Par Stephen Farrell, Maayan Lubell et Rami Ayyub

JÉRUSALEM (Reuters) – La construction est en cours sur un nouveau boulevard périphérique majeur pour Jérusalem qui, selon les responsables israéliens, bénéficiera à tous ses habitants. Mais les critiques du projet disent que c’est un nouvel obstacle aux espoirs palestiniens de faire de Jérusalem-Est la capitale d’un futur État [Le Plan Trump et Israël pencheraient pour Abu Dis].

Le contournement, appelé La Route Américaine (The American Roa, reliera les implantations juives de Judée-Samarie libérée, au nord et au sud de Jérusalem. Les sections centrale et sud de la route sont déjà en cours de construction, et des appels d’offres pour le tronçon le plus au nord – au coût prévu de 187 millions de dollars – seront lancés vers la fin de l’année, a déclaré à Reuters un responsable de la municipalité de Jérusalem sous couvert d’anonymat.

Au total, le projet, qui se déroulera le long ou à proximité du pourtour extérieur de l’Est de Jérusalem, devrait coûter plus d’un quart de milliard de dollars. Israël a annexé Jérusalem-Est, dans un mouvement qui n’a pas obtenu la reconnaissance internationale, après avoir reconquis la région, avec la Cisjordanie,la bande de Gaza et le Golan, dans une guerre de 1967 contre l’Egypte, la Jordanie, la Syrie.

La construction intervient alors que le gouvernement israélien s’apprête à entamer des discussions au niveau du cabinet, à partir du 1er juillet, sur la mise en œuvre de la promesse électorale du Premier ministre Benjamin Netanyahu d’annexer les implantations juives en Cisjordanie – une étape prévue qui suscite des critiques internationales croissantes, en Europe et certains pays arabes. Les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens ont échoué en 2014. Les mesures unilatérales sont une suite logique au retrait de tout partenaire de discussion, braqué dans une posture rejectionniste de puis novembre 1947.

Les responsables israéliens disent que la route, qui comprendra un tunnel de 1,6 kilomètre (un mile) à l’est du mont des Oliviers, réduira la congestion du trafic pour les Israéliens et les Palestiniens vivant dans la région.

« Cela n’unit pas les implantations. Il ne s’agit pas d’unir les frontières ou les lignes municipales », a déclaré Arieh King, maire adjoint de Jérusalem et figure de proue du mouvement des résidents des implantations de la ville. « Mais cela les relie davantage au niveau quotidien – que ce soit pour les études, le tourisme ou le commerce. Et puis dans la pratique, vous créez une immense métropole de Jérusalem. »

Les Palestiniens disent que la nouvelle route bénéficiera principalement aux résidents des implantations et compromettra davantage la faisabilité de Jérusalem-Est en tant que capitale de l’Etat qu’ils recherchent en Cisjordanie (OLP) et à Gaza (Hamas).

« Ce projet coupe les quartiers palestiniens de la ville les uns des autres », a déclaré Fadi Al-Hidmi, ministre palestinien des Affaires de Jérusalem, par e-mail. Répondant aux questions de Reuters, Al-Hidmi a déclaré que la route américaine faisait partie du projet de route périphérique « illégale » d’Israël, qui « entoure Jérusalem-Est occupée pour relier davantage les implantations israéliennes et séparer la potentielle « capitale palestinienne occupée » (sic) du reste de la Cisjordanie ».

Les implantations israéliennes de Cisjordanie ont été construites par des gouvernements successifs sur des terres reconquises pendant la guerre de 1967. Plus de 400 000 Israéliens y vivent maintenant, et 200 000 autres dans l’Est de Jérusalem. Les Palestiniens disent que les implantations rendent un futur État non viable, et une partie du monde les considère comme illégales en vertu d’une conception biaisée du droit international. Israël conteste cela, citant ses besoins de sécurité et ses liens bibliques et historiques avec la terre sur laquelle elles sont construites.

King a déclaré que l’autoroute serait un « couloir important » entre le bloc de implantations de Gush Etzion dans le sud de la Cisjordanie et les implantations telles que Har Homa au sud du centre-ville, vers les implantations au nord et à l’est de Jérusalem, y compris Maale Adumim, qui abrite plus de 40 000 personnes.

Les résidents arabes des quartiers de Jérusalem-Est tels que Umm Tuba et Sur Baher bénéficieraient également de cet avantage autoroutier, a-t-il dit, car cela réduirait leurs temps de trajet.

Le ministère israélien des transports a posé des questions à la municipalité de Jérusalem.

Daniel Seidemann, un avocat israélien qui représentait certaines familles palestiniennes touchées par la construction, a déclaré à Reuters que le contournement s’inscrivait dans une stratégie à long terme d’Israël visant à utiliser des projets d’infrastructure pour garantir une « annexion de facto » du territoire.

« Ce que nous voyons ici, c’est, encore une fois, l’intégration transparente du nord de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est sous contrôle israélien exclusif et du sud de la Cisjordanie aux fins de servir les implantations », a déclaré Seidemann, spécialiste de la géopolitique de Jérusalem. « C’est la motivation à l’origine, et le fait que cela bénéficiera un peu à un Palestinien de Jérusalem-Est est une retombée collatérale, mais pas plus que cela. »

Les documents de planification examinés par Reuters et les visites dans la région pour tracer l’itinéraire montrent que la route fera plus de huit kilomètres (cinq miles). Des dizaines de Palestiniens vivant le long de la route de l’American Road ont souligné des facteurs tels que la portée de la construction et la proximité des extrémités nord et sud de l’autoroute avec les principales implantations comme preuve que le contournement a été conçu principalement pour les résidents de Judée-Samarie.

L’ampleur du projet de la route américaine (The American Road), du nom d’une route étroite vieille de plusieurs décennies qui serpente à travers le sud-est de Jérusalem, est évidente à environ quatre kilomètres du centre-ville, où un énorme pont s’élève dans une vallée isolée. L’édifice gris, invisible de l’extérieur de la vallée, domine le paysage rural. Sur le site, des bétonnières grondent à travers les quartiers palestiniens étroits de Sur Baher et Jabal al-Mukabar vers la structure de 230 mètres de long.

Des panneaux publicitaires annoncent une date d’achèvement en août 2021 pour une section de la route américaine la plus proche de Har Homa, l’implantation construite par Netanyahu dans les années 1990 et intégrée à Jérusalem, qui surplombe la ville palestinienne de Bethléem.

« Nous vivions dans un paradis, et maintenant nous vivrons sous une autoroute », a déclaré Khader Attoun, dont la maison donne directement sur le pont. « Israël veut nous expulser de nos terres et nous confiner dans nos minuscules maisons, pour permettre aux résidents de Judée-Samarie de conduire sur les autoroutes à travers la vallée de nos ancêtres« . (rapporté par Reuters)

NDLR : la mention de : Israeli-Occupied West Bank est de Reuters, JForum déclinant toute responsabilité dans la création de cette carte aux légendes tronquées pour motifs politiques, plutôt que de rendre compte de la situation de facto sur le terrain depuis 67 et au-delà. Il n’y a pas « d’occupation », dans la mesure où ces territoires sont repris sur d’autres « occupants arabes jordaniens » et conçus comme « disputés » dans le cadre des accords d’Oslo, restés en suspens faute de négociateurs palestiniens. 

Graphique – La route américaine: https://graphics.reuters.com/ISRAEL-PALESTINIANS/ROAD/xlbvggmlavq/ISRAEL-PALESTINIANS-ROAD.jpg

(Reportage de Stephen Farrell, Maayan Lubell et Rami Ayyub; reportage supplémentaire de Dan Williams et Nuha Sharaf à Jérusalem; édité par Peter Hirschberg, Janet McBride)