Goldman à Attali : pas toi !

Certes, dans Le Petit Journal (LPJ), Jean-Jacques Goldman (JJG) ne s’est pas adressé directement à Jacques Attali mais, évoquant la vulgarité du plagiat, il n’a pas manqué de jeter une pierre acide dans le jardin autosatisfait de ce dernier (Huffington Post).

Jacques Attali s’était permis de qualifier la chanson des Enfoirés 2015 « Toute la vie », composée par JJG, de « monument de vulgarité et de haine des jeunes ».

Manifestement il ne l’a écoutée que d’une oreille et il était sans doute pressé d’émettre un avis définitif et péremptoire puisque, consulté sur tout, il se sent obligé de répondre à la demande.

Jacques Attali est en effet, en permanence, quand il écrit, parle ou se trompe, convié à nous offrir médiatiquement le résultat de ses réflexions et de ses oeuvres fréquentes.

Il n’y aurait rien à redire à cela s’il n’en profitait pas pour proférer des absurdités. L’assurance avec laquelle il nous les assène n’est pas un gage de leur validité.

Il n’a rien compris à cette chanson et se retrouve, avec Jean-Louis Aubert, pour disqualifier un compositeur, un parolier et un animateur généreux hors de pair.

Dans le LPJ, Goldman a avec délicatesse et ironie joué avec le terme « réac » et montré comme la confrontation en musique des « jeunes » et des « vieux » autorisait les premiers à demander des comptes et les seconds à se justifier.

J’aime particulièrement, dans ces échanges, le lien entre le conjoncturel et le structurel, entre les dénonciations inspirées aux « jeunes » par la modernité précaire, difficile et douloureuse et la volonté des « vieux » de leur rappeler le capital inestimable de leur avenir, de leur force de création et de résistance. J’apprécie qu’aux gémissements et aux plaintes sur l’époque, JJG, par d’autres voix, oppose un volontarisme, la certitude de l’action et la confiance dans ce que la jeunesse a d’irrésistible et de naturellement conquérant. Contre les obstacles du siècle, elle a une arme décisive qui est elle-même.

Rien n’est facile mais rien n’est perdu d’avance. Bien au contraire. Si ce sont des poncifs, ils méritaient d’être chantés. Et apparemment ils dérangent.

Jacques Attali aurait dû se souvenir qu’il a été surabondant pour la promotion de son livre « Devenir soi », avec cette injonction : Prenez le pouvoir sur votre vie. C’est à peu près ce qui est conseillé « aux jeunes » mais comme cela vient de JJG, c’est forcément moins bon !

Contrairement à ce qu’a laissé entendre notre excellente ministre de la Culture, il n’y a pas l’ombre d’une maladresse dans cette chanson.

Face à cette étrange fronde si typiquement française – comme si nous n’avions pas d’autres problèmes et drames à fouetter, comme si notre pays et le monde nous laissaient le droit au dérisoire et à la futilité -, on aurait pu d’abord, comme JJG, répliquer que ce n’était, après tout, qu’une chanson. Mais ce serait admettre le procès malicieux qui lui est intenté et n’est pas juste.

Jacques Attali, par ailleurs, a mis en cause le caractère organisé, institutionnel et médiatique des Enfoirés. On peut penser ce qu’on veut de cette belle et généreuse entreprise dont JJG est la cheville ouvrière. Il y a, dans le lot, des artistes qui chantent à peu près aussi faux que moi mais aussi heureusement des voix qui rassurent, qui subliment, Julien Clerc et Maxime Le Forestier notamment. Les Enfoirés font du bien et cette conséquence admise et constatée par tous justifie ce qui émane d’eux. C’est un bloc estimable, à prendre ou à laisser ; et pour la misère et la détresse, on prend.

Jacques Attali, si proche dans le passé de gens comme Coluche ou Michel Berger – au point qu’à un certain moment, il multipliait les oraisons funèbres – devrait être plus prudent avec le reproche de médiatisation : il ne cesse de jouir et de profiter de cette dernière et personne ne lui fait reproche de se mêler de tout.

La chanson de JJG n’est imposée à personne et on est libre de l’aimer comme moi ou de la discuter comme d’autres.

Mais la bassesse perfide de la critique d’Attali rendait plus que jamais nécessaire que Goldman lui répliquât : pas toi !

philippebilger.com

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