Réflexions (désabusées) sur la France qui vient…

Par M-R Hayoun le 21.01.2020

 

Ce n’est pas la sempiternelle réforme des retraites, maintes fois annoncée et maintes différée, qui a plongé ce pays dans le désarroi et le chaos.

Ce n’est pas cette soi-disant retraite à points qui explique vraiment la situation qui prévaut aujourd’hui, au terme de plus de 40 jours de grève.

Réalité inédite, inimaginable, battant tous les records connus. Et encore, ne faut il pas se réjouir prématurément car, comme le phénomène des gilets jaunes qui renaît, le spectre de la grève peut resurgir à tout instant. Certains événements que j’évoquerai en fin d’article le prouvent…

La réforme des retraites n’a été qu’un adjuvant, certes puissant, mais qui n’explique pas tout. Ce que nous vivons depuis plus d’un mois –et il n’est pas sûr que nous soyons au bout de nos peines- n’est que le couronnement, l’apex d’un très profond mécontentement social.

Et l’élection d’Emmanuel Macron, n’a fait qu’empirer les choses. Sans contester le moins du monde la légitimité de l’actuel président de la République, il faut bien reconnaître que sa désignation par les votes des Français, est le résultat d’une arithmétique électorale discutable.

Je parle des circonstances qui ont favorisé cette élection, je parle de la régularité de l’élection qui est indiscutable : c’est bien lui qui est sorti gagnant des urnes et nul autre.

Mais quand on examine les choses de plus près, on réalise que certaines initiatives, hautement discutables, ont faussé les résultats de cette élection présidentielle.

Une mise en examen, avec une surprenante célérité, a mis fin au suspens avant même l’expression des suffrages : l’affaire était pliée, les acteurs du second tour nettement identifiés et le nom du président connu par de tous, et par avance…

Des hauts magistrats, désormais à la retraite, donc libres de leurs paroles et opinions, ont déclaré urbi et orbi que la tradition française était de suspendre toute enquête visant l’un des candidats, afin de ne pas s’attirer le reproche d’ingérence de la justice dans les affaires politiques du pays.

A charge pour la magistrature de relancer leurs poursuites après les élections ; et si l’intéressé est élu, d’attendre la fin de l’exercice de son mandat.

Chacun connaît la situation d’un ancien président aujourd’hui disparu… Les choses, dans le cas qui nous intéresse, se sont déroulées autrement.

Au lieu de tenir compte de la fragilité de l’adhésion populaire à son projet, au lieu de s’abstenir de ces petites phrases qui l’ont tant desservi, le nouveau président s’est mis à nous parler de pratique jupitérienne, de verticalité, de mise de côté des corps intermédiaires, etc…

La suite est connue. Le courant ne passe pas entre l’élu et le peuple. L’homme est certes intelligent, mais pas très avisé et ignorant avec opiniâtreté la nature exacte des habitants de ce pays.

Au lieu de se montrer proche des gens, de laisser au vestiaire cette armure de l’énarchie qui pratique l’endogamie politique et l’absolu entre soi, le président s’est englué dans ce tour de France qui évoquait maladroitement un certain one man show.

Regardez la constitution de ce gouvernement et cherchez y une seule personnalité politique de poids… A parts Jean-Yves Le Driant vous ne trouverez personne… Et cela se ressent. D’aucun affirment que le pouvoir l’a ainsi voulu afin qu’un seul prenne toujours toute la lumière.

L’état d’exaspération du pays a atteint son paroxysme lorsque le pouvoir s’en est pris aux carburants et aux vieilles chaudières, ignorant absolument tout de cette France périurbaine qui souffre d’être éloignée de tout et qui se sent menacée par un grave déclassement. Au lieu de tirer les leçons adéquates de la situation et de changer de comportement, le pouvoir a opté pour le passage en force.

Avec les résultats que l’on sait. Mais il serait erroné de penser que c’est seulement la réforme des retraites (si mal engagée, si mal expliquée et que plus personne comprend vraiment tant le gouvernement s’est éloigné de son objectif premier) qui est responsable du divorce actuel entre le gouvernement et les Français…

La vie, notamment dans les métropoles françaises, est devenue très dure et très difficile et l’imposition de tant de taxes n’arrange pas les choses.

Que vous alliez chez le médecin, chez le coiffeur, chez le vendeur de fruits et légumes, chez le boulanger ou le chauffeur de taxi, aucun ne vous dira que les choses s’arrangent et qu’il va bien.

Mais redisons le une nouvelle fois : Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité dans cette vague de violence qui secoue le pays, mais il n’est pas le seul car il a hérité d’une situation grave léguée par ses prédécesseurs…

La conviction profondément ancrée d’avoir seul raison, d’être dans le vrai, autant d’attitudes qui nous ont conduit à la situation actuelle qui est dangereuse.

La violence physique est telle dans les manifestations que l’on a parlé de violences et de brutalités policières.

Le gouvernement les dénonce désormais mais il y a quelques semaines, il niait toute action contraire à la déontologie. Mais ici aussi, ni les manifestants ni les policiers ne sont en cause ; c’et un climat qui se détériore.

Les derniers événements le prouvent, j’en énonce quelques uns : le ministre de la culture supprime la présentation de ses vœux à la presse, craignant que les grévistes ne s’y invitent ; sa collègues des droits des femmes a vu sa réunion perturbée par des grévistes ; les locaux de la CFDT sont victimes d’une intrusion commise par un collectif de jusqu’ auboutistes, exigeant le retrait du projet de loi de la réforme des retraites ; et, dernier mais non moindre, le président de la République en personne, est visé par une intrusion dans un théâtre de la capitale où il assistait à une représentation.

Et je n’oublie pas l’incendie criminel d’un restaurant jadis fréquenté par l’actuel président… C’est grave et c’est entièrement condamnable.

On a changé d’épouse. : certes, la France en a connu d’autres mais pas avec une telle intensité ni sur une telle durée. Si la logique suit son cours, plus aucune manifestation officielle, plus aucun déplacement ministériel, pire présidentiel, ne pourra se faire sans protection renforcée. Alors, où est la vie démocratique ?

Un syndicat, qui n’st pas majoritaire en France, proclame urbi et orbi sa volonté de paralyser le pays aussi longtemps qu’il le faudra, c’est-à-dire tant qu’il n’aura pas obtenu satisfaction.

Or, il existe dans ce pays un parlement régulièrement élu avec une majorité plus que confortable. Cela ne gêne pas le patron de ce syndicat qui joue sa pleine partition dans la rue. On ne compte plus les annonces d’actions à venir : chaque semaine une future manifestation est annoncée. Où Allons nous ?

N’instruisons pas à charge exclusivement : la majorité présidentielle actuelle ne représente plus grand ‘ chose, en ce qui concerne la sensibilité du pays, mais c’est la majorité. C’est elle qui décide, ce n’est pas la rue. Et pourtant, une frange de plus en plus importante de la population la conteste.

Le pouvoir actuel n’a plus le contact nécessaire avec les forces vives du pays… Nommez moi un seul corps de métier, une seule catégorie socio-professionnelle qui soit sage, dans son coin, satisfaite de son sort. Les piliers de la République sont affectés : la justice, la police, la santé, l’éducation.

On peut toujours miser sur le pourrissement mais c’est se préparer des lendemains dangereux. Dans son histoire politique, ce peuple compte déjà plusieurs révolutions. Le président devrait s’en souvenir.

S’il veut aller jusqu’au bout, il doit opter pour l’une de ces trois mesure : a) remettre en jeu son mandat, b) changer de Premier ministre, c) dissoudre l’Assemblée nationale…

Comme nombre de commentateurs, je pensais que la situation allait se stabiliser, plus d’un mois plus tard, il n’en est rien. Je ne vois pas comment un président pourrait diriger le pays si, chaque mois, il y a des manifestations de mécontents…

L’échiquier politique s’en est rendu compte et l’on assiste à une modification de l’enjeu : si l’actuel président devait briguer sa propre succession, il n’est pas évident que l’on rejouera la match de la précédente élection présidentielle : d’autres personnalités peuvent perturber ce jeu aux résultats connus d’avance…

Mais certains commentateurs politiques vont bien plus loin ; ils ne tiennent pas pour absolument acquis qu’il y aura une nouvelle candidature. Entretemps la France a toujours mal et souffre.

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Joseph (Hermann, 2018)

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Victor

« Des hauts magistrats, désormais à la retraite, donc libres de leurs paroles et opinions, ont déclaré urbi et orbi que la tradition française était de suspendre toute enquête visant l’un des candidats, afin de ne pas s’attirer le reproche d’ingérence de la justice dans les affaires politiques du pays. »….Tiens, tiens, c’est aussi comme ce qui se passe au pays laiteux et miellifère!

Jg

E avec tout ça ,il serait intelligent ?
Il est plutôt idiot et l idiotie est incurable !
Par contre , il est le digne héritier de ses prédécesseurs aussi incompétents et corrompus !