La tentative de coup d’Etat en Turquie s’est heurtée à la mobilisation de la population et au refus unanime de la classe politique. Dans le monde arabe en revanche, nombreux sont ceux qui perpétuent le culte de l’armée, regrette ce site arabe. Notamment en Egypte.
Combien de pays arabe peuvent en témoigner : durant les années cinquante et soixante, il y suffisait qu’un groupe de jeunes officiers subalternes occupe la radio-télévision d’Etat et fasse rouler quelques chars sur la capitale pour réussir un coup d’Etat.
Il en va tout autrement en Turquie en cette année 2016. Des centaines, sinon des milliers de militaires ont occupé la radio-télévision, le siège de l’Etat-major et les principales places des grandes villes telles qu’Ankara et Istanbul. Et pourtant, ils ont échoué.
Dans leur premier communiqué, ils ont déclaré qu’ils voulaient défendre la démocratie, les droits de l’homme et la laïcité. Mais ces belles paroles étaient inaudibles pour les Turcs. Car ils savent ce que signifie un régime militaire, pour en avoir fait l’expérience dans le passé.Et en effet, tout en affichant leurs nobles intentions, les putschistes n’avaient rien de plus urgent à faire que de déclarer l’état d’urgence et le couvre-feu. Les Turcs savaient que la dissolution du Parlement allait suivre, puis l’arrestation de militants politiques, la fermeture de journaux etc.
Aussi, les partis d’opposition, et en premier lieu le Parti Républicain du Peuple (CHP), laïc de gauche et qui est le principal parti d’opposition à Erdogan, ont eux aussi exprimé leur refus du coup d’Etat. Ils préfèrent attendre les prochaines élections plutôt que de voir les militaires destituer un pouvoir élu. Cela est à mettre au crédit du développement d’une culture démocratique au sein de l’élite politique turque.
Certains en Egypte se sont réjouis trop vite
Nous dans le monde arabe en revanche, nous avons encore du chemin à faire. Il suffit de se rappeler le coup d’Etat en Egypte en 2013. Non pas par des petits officiers [comme cela avait été le cas dans les années cinquante, avec le coup d’Etat de Gamal Abdel Nasser]. Mais par les plus hauts gradés de l’armée eux-mêmes. Voilà la seule évolution dont le monde arabe peut se prévaloir : les services du renseignement se sont perfectionnés pour éviter que des petits puissent se dresser contre les grands.
Quant aux médias arabes, certains de ceux qui avaient déjà soutenu le coup d’Etat d’Abdelfattah Al-Sissi en Egypte n’ont pas manqué de célébrer le coup d’Etat en cours en Turquie et de déclarer précipitamment son succès. De nombreuses chaînes de télévision égyptiennes pro-Sissi se sont bruyamment félicitées de ce qu’elles ont appelé “une révolution menée par l’armée au nom du peuple”. De même, la grande chaîne d’information saoudienne Al-Arabiya est accusée aujourd’hui d’avoir eu dans un premier temps une couverture très favorable aux putschistes. Sa concurrente Al-Jazira en revanche a laissé percer son parti pris pro-Erdogan.
Au cours de cette longue nuit du 15 au 16 juillet, le monde arabe a considéré que l’enjeu n’était pas la démocratie, mais bien de savoir si l’on était pro- ou anti-Erdogan. Même s’il est vrai qu’un nombre croissant d’Arabes, tout en étant opposé à la ligne d’Erdogan, misent sur la démocratie plutôt que sur l’armée. Ceux-là souhaitent aujourd’hui qu’Erdogan n’exploite pas l’échec du putsch pour concentrer encore plus de pouvoir entre ses mains.
La confusion régnait toujours en Turquie le 16 juillet, au lendemain de ce qui apparaît comme une tentative ratée d’un coup d’Etat par une partie de l’armée. Selon le ministre de la Justice Bekir Bozdağ, près de 3000 militaires ont été arrêtés en lien avec le putsch, informe l’édition en anglais du quotidien Hürriyet. Après une nuit d’incertitudes et de chaos, le président turc Recep Erdogan s’est exprimé depuis Istanbul – la situation à Ankara étant visiblement encore volatile – pour menacer les auteurs de ce putsch de “payer le prix fort” pour leur “trahison”.