L’ancien premier ministre portugais Antonio Guterres doit succéder à Ban Ki-moon au poste de secrétaire général de l’ONU, aucun des membres permanents du Conseil de sécurité n’ayant voté contre sa candidature, mercredi 5 octobre, lors du sixième tour de scrutin, a-t-on appris de sources diplomatiques.

Les quinze membres du Conseil, qui devaient se prononcer sur chacun des dix candidats en lice, avaient le choix entre trois bulletins : « encouragement », « découragement » et « sans opinion ». Treize ont choisi le premier, et deux le troisième. « Après six tours de scrutin, nous avons aujourd’hui un favori et son nom est Antonio Guterres », a déclaré Vitali Tchourkine, représentant permanent de la Russie à l’ONU, s’adressant à la presse en présence de ses quatorze homologues.

« Nous avons décidé de procéder à une élection formelle demain matin à 10 heures (14 heures GMT) et nous espérons qu’elle aura lieu par acclamation », a ajouté le diplomate, qui préside le Conseil en octobre. Avant de recommander formellement Antonio Guterres à l’Assemblée générale, chargée de son élection, le Conseil doit encore adopter une résolution en ce sens.

Dix candidats en lice

Dix candidats étaient en lice pour succéder au Sud-Coréen Ban Ki-moon. Le Portugais avait terminé en tête de cinq scrutins préliminaires. Le vote de mercredi a permis de voir que les votes défavorables à M. Guterres n’étaient visiblement pas le fait des grandes puissances.

M. Guterres, socialiste de 67 ans, a été le chef de la mission de l’ONU pour les réfugiés durant dix ans, jusqu’en 2015. Il connaît donc très bien la machine onusienne. Il est aussi francophone.

Après approbation par le Conseil de sécurité, le candidat retenu doit également recueillir ensuite le vote favorable de l’Assemblée générale de l’ONU. Le prochain secrétaire général prendra ses fonctions le 1er janvier.

Antonio Guterres, le bon candidat pour l’ONU

Editorial du « Monde ». C’est l’autre élection de l’automne. Pas celle du président des Etats-Unis, mais celle du futur secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU). Qui succédera le 1er  janvier 2017 au Sud-Coréen Ban Ki-moon, après dix années de mandat terne ? L’enjeu est décisif. La guerre, les réfugiés, le climat, le développement durable, l’ONU devrait être au cœur de la gouvernance mondiale, mais elle est effacée depuis la guerre en Irak et trop marginalisée par le jeu des puissances. Aujourd’hui, l’ONU a besoin d’un secrétaire général fort.

Antonio Guterres, au siège de l’ONU à New York le 12 avril.

Officiellement, le successeur de Ban Ki-moon sera investi par l’Assemblée générale des 193 pays membres. En réalité, il sera choisi par les quinze pays du Conseil de sécurité, avec droit de veto pour les cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France). Dans un louable souci de transparence, les candidats ont défilé à New York, et le Conseil a multiplié les votes à blanc (favorable, négatif ou neutre).

Une règle non écrite

Un candidat émerge clairement, l’ancien premier ministre portugais Antonio Guterres. A 67 ans, il a l’avantage d’avoir été dans le cercle des dirigeants mondiaux, il connaît par cœur la machine onusienne pour avoir géré le Haut-Commissariat aux réfugiés jusqu’en 2015, et, ce qui ne gâche rien d’un point de vue français, il est francophone et socialiste. Au dernier scrutin, il a reçu douze voix favorables, une neutre et deux défavorables.

M. Guterres a deux handicaps : il n’est pas une femme et, surtout, n’est par d’Europe de l’Est. C’est un secret de polichinelle, le Portugais suscite des réticences à Moscou. Il est victime de la nouvelle guerre froide que se livrent Occidentaux et Russes. Une règle non écrite stipule qu’il doit y avoir une rotation géographique des secrétaires généraux. Après l’Afrique avec le Ghanéen Kofi Annan et l’Asie avec Ban Ki-moon, le tour de l’ex-bloc soviétique, vaste région allant de la Slovénie à l’Asie centrale, serait venu.

Vingt-cinq ans après la chute de l’URSS, cette répartition est d’autant plus baroque que la moitié des Européens de l’Est est membre de l’UE et de l’OTAN et l’autre clairement dans l’orbite de Moscou. On assiste donc à la floraison de candidatures d’Europe de l’Est plus ou moins parrainées par Russes et Occidentaux (le ministre des affaires étrangères slovaque Miroslav Lacjack et le serbe Vuk Jeremic sont arrivés juste derrière M. Guterres, avec respectivement 10 et 9 votes favorables et 4 votes négatifs).

Le match le plus cocasse a opposé deux femmes bulgares : Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, rejetée par les Américains notamment pour avoir fait entrer la Palestine à l’Unesco ; la commissaire européenne Kristalina Georgieva, candidate non déclarée mais poussée par Angela Merkel. L’affaire a donné lieu à un pataquès entre Russes et Occidentaux, qui conduit à neutraliser ces deux candidatures féminines.

La procédure devient de plus en plus opaque. A l’approche de l’Assemblée générale de l’ONU fin septembre, le grand marchandage s’engage : les Chinois veulent récupérer telle direction, la Russie obtenir une levée des sanctions européennes sur l’Ukraine, etc. Début octobre, un nouveau vote indicatif aura lieu et, cette fois-ci, les cinq permanents disposeront d’un bulletin de vote rouge : on saura quels candidats sont victimes d’un veto. M. Guterres a trois semaines pour convaincre les Russes que l’ONU mérite mieux que quelques arrangements entre vieux ennemis.

 

 le Monde

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires