Et s’il survient un deuxième Bataclan?

L’hypothèse qu’on s’interdit d’aborder vraiment

(Photo : SIPA.AP21824249_000001)

Pour une fois, n’accusons pas les hommes politiques. Il n’est pas dans leur rôle d’annoncer un malheur à venir, ils ne doivent être ni des Cassandre ni des prophètes bibliques. Qu’ils commandent discrètement à l’armée, à la police, aux hôpitaux de se tenir prêts, qu’ils leur fassent faire des exercices pour qu’ils réagissent le mieux possible à un éventuel malheur, c’est très bien. J’ai peu d’admiration pour l’actuel gouvernement, mais je crois, sur la foi des médias, qu’il met en place les réactions techniques appropriées.

Le calcul des probabilités est en défaveur de la France. Patrick Kanner, ministre de la Ville a déclaré le 27 mars 2016 : « Il y a en France une centaine de quartiers qui présentent des similitudes potentielles avec Molenbeek ». Admettons que, parmi ces similitudes il y ait des tendances à la radicalisation, au djihadisme et au terrorisme. Le ministre l’a peut-être pensé, il ne l’a pas dit, il est donc resté dans son rôle. La petite ville de Lunel dans l’Hérault a vu 26 de ses jeunes citoyens partir en Syrie, l’hypothèse n’est donc pas absurde. Un Molenbeek étant responsable de plus de 160 morts en France et en Belgique au cours des six derniers mois, combien de victimes pourraient faire 100 Molenbeek dans l’année qui nous sépare de l’élection présidentielle de 2017 ? Je laisse ce sinistre calcul de probabilités aux mathématiciens.

Le pire n’est pas toujours sûr, mais il faut l’envisager. Et envisager surtout ses conséquences, essayer de les penser avant que le feu de la catastrophe ne ravage  toute sérénité, tout usage d’une froide raison. On ne peut se rassurer en pensant que la série des attentats de 2015-début 2016 est terminée, comme se terminèrent les attentats de Paris en 1995, ceux de Londres et Madrid en 2004 et 2005. Les circonstances sont très différentes.« Le salafisme est en train de gagner la bataille idéologique et culturelle » de l’islam en France comme l’a affirmé Manuel Valls (qui en l’occurrence sortait de sa fonction d’homme d’Etat pour jouer au lanceur d’alerte, rôle à la mode). De toute façon, l’Histoire ne se reproduit jamais à l’identique.

Penser l’impensable, imaginer ce qui pourrait arriver après un second Bataclan, c’est le rôle des intellectuels, des journalistes et finalement de tous les Français qui s’intéressent à l’avenir de leur pays. Il y faut des yeux froids, une lucidité impitoyable, et surtout un courage d’adulte. Malheureusement, l’air du temps est à l’infantilisme, comme nous le prouve les bébés de la place de la République, le care de notre maman Martine Aubry et le manque absolu de méfiance qui crétinise les Français depuis cinquante ans. Le fameux et indéracinable « si nous sommes gentils avec les autres, ils seront gentils avec nous » relève davantage de la cour de récréation que d’une pensée adulte, responsable et vaccinée.

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Quelles conséquences sur la présidentielle à venir ?

Ouvrons donc ce grand concours de science-fiction. Un très grave attentat d’ici mai 2017 ouvrirait-il automatiquement la route de l’Elysée à Marine le Pen ? P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non, discutons-en. L’actuel pouvoir socialiste serait-il immédiatement discrédité pour n’avoir pas paré le coup ? Une union nationale autour de François Hollande serait-elle à nouveau possible ? Pogroms contre les musulmans par les Français « de souche » ou conversions massives à l’islam pour éviter d’avoir des ennuis ? Scénario résistance ou scénario soumission ? Coup d’Etat militaire par un général de gendarmerie ou d’armée charismatique (il en existe, je ne veux pas citer de noms) ? Sarkozy réfugié à Londres et lançant un appel le 18 juin 2016 ? Il nous faut des hypothèses, de la plus raisonnable à la plus farfelue, tout plutôt que de rester dans ce farouche aveuglement sur un des possibles de notre avenir.

Les émissions de télévision consacrées aux candidats à la présidentielle  ne mettent jamais à leurs prévisions une condition essentielle. Macron sera peut-être sur les rangsFillon continuera peut-être sa progression dans la primaire de la droite, si tout se passe bien sur le plan de la sécurité intérieure. Seul Jean Cayrol à C dans l’air d’Yves Calvi a osé pondérer une de ses hypothèses par un « si nos jeunes amis restent sages ». Mais c’était marmonné à la fin d’une phrase et il ne précisait pas de quels jeunes amis il s’agissait.

Evoquer le malheur ne le fait pas arriver, et n’en écarte pas non plus la possibilité. Mais en parler, en débattre largement dès aujourd’hui, en incluant au premier chef les intellectuels musulmans qui sont nombreux à avoir l’amour de la France aux tripes, ce serait une œuvre de salut public. Quel institut de sondages aura le courage de demander aux Français comment ils réagiraient à un deuxième Bataclan, y compris sur le plan électoral ? Si on envisageait le malheur éventuel en adultes, cela nous éviterait de nous retrouver dans un pays d’enfants en sanglots le jour du destin.

Dans les Antimémoires, André Malraux demande à un prêtre rencontré pendant la Résistance ce que lui a appris la pratique de confesser les fidèles. « Il n’y a pas d’adultes », répond l’homme. Grandissons vite.

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