Le pacte entre l’Etat et la communauté juive de France qui apparait aux lendemains de la Révolution a évolué au fil des régimes politiques. Exemple d’une laïcité à la française, le franco-judaïsme est confronté à une résurgence de l’antisémitisme : est-il à un tournant ?

Avec

  • Martine Cohen sociologue. Chargée de recherche au laboratoire « Groupe sociétés, religions, laïcité » (CNRS)

  • Pierre Birnbaum professeur émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

  • Noémie Issan Benchimol Philosophe des sciences religieuses et du droit talmudique

La France a célébré jusqu’au mois dernier son grand écrivain, Marcel Proust, pour le centenaire de sa disparition. Marcel Proust, baptisé catholique, mais dont un de nos invités, Pierre Birnbaum, explique dans son dernier livre que « la dimension juive de sa propre histoire le troublait ». Car lui qui aurait pu représenter une des synthèses du franco-judaïsme du XIXe disait adieu au monde juif.

Beaucoup ont réfléchi à l’adhésion enchantée parfois au rêve francais du franco-judaisme qui serait depuis plusieurs décennies mis à mal par la montée de l’antisémitisme, l’efficacité limitée de l’Etat pour le combattre mais aussi les nouvelles recompositions de ce même Franco-judaïsme, pluraliste voire, a l’image du reste de la France, archipelisé.

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Martine Cohen, sociologue et observatrice du judaïsme français ; Pierre Birnbaum, historien et sociologue français ; Noémie Issan-Benchimol, normalienne et philosophe de formation, doctorante en sciences religieuses à l’École pratique des hautes études dont le sujet de thèse est le serment judiciaire en droit talmudique.

Un pacte entre l’Etat et les Juifs de France

« Je dirais que le franco-judaïsme implique la notion d’intégration et non pas la notion d’assimilation » explique Pierre Birnbaum. « Une intégration à la République, à l’Etat qui s’instaure par une sorte de mariage, d’épousailles, entre l’Etat et les Juifs, et qui repose sur un commun accord, sur les règles de la méritocratie, sur les règles de la rationalité, de l’universalisme et également sur la question de la laïcité. On peut aussi ajouter que le franco-judaïsme implique une sorte de réserve de la dimension publique de l’action juive. Les Juifs, comme l’ensemble de leurs concitoyens, sont, dans la logique de la Révolution française, amenés à limiter plus ou moins leur expression propre à leur domaine privé. Or il est évident que de nos jours les choses ont changé, avec la remise en question cruciale par le déclin de l’Etat ». Si le franco-judaïsme est bien une notion historique qui apparait aux lendemains de la Révolution française, il connait des évolutions, des contradictions, comme Vichy ou encore l‘Alliance israélite universelle, rappelle ainsi Matine Cohen« L’alliance a promu le modèle français d’émancipation du judaïsme comme confession et en même temps elle à fait de la politique à l’extérieur de la France, pas seulement avec ses écoles qu’elle a créées dans le bassin méditerranéen, mais aussi avec les comités d’action dans plusieurs pays d’Europe, pour inciter les Juifs de ces pays à obtenir l’égalité des droits et devenir des citoyens roumains ou hongrois per exemple. Donc paradoxalement, elle faisait une action politique hors de France, mais elle promouvait le modèle français d’émancipation confessionnel », c’est à dire la mise en retrait de l’appartenance religieuse dans la vie publique et politique.

Par ailleurs, l’isréalitisme français n’est pas étanche aux bouleversements du monde, et l’existence d’Israël vient modifier les fondements du compromis qu’est le franco-judaïsme explique Noémie Issan-Benchimol : « Il y a une certaine schizophrénie des discours. Il y a certaines personnes en France qui ont insisté sur le fait qu’elles n’étaient pas israéliennes, qu’elles étaient françaises. Aussi, elles n’avaient pas à rendre de comptes sur ce que fait Israël et sa politique, expliquant que cette injonction à répondre d’Israël procédait de mécanismes d’assignation raciste. Là où d’autres vont insister sur la centralité d’Israël comme leur refuge, comme référence fondatrice. Ce qui rend la chose un peu compliquée ».

Source : radiofrance.fr

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2 Commentaires
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Elias

Noémie
Il n’y a pas de schizophrène , il y a simplement une transition d’un état français juif vers un israel juif avant une future alya qui aboutira vers un retour à l’état vrai celui d’être israélien sur leur terre ancestrale de 3500ans
Si en 1793 les juifs sont devenus français comme les protestants, autant les juifs ont toujours eu cette impression de n’être pas acceptés à la différence des protestants qui retrouvaient une nationalité perdue par la Révocation de l’Edit de Nantes
En fait la religion a fait la différence quoique vous en pensiez
Avec le Consistoire mis en place par Napoléon on aurait espérer une intégration définitive en marche pour une majorité vers l’assimilation
Hélas ! Après l’anti judaïsme clérical qui a empoisonné les esprits durant 17 siècles , un anti judaïsme capitaliste s’est substitué devant la réussite politique, économique, scientifique et culturelle des français juifs soupçonnés alors de tenir des positions importantes dans la Société française
La rupture s’est faite avec l’Affaire du capitaine Dreyfus innocent de cette trahison due à Estherazy mais bouc émissaire de choix par sa religion juive
Les français juifs ne se sont jamais remis de cette trahison de la France devenue affaire et scandale d’Etat par l’innocence de Dreyfus mais coupable d’être juif
Les vieux démons étaient de retour et la bête immonde allait définitivement évoluer vers le doute : être d’abord français ou juif
La Shoah avec ces6 millions de morts et les 75000 morts français et européens juifs dont 11000 enfants en France allié de l’Allemagne allait sonner le glas de ce doute pour une grande partie avec regret mais avec réalisme
La France comme l’ Europe complice de l’Allemagne nazie n’avait pas changée car le poison était transmis de génération à génération
Puis le réalisme s’est établi clairement avec l’invasion programmée arabe transportant le conflit du proche orient et libérant la parole des antijuifs silencieux jusque là
Pour une majorité de français juifs bien qu’aimant la France , ils ne croient plus aux gouvernements successifs de par leur politique pro arabe car les français juifs ont compris qu’ils ne seront jamais des citoyens à part entière sauf s’ils se convertissent au christianisme qui bien que décadent par ses scandales financiers et pedophiles restent un refuge menant à toutes les ambitions de. carrière et de tranquillité de vie.
Aujourd’hui plus de doute en France comme en Europe les pseudo citoyens juifs ont compris que leur avenir était ailleurs et leur judaïsme même pour les laïcs a pris le dessus sur leur nationalité tout en aimant leur pays mais conscient que leur présence était en Israel et qu’ils se sentaient méprisés par un anti judaïsme d’Etat qui reste silencieux devant la violence et les assassinats dont ils sont devenus des cibles privilégiés y compris par la propagande des médias et des réseaux sociaux.
Seule une minorité restera et s’assimilera pour disparaître par les liens de mixité de leurs descendants
En fait Hitler aura gagné : une Europe sans juifs mais revenus dans un Israel puissant
Terres de leurs ancêtres

Zvi LEVY

Sur « la fin inéluctable du franco-judaïsme », voyez Paul Thibaud « La question juive et la crise française » dans « Le Débat », 2004 ou dans Herman Zvi LEVY, « L’étrange ,destin de la question juive », Paris, éd. Vérone, 2021