Une vidéo exposant les capacités technologiques de l’Etat Islamique impressionne les experts militaires.

 
 

 — Cette vidéo s’ouvre par une séquence en haute définition prise depuis un drone volant au-dessus d’une raffinerie de pétrole du Centre de l’Irak, mais pas d’un drone américain de plusieurs millions de dollars qui aurait été détourné. Elle provient d’un drone de l’Etat Islamique, qui ne coûte, probabelment que quelques milliers de dollars. Et cette raffinerie était tenue par les forces gouvernementales irakiennes, encerlée par les djihadistes, depuis presque le début de l’année. 

Cette vidéo, qui s’intitule  » Attaque défiant les Apostats de la raffinerie » a commencé à apparaître sur les sites internet djihadistes et les comptes Twitter la semaine dernière. Elle met en lumière l’assaut mené par l’Etat Islamique contre la raffinerie al Baiji, où les soldats du gouvernement irakien ont résisté depuis l’été dernier à l’encerclement par les troupes de l’Etat Islamique. A la fin, le gouvernement a tenu bon, à l’intérieur de la plus grande raffinerie du pays, grâce à l’aiude de 47 frappes aérienne des forces de la coalition américaine et un afflux massif de renforts irakiens. 

Mais, au-delà des résultats de la bataille pour la prise de cette raffinerie, les analystes militaires qui ont visionné cette vidéo l’ont trouvée alarmante, parce qu’elle montre que l’Etat Islamique dispose en réserve d’un haut niveau surprenant de compétences militaires, malgré des mois de frappes aériennes quotidiennes, de la part des avions américains et de leurs alliés de la coalition. 

« Le message global de ce document et de plusieurs autres vidéos, identiques à celles-ci, est cet avis se fonde sur les faits sur le terrain, c’est que Daesh demeure mieux entraîné, plus motivé, mieux commandé et soutenu par son infrastructure logistique, que l’armée irakienne est littéralement incapable de fournir à ses propres troupes », a déclaré un ancien soldat des forces spéciales britanniques, consultant auprès du gouvernement kurde d’Irak sur les questions militaires. Il ne s’est exprimé que sous le sceau de l’anonymat, du fait du caractère sensible de sa mission en Irak. 

Cette vidéo d’une longueur d’environ 15 minutes se poursuit par les efforts propagandistes, devenus familiers de l’Etat Islamique, avec une énorme production de chants et de valeurs coraniques, sur fond de scènes martiales, dont le tir de roquettes et d’artillerie, l’image d’un jeune garçon armé d’un Howitzer, et un terroriste-suicide se préparant pour une opération à l’intérieur d’un Humvee lourdement blindé, qui a été détourné.  

Mais, dans les intervalles de ces éléments standard, la vidéo de l’Etat Islamique révèle des détails sur les capacités militaires du groupe que les experts trouvent inquiétants. 

Dans plusieurs scènes filmées au milieu des tirs, par exemple, les combattants de l’Etat Islamique se déplaçant à l’intérieur du complexe de la raffinerie de Baiji paraissent faire usage des tactiques conformes au manuel de l’infanterie. Ils portent, non seulement assez de munitions pour une opération militaire, mais aussi des sacs à dos chargés d’approvisionnement supplémentaire, dont de l’eau – signe que l’Etat Islamique dispose d’un réseau logistique bien huilé pour soutenir ses combattants sur la ligne de front. 

Un ancien officier des Bérêts Verts américains a affirmé, en observant cette vidéo, qu’elle l’impressionnait. Les djihadistes se déplacent de façon concertée et maintiennent des espaces appropriés entre eux, une tactique importante pour réduire le risque de pertes à cause des frappes aériennes, qui causent des taux de mortalité élevés sur des troupes rapprochées et groupées. 

Ces combattants de Daesh font aussi preuve d’une discipline remarquable dans l’usage des tirs, selon l’ancien Bérêt Vert, qui dispose d’une expérience prolongée au Moyen-Orient. On peut voir la plupart des combattants opérer leurs tirs par des salves concentrées et dirigées, dit-il. Il n’y a que lorsqu’une unité apporte une couverture de tirs à une autre unité en mouvement que les djihadistes s’engagent dans les salves de plus longue portée. Il considère que c’est impressionnant, au regard de la plupart des normes en vigueur dans l’infanterie et l’indicateur que les forces de l’Etat Islamique ont fait un bond qualitatif qui va bien au-delà des tactiques habituelles de guérilla, pour correspondre à une posture bien plus conventionnelle des modalités de combat d’une armée classique. 

« Ils font preuve de confiance et de calme dans la mise en oeuvre de leurs tactiques : des mouvements corrects, des temps d’intervalle, une discipline de tir », selon l’ancien Bérêt Vert. « Leur message : Nous savobns ce que nous faisons et nous le faisons bien ». Ce Bérêt Vert exerce aussi des fonctions qui requièrent l’anonymat. 

Surtout, ces experts militaires disent que cette vidéo fournit un élément de comparaison déconcertant avec les forces gouvernementales. Ils notent, par exemple, que les scènes où l’on voit des sacs chargés de munition et de nourriture contrastent avec les plaintes constantes des troupes irakiennes, disant que le gouvernement, régulièrement, ne parvient pas à fournir suffisamment de munitions aux troupes combattantes et les abandonne souvent sur le terrain, à devoir faire face par eux-mêmes aux besoins de nourriture et d’eau, un problème logisitique qui débouche directement sur le pillage de maisons et boutiques civiles, retournant ainsi la population locale contre eux. 

« Même les Irakiens les mieux entraînés peuvent vider un chargeur ou deux, avant de pouvoir aligner une cible spécifique, dans la minute où ils entrent en contact avec l’ennemi », signale l’ancien des forces spéciales anglaises, en faisant référence à la discipline de tir. « En plus de semer la confusion, sans réellement frapper qui que ce soit, tout ce qu’ils font est de la perte de précieuses munitions, et ils ne peuvent pas compter sur leurs dirigeants pour les réapprovisionner, avec la même efficacité et à la même vitesse qu’on voit Daesh soutenir ses hommes sur le terrain ». 

Il souligne que cette différence patente dans les capacités des deux forces « armées » rend d’autant plus important ce soutien aérien des Etats-Unis.

« Sans la coalition, la différence d’entraînement et de discipline entre l’Etat Islamique et les Irakiens est tellement extrême que cela ne pourrait tourner qu’en un cauchemar encore bien pire », dit-il. « Sans ces atouts aériens qui sont là, il est possible que nous aurions assisté au contrôle par l’Etat Islmique de tout le nord et l’ouest de Bagdad et la capitale elle-même prise en étau par un siège ».

Cette vidéo révèle aussi que l’Etat Islamique semble s’être adapté aux frappes aériennes américaines. La plupart des images d’artillerie, de lance-roquettes et même de fusils mitrailleurs anti-aériens montés à l’arrière de camions, démontrent un niveau de camouflage conçu pour dissimuler les positions de ces armements, lorsqu’on les scrute depuis le ciel.

Un commandant militaire du Hezbollah au Liban qui a visionné cet enregistrement à la requête de McClatchy a affirmé qu’il avait trouvé particulièrement ingénieuse une des tactiques mises en œuvre : un camion civil à benne, qui avait été modifié pour tirer des roquettes russes Katyusha de 122 mm et qui peut être presque immédiatement recouvert par une bâche de transport de façon à se mélanger à la circulation des autres véhicules civils.

« C’est le Hezbollah qui a inventé ça », revendique ce chef Hezbollah, qui a combattu l’Etat Islamique en Syrie, mais qui a refusé de confirmer s’il avait travaillé en tant que conseiller des milices chiites sous couvert du gouvernement irakien. « Nous avons passé 30 ans à apprendre comment cacher nos armes du regard des forces aériennes israéliennes, et maintenant ce sont nos ennemis qui savent comment dissimuler leurs armements du repérage par les Américains ».

Ce commandant, cela dit, s’est montré moins expansif, à propos des scènes multiples qui montrent des combattants de l’Etat Islamique en train de jubiler au-dessus des corps sans vie de soldats de l’armée irakienne et de miliciens chiites.

« Ce sont des fanatiques et ils veulent mourir. Ils ne sont pas aussi professionnels que le Hezbollah en matière de combat. Mais les Irakiens ne le sont pas plus et ils sont trop corrompus et violents pour correspondre à des combattants professionnels ».

 

Correspondants pséciaux à l’étranger de McClatchy  20 avril 2015

Prothero Email: mprothero@mcclatchydc.com; Twitter: @mitchprothero

Source : mcclatchydc.com
Adaptation : Marc Brzustowski
 

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