Raphaël Navot, Designer de l’année

À chacune de ses éditions, Maison&Objet célèbre le travail d’un designer au talent et aux savoir-faire exceptionnels reconnu sur la scène internationale du design et de la décoration. Maison&Objet a l’immense joie d’annoncer que le prix du Designer de l’année sera remis à Raphaël Navot dans le cadre de l’édition de janvier 2023.

Designer et architecte d’intérieur, Raphaël Navot est installé à Paris. A l’occasion du salon, il dévoilera « l’Apothem Lounge », une installation immersive qui vise à « représenter une émotion visuelle » à travers l’agencement minutieux d’une structure ouverte inondant les visiteurs de lumière et de texture.

Raphaël Navot est né à Jérusalem en 1977. Après l’obtention d’un diplôme en Design Conceptuel à la Design Academy d’Eindhoven en 2003, il s’installe à Paris où il commence à explorer les disciplines du design et de l’architecture d’intérieur. Très diversifié, son portfolio comprend des projets servant de vitrine à l’artisanat et au savoir-faire français – des intérieurs d’hôtels au design produit sur mesure et commercial. Il a travaillé avec David Lynch sur le projet du mystérieux club parisien Silencio (2011), collaboré à la production d’une ligne de parquet End Grain très technique pour Oscar Ono (2016) et créé une ligne de mobilier pour Roche Bobois (2018) – 12 familles au total, comprenant des canapés, des tables, des tapis et des lampes. Jusqu’à présent, l’aménagement intérieur de l’Hôtel National des Arts et Métiers (2017) a très certainement été la plus grande réalisation du designer.

Il a dévoilé l’année dernière la suite de sa collaboration avec Loro Piana dans le domaine du mobilier, « A Portrait of Comfort », au Salone del Mobile de Milan, et un hôtel de 50 chambres et 10 appartements privés à Cannes, l’Hôtel Belle Plage. Avec « On the Same Subject », son dernier projet pour Friedman Benda à New York, il poursuit sa collaboration permanente avec la galerie et le dialogue entre l’artisanat et la nature. Son projet Dame des Arts, qui ouvrira à la fin de l’année, sera le deuxième hôtel de Raphael Navot au cœur de Paris.

Votre travail est souvent cité et analysé, mais comment définiriez-vous votre esthétique ?

« Je dirais que mes projets n’ont pas nécessairement une esthétique similaire, mais que les valeurs qu’ils véhiculent sont similaires. J’utilise des matériaux naturels et je repousse les limites de l’artisanat à l’aide de techniques traditionnelles, mais sous une forme contemporaine et intemporelle peut-être. L’intemporalité est un point très important pour moi. Souvent, je me dis que les choses doivent donner l’impression d’avoir déjà vécu 50 ans. Je ne me contente pas de décorer simplement des éléments et j’utilise très rarement de la peinture ou du papier peint, ou toute chose plate et sans profondeur. Au contraire, j’aime utiliser des matériaux qui ont de l’épaisseur. Je trouve mes couleurs dans le matériau, donc mon jaune sera de l’or, mon marron sera du bois et mon bleu sera oxydé. Je m’efforce d’embellir un maximum grâce au travail manuel. »

Pouvez-vous nous expliquer votre approche et nous dire pourquoi la géologie et les matériaux nobles ont une place aussi importante dans votre travail ?

« Je n’ai pas l’habitude de regarder les magazines de design ou de suivre les tendances, donc je ne suis pas nécessairement au courant de ce qui s’y passe exactement », mais je fais beaucoup de recherches avant chaque projet, en particulier sur la psychologie et les sciences, car je crois que ce sont les domaines qui finissent par inspirer le design autant qu’ils touchent l’architecture et la musique. La nature est incroyablement riche et a dépassé toutes les possibilités de conception imaginées. C’est une grande source de connaissances pour moi, au même titre que les artisans, proches de la matière et de ces savoirs. Si je m’implique autant dans la fabrication des pièces, c’est pour profiter de ces rencontres et apprendre les limites et les avantages de chaque métier. Ma formation académique est plus proche d’une forme de philosophie du design. Apprendre à poser les bonnes questions et à clarifier l’intention est plus précieux pour moi que d’essayer d’atteindre un objectif visuel avec conviction. »

Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos des projets qui ont marqué un tournant décisif dans votre travail ?

« Une découverte majeure dans mon domaine est liée à la première reconnaissance, bien qu’elle ne soit pas toujours synonyme de la maturité conceptuelle qui se produit en parallèle. Le premier projet connu sur lequel j’ai travaillé était le Silencio, en collaboration avec David Lynch. Avec le recul, on remarque l’utilisation de matériaux naturels et, déjà à l’époque, l’intégration de l’artisanat traditionnel et local. Cependant, en termes de concept, mon premier projet majeur a été l’Hôtel National des Arts et Métiers, car il regroupe beaucoup d’aspects que je continue à faire aujourd’hui.

Je disposais d’une indépendance totale, avec un propriétaire très courageux qui avait tout à fait le bon sens de porter l’attention des clients vers ce que j’appelais déjà « The Natural Future ». Nous disposions d’une très grande équipe, d’un bon budget et de beaucoup de temps, choses rares et précieuses pour ce type de construction.

Cela m’a aidé, en tant que designer, à formuler des idées collectives et à intégrer des artisans qui ont une vaste connaissance de la sculpture sur pierre, du tissage du lin, des textures minérales et de la ferronnerie type Eiffel. La proximité avec le Conservatoire National des Arts et Métiers en a fait une heureuse coïncidence.

Je crois que l’on peut travailler de manière indépendante aujourd’hui sans avoir besoin d’appartenir à une structure ou à une institution. La collaboration entre partenaires indépendants est ce qui, à mon avis, fait des projets équilibrés et passionnants. J’admets les défis de l’indépendance et le manque potentiel de sécurité, mais je préfère aussi l’idée que chaque partenaire est responsable de sa part. Cela rend le processus en quelque sorte plus éveillé. Si j’engageais une équipe permanente, je serais constamment préoccupé par l’obligation d' »alimenter la machine » et j’aurais peut-être moins de flexibilité pour changer de type de projet, car une équipe devient parfois trop familière. Je suis certain que ces structures sont essentielles et ne peuvent convenir à tous les designers, mais intuitivement, j’ai peur de perdre le temps de concevoir et de dessiner et j’ai besoin d’une certaine liberté pour protéger cela. »

Travailler avec des architectes exécutifs est un autre défi que je relève à chaque projet, car ce sont eux qui ont la formation et la responsabilité architecturales appropriées, même si j’ai appris qu’il est parfois avantageux de ne pas connaître toutes les règles, qui peuvent limiter l’esprit créatif. Il arrive souvent que l’on tombe sur un ingénieur ou un fabricant qui affirme que certaines choses sont impossibles, pour découvrir ensuite que c’est possible, mais en dehors de notre zone de confort. Il est souvent plus difficile de désapprendre que d’apprendre et il est important pour moi de garder intacte une certaine naïveté afin d’enflammer encore et encore l’imagination.

Je place l’invité au centre de mon travail. Celui qui va vivre la scénographie et se fondre dans cette ambiance spécifique est la personne la plus précieuse du projet. J’essaie d’affirmer le confort et le flux naturel et, je l’espère, de soulager le corps et l’esprit dans un environnement accueillant.

J’aime l’idée de collaborer avec des marques parce que vous racontez une histoire, mais je dois d’abord la comprendre et l’approuver. Je pense que ce qui était intéressant pour moi avec Roche Bobois, c’est le fait que c’est une marque française qui travaille à l’international et produit en Europe avec des matériaux naturels et de haute qualité. La collaboration avec eux a été extrêmement agréable car ils ont un contact privilégié avec de nombreux artisans et fabricants. Travailler à une telle échelle était très excitant car très différent que de travailler avec une galerie. Nous avons toutefois conservé le principe du bois massif, du cuir et des teintes traditionnelles, tout en introduisant l’impression 3D et les pâtes minérales. Cette collection s’appelle Native et est axée sur le confort corporel. »

À quels types de projets donnez-vous la priorité actuellement et pourquoi ?

« J’ai arrêté de me consacrer uniquement à des projets en lien avec le commerce, les magasins, les résidences privées ; quand il n’y a pas d’histoire, je ne le fais pas. Je me concentre sur l’hospitalité qui est, selon moi, ouverte au public. Il peut s’agir aussi bien d’alimentation, d’art, d’une librairie ou d’un hôtel ; l’important est que l’endroit permette de rassembler les gens. Je ne leur vends rien d’autre qu’une expérience. L’expérience, le storytelling, le film ou la sonographie que vous découvrez sont devenus mon monde fantastique que j’aime imaginer. »

« APOTHEM LOUNGE »

« L’Apothem Lounge, le projet que j’ai élaboré pour la prochaine édition de Maison&Objet, sera une installation immersive de lumière et de textures représentant une émotion visuelle. Ce grand hall circulaire invite les visiteurs à découvrir les intérieurs indépendamment de leur fonctionnalité ou contexte. Tout comme la scène d’un théâtre où les visiteurs sont les comédiens.
Le design d’intérieur est une forme de scénographie qui vise à créer une ambiance. Cette ambiance sera proposée aux visiteurs à travers la lumière, les couleurs, le confort et d’autres éléments essentiels aux expériences qui pourraient être vécues dans cet intérieur.

L’installation présentera des partenaires avec qui j’ai travaillé et qui m’ont permis de mettre en œuvre plusieurs « cadres d’ambiance » de mes précédents projets d’intérieur. À cette occasion, le fait de n’avoir ni client, ni contexte, ni fonctionnalité fut un privilège et nous a permis d’accéder à un royaume plus imaginatif et de créer un intérieur qui est peut-être… inattendu.

Le hall circulaire est protégé par deux rangées de murs courbés, permettant ainsi aux visiteurs d’entrer et de sortir par ses 12 portails. Il s’agit d’une structure architecturale ouverte, d’un labyrinthe simplifié qui offre à la fois liberté et intimité. »

Source : maison-objet.com

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