Une vague d’Alyot sans précédent est annoncée. Mais les capacités d’accueil de la terre promise seront-elles à la hauteur des besoins ? Le chantier est ouvert pour réinventer l’Alya.

Kathie Kriegel – Jérusalem Post Edition Française

Israël est le foyer national du peuple Juif. Revenant sur la prise d’otage dans l’hypercasher de la Porte de Vincennes dans une allocution télévisée, Netanyahou a déclaré : « A tous les juifs de France, tous les juifs d’Europe, je vous dis : Israël n’est pas seulement le lieu vers lequel vous vous tournez pour prier, l’Etat d’Israël est votre foyer ». Certes.

Pour autant, l’Etat hébreu a-t-il la capacité d’accueillir autant d’olim ? « Non » a laissé entendre Yonit Chetboun « et ici aussi il y a du terrorisme » aurait-il dit pour comme pour calmer les ardeurs des candidats à l’Alya. Ce qui, de la part de celui qui est à la tête du lobby francophone et se veut le pourfendeur des droits des olim de France, a de quoi étonner. 

Répondre aux besoins en matière de logement et d’infrastructures implique d’explorer de nouveaux horizons hors des sentiers battus, afin qu’une trop forte concentration d’Olim dans un même secteur n’infirme pas leur intégration et contienne l’envolée des prix de l’immobilier.

Les défis immobiliers que pose l’alya

 L’augmentation significative de l’Alya de France intervient dans un contexte où l’immobilier israélien est en crise et où faire face aux besoins induits par la croissance naturelle de la populations exige déjà des mesures qui tardent à venir.

 Ohad Danos, le président de l’Office des Experts fonciers israéliens met en garde contre une arrivée massive des Juifs de France en Israël. Il s’est dit très heureux de cette vague de nouveaux arrivants qui s’annonce, mais réclame des mesures adaptées. « Si seulement, 1% des Juifs de France réalisaient leur Alya, nous irions droit dans le mur », a estimé Danos, avant de poursuivre, « nous devrions faire face à des achats massifs et à des locations de biens immobiliers dans des secteurs géographiques bien particuliers ». 

En effet, le marché de l’immobilier israélien propose chaque année en moyenne 40.000 nouveaux appartements, alors que la demande réelle est de 63.000 appartements/an. Et c’est sans compter les besoins des nouveaux immigrants. « En France il y a environ 500.000 juifs répertoriés comme tels selon la loi juive. Mais si vous comptez aussi ceux qui ne sont pas juifs au regard de la halakha mais peuvent prétendre à bénéficier de la loi du retour, cela fait en tout environ 1 million 200.000 individus. Donc si 1% de ces potentiels olim décident de faire leur alya, ils seraient 12.000 ce qui nécessiterait en moyenne 3.000 appartements supplémentaires pour cette population spécifique soit une augmentation de 6% de la demande globale d’appartement ».

Il est évident que dans ce contexte il serait difficile de contenir les prix.

Ouri Ariel, le Ministre israélien de la Construction et du Logement, se veut plus optimiste : « 50.000 nouveaux logements ont été proposés sur le marché en 2014, ce qui représente une hausse de 10%, un record, et pour l’année prochaine nous espérons atteindre les 55.000 voire 60.000 unités supplémentaires », promet-il.

Hors de Tel Aviv, Jérusalem, Netanya, le salut ?

 Cette menace d’un envol des prix du marché et le spectre d’une bulle immobilière ont motivé le ministère du logement à encourager les villes israéliennes qui souhaitent s’ouvrir à l’Alya de France qu’il espère massive. Objectif, éviter la saturation et contenir l’afflux sur des agglomérations déjà trop demandées, au tout premier rang desquelles Jérusalem et Netanya, et dans une moindre mesure depuis l’Opération Barrière protectrice Ashdod et Ashkelon.

« A Tel Aviv il n’y a pas de problème. Les nouveaux Olim de France représentent environ 1000 familles par an sur une population de 420.000 habitants. La ville peut les absorber sans problème », fait remarquer Eytan Schwartz, conseillé du maire de Tel Aviv. De plus les français se concentrent dans certains secteurs très prisés comme le front de mer et Neve Tzedek où la concurrence est moindre ».

 Le fait est que les français tout le monde en veut. Ces nouveaux consommateurs séduisent par leur pouvoir d’achat potentiel, même si certains viennent aussi des quartiers difficiles et sont moins argentés. « Ils achètent des appartements », souligne Carine Rodriguez, chargé de l’intégration des olim francophone à Rishon Letzion, « et comme les prix à Tel Aviv et Jérusalem et même Netanya ont grimpés, il faut leur ouvrir de nouveaux marchés plus abordables ». Toutefois attention, prévient Richard Sitbon, il s’agit de bien s’entourer. Les prix proposés aux olim de France sont souvent de 10 à 15% supérieurs à la valeur du marché. 

En tête de ce palmarès des villes d’accueil, Rishon Letzion a la vedette. Viennent ensuite, Hadera, Kfar Yona, Penouel, des bruits courent sur le potentiel du Neguev et même Dmitry Apartsev, le maire de Katzrin dans le Golan, rêverait de décrocher le pompon des Olim de France. Humour, inconscience ou un savant mélange des genres, il a déclaré que sa ville présente nombre d’avantages et il ne voit pas les menaces qui pèsent sur la région comme un problème, mais plutôt comme une opportunité offerte aux olim de pouvoir « jouer un rôle dans l’histoire ».

Imagination et créativité 

La rénovation urbaine, que ce soit au moyen de la démolition de bâtiments anciens et la construction de nouveaux plus grands ou par le renforcement des bâtiments anciens et en ajoutant des étages supérieurs avec de nouveaux appartements, peut produire des centaines de milliers de nouveaux appartements dans tous le pays, dans les zones urbaines existantes, sans la nécessité d’allouer de nouvelles zones de construction. Une option davantage soutenue par le gouvernement central que par le passé, puisque trois décisions importantes viennent d’être prises dans ce sens, aux dires du ministre, notamment la permission de dépasser les huit étages autorisés jusqu’ici, venant à bout des obstacles de la part des autorités locales. « Par ailleurs, davantage de terrains constructibles vont être mis sur le marché, et plus de permis de construire délivrés », confirme-t-il.

La relocalisation des bases militaires du Triangle d’or autour de Tel Aviv et la région de Shomron dans le Neguev, vient enrichir le marché immobilier de milliers d’hectares ainsi libérés. Une manne providentielle que les promoteurs ont vite fait d’exploiter. Rien qu’à Rishon Letzion la base militaire de Tsrifin partiellement déjà désertée, mettra à disposition de la municipalité 2000 hectares constructibles, une aubaine qui tombe à point nommé pour les 7000 unités de logement prévus dont 700 logements sociaux. 240,000 m2 seront réservés pour des bureaux et 50 hectares pour un parc industriel « Le Jardin de l’Hébreu ». Avec en prime 800 mètres de plage supplémentaires.

Les territoires au secours de la pénurie

Ouri Ariel a déclaré se préparer à l’arrivée massive de nouveaux immigrants français en ordonnant à son ministère et à l’Autorité israélienne de l’aménagement du territoire, d’étendre les constructions dans les territoires disputés pour les accueillir et a adressé une lettre dans ce sens au Conseil de « Yesha » (Territoires disputés). « Il ne fait aucun doute que les Juifs français se sentent profondément solidaires avec l’entreprise de construction en Judée et Samarie », a déclaré le ministre optimiste, qui espère les voir s’y implanter ».

Pour autant, pas questions de leur imposer une localité plus qu’une autre. « C’est aux Olim de choisir où ils souhaitent faire souche », insiste le Ministre. « Il est naturel que la tendance soit à s’implanter là où il y a déjà une communauté francophone ; la langue et la culture du pays d’origine commune l’explique aisément », reconnaît-il. « Pour autant créer de nouvelles communautés n’est pas impossible ».

« C’est une chose que d’être sioniste et une autre que de vouloir habiter dans les territoires », fait remarquer Ohad Danos sceptique. « C’est une vie difficile, il faut faire de la route pour aller au travail, les moyens de transports ne sont pas très développés. Ce n’est pas aussi dangereux qu’il n’y parait à la télé, mais c’est rajouter de la difficulté à celle de changer de pays et d’environnement qui en est déjà une en soi », prévient-il.

La course contre la montre

Toutefois, le problème majeur reste le facteur temps ; il faut faire en sorte que les calendriers de l’offre et la demande concordent. « Bien sûr qu’il faut développer de nouvelles villes, mais il faut bien comprendre que cela ne se fait pas en un jour », rappelle Ohad Danos. « La bureaucratie n’aide pas à une résolution de la crise », dénonce-t-il en ajoutant, « à l’est et à l’ouest de Rishon au bord de la mer, les plans de développements qui vont prendre 10 à 15 ans jusqu’à la livraison au public, alors que les alyot importantes sont attendues demain et il ne faudra pas pour autant que les israéliens soient lésés ». Pour lui, la solution est une alya progressive étalée dans le temps, pour laisser au pays le temps de procéder aux aménagements nécessaires.

Pour l’heure, nombre de ces nouvelles constructions restent suspendues à l’issue des élections. Il est certain que la droite délivrera plus volontiers des permis de construire dans les territoires par exemple que d’autres formations. Moshé Kahlon, le chef du Parti Koulanou, serait le grand favori pour résoudre la crise du logement en Israël, selon un nouveau sondage révélé par l’Institut Midgam. C’est ce que pensent en tout cas 29% des Israéliens interrogés sur la question. Mais qui sera en charge de ce dossier brûlant ? Peu après l’Opération Barrière Protectrice, lors d’une cérémonie pour honorer le courage des soldats venus de France pour s’engager comme volontaire dans Tzahal, le ministre du logement avait déclaré : «  Faites venir les Olim de France, je me charge de faire baisser les prix ». Pour l’heure on est encore loin du compte…

« Aucune mesure concrète ne viendra changer la donne en 2015 », s’inquiète Ohad Dano. « Après les élections il faudra bien 3 mois pour former une nouvelle coalition, puis les élus devront prendre connaissance des dossiers et ce sera Roch Hachanna autant dire la fin de l’année civile, alors que le temps presse » et d’ajouter, « si rien n’est fait très rapidement pour accélérer la construction de nouvelles unités de logement à travers tout le pays, ce sera une catastrophe ».

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  Kathie Kriegel Jérusalem Post Edition Française

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