Nucléaire: le Qatar prêt à mettre ses médiateurs au service de Washington
L’émirat manœuvre en coulisses…
Le Qatar entend être le médiateur phare des négociations entre Américains et Iraniens et préparer enfin l’après-accord.
Depuis que le Qatar est sorti de l’isolement diplomatique suite à la fin de la crise du Golfe de 2017 [1], la diplomatie de Doha s’est redéployée, jouant de ses alliances nouvelles, et s’agite de toutes parts pour jouer un rôle de plus en plus croissant de médiateur de crises régionales.
Fort de son succès diplomatique et politique dans la gestion de l’évacuation des Occidentaux d’Afghanistan après la chute de Kaboul, mais aussi de son rôle d’hôte des négociations entre Américains et Talibans pendant trois ans à Doha, le Qatar s’est préoccupé récemment à l’Afrique. Partisan du dialogue et du multilatéralisme, le petit Emirat s’est érigé en peu de temps, comme un acteur clé de médiateur de crises, bien au-delà des frontières du Moyen-Orient d’ailleurs.
La diplomatie, c’est notre métier !
Après l’Ethiopie, après Gaza, après l’Afghanistan, peut-être bientôt avec la Corée du Sud face à l’Iran, le Qatar s’est recentré dernièrement sur les pourparlers entre les États-Unis, éternel allié, et l’Iran, partenaire privilégié, autour de la question sans fin du nucléaire. Le Moyen-Orient reste bien à la fois son cœur de métier et sa cible privilégiée. Il faut dire que félicité l’été dernier par le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, pour se présenter en nouvelle plateforme de dialogue mondial, le Qatar a en réalité mis en place cette stratégie depuis bien longtemps pour étoffer son soft power et son hard power. C’est depuis les années 2000 que le pays cherche à se placer sur l’échiquier de la planète non seulement pour peser dans les décisions mondiales, mais aussi pour garantir sa survie par une indispensabilité géopolitique devenue évidence.
L’Iran, le Qatar connait bien, puisqu’il partage avec son géant voisin le plus grand champ gazier du monde. Le Qatar a une relation privilégiée avec Washington, puisque les Etats-Unis y disposent de leur plus grande base militaire hors-sol. De l’autre côté, Doha a pu compter sur l’aide de Téhéran au plus fort de la crise que le pays traversait en 2017 face à ses voisins saoudien et émirati. Pour autant, sans partager le projet de Téhéran pour le Moyen-Orient, et même pour l’avenir de son pays, il sait qu’il a un rôle à jouer. Une place qu’essaiera à terme de lui disputer son rival émirati, qui a renoué de timides relations avec l’Iran depuis 2019, afin de compenser sa prise de distance croissante avec la politique saoudienne.
Les sanctions iraniennes en question
Depuis des semaines, le Qatar a donc intensifié son rôle de médiateur entre les États-Unis et l’Iran alors que les puissances occidentales s’efforcent de convaincre les dirigeants iraniens méfiants de signer un accord pour relancer l’accord nucléaire de 2015. Les chancelleries occidentales s’impatientent autour d’un futur accord signé de nouveau avec Téhéran et pressent les négociateurs d’accélérer la cadence. Sur la demande de Washington et de Téhéran même, Doha a joué depuis des mois les intermédiaires jusque dans la capitale autrichienne, à Vienne, où se situe le siège de l’Agence Internationale de l’Energie atomique (AIEA), afin de rapprocher les points de vue.
Un des points d’achoppement encore dans la balance concerne la volonté iranienne de faire signer à Washington une clause, qui contraindra les Etats-Unis à ne pas abandonner à la prochaine présidence de nouveau unilatéralement l’accord, comme l’avait fait Donald Trump en 2018. Le travail de fond du Qatar a également visé à préparer des pourparlers directs entre les deux pays, dès l’instant qu’un accord sera signé, et ce pour préparer sa mise en œuvre. Notamment concernant l’allègement des sanctions contre l’Iran. Ayant l’oreille attentive des deux pays, l’émirat cherche à restaurer la confiance entre les deux protagonistes au plus vite. Car il sait, qu’il y va de sa crédibilité, de la sécurité dans la région et qu’il s’agit surtout de prévoir l’après-traité afin de ne pas renouveler les erreurs du passé : avoir signé le JCPOA de l’époque [2] et l’avoir considéré comme une fin et non pas comme le début d’une nouvelle étape historique. Il ne s’agit pas juste de contraindre et faire signer Téhéran, il faut pouvoir accompagner le pays également. Les voyages des officiels qataris et iraniens se sont multipliés dernièrement dans ce sens.