’ai adoré. Ce fut l’une des périodes les plus heureuses de ma vie même si je ne pouvais pas aller nager. J’adore Paris… quand il n’y a personne.

Jean-Marc Gheraille www.dhnet.be

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