En pleine crise économique, un peuple réclame l’expulsion de tous les juifs de la ville: redécouverte d’un film muet prémonitoire de 1924, révélé par la musique d’Olga Neuwirth…….Détails et Vidéo (Film intégral)……..

Le chancelier de la ville d’Utopia, cédant à l’antisémitisme de son peuple, fait voter une loi d’expulsion des juifs : s’ensuivent des scènes de départ et d’exil, avant que le peuple et les dirigeants ne réalisent les conséquences désastreuses de cette décision.

La loi est finalement abrogée, d’ailleurs avec l’aide d’une ruse grotesque d’un personnage de comédie. Finalement, le maire accueille les juifs de retour : « Mein lieber Jude… ».

Après Maudite soit la guerre (Alfred Machin), prophétisant la Première Guerre mondiale proche, la compositrice autrichienne, dont on connaît les engagements et la colère à l’égard de la montée de l’extrême droite dans son pays, s’est penchée sur La Ville sans juifs (Die Stadt ohne Juden) de Hans Karl Breslauer.

Le film fut redécouvert récemment, grâce au travail de restauration des Archives autrichiennes du film (certaines scènes furent retrouvées sur un marché aux puces parisien !).

Inspiré du livre du journaliste et auteur à succès Hugo Bettauer, il s’agirait du seul film de cette époque (1924) traitant aussi explicitement de l’expulsion des juifs.

L’auteur du texte fut assassiné par un jeune nazi peu après la projection du film.
La terrible réalité de cet assassinat pouvait laisser imaginer un film entièrement apocalyptique.

Certes le tragique et là, notamment dans les scènes d’exil déchirantes et préfigurant le rôle du train dans la déportation, les exactions, ou les files humaines sur les routes.

Pourtant l’œuvre, très subtile, se tourne également vers la farce et le grotesque (le député ivrogne, les scènes de cabaret), l’intrigue amoureuse, la comédie franchement drôle.
Les juifs finissent pas obséder tellement les dirigeants qu’ils en rêvent la nuit ou dessinent des étoiles de David distraitement…

Mêmes les juifs ne sont pas exempts de vices, comme celui qui se trouve aryen ou juif quand ça l’arrange. Finalement, Breslauer montre les conséquences tragiques de l’ensemble des petits vices humains : opportunisme, lâcheté, cupidité…

La musique d’Olga Neuwirth souligne précisément cette variété des registres et les différents niveaux de lecture possibles du film : les plans sonores se superposent ou s’enchevêtrent, entre bande-son enregistrée et instrumentistes.

Côté électronique (Olga Neuwirth elle-même à la console), des sons continus, dans le registre grave, imprègnent de nombreuses scènes d’une angoisse sourde, même dans des moments de pure farce ou comédie.

Olga Neuwirth a également déformé des chants traditionnels juifs, autrichiens (dans les scènes de cabaret notamment), ou des yodlers, dont les sons semblent mis à distance et dilués.

Par une technique de camouflage des sons, la compositrice sait aussi suggérer les bruits sans faire du bruitage : les clameurs de la foule dans les rues, les sirènes, ou encore les bruits et les sons d’une synagogue. Sur scène les instrumentistes de l’Ensemble Intercontemporain servent avec précision la partition.

L’association du clavier numérique (du piano bastringue à l’harmonium), des clarinettes et du saxophone, de la trompette, des percussions (cloches, triangles…) ou encore de la guitare électrique, offre des textures riches, se mêlant parfois à l’électronique.

Qu’elle s’inspire de films (Lost Highway) ou compose pour le cinéma, Olga Neuwirth a déjà une longue histoire avec le cinéma. Il n’est donc pas surprenant que sa musique s’appuie sur une analyse détaillée du film et suive avec précision sa temporalité.

« Je commence par analyser le film, image par image. C’est un travail immense, mais il est très intéressant de voir comment se structure le film dans le détail. Il n’y a pas de réponse simple aux complexes relations entre image et musique » dit-elle dans le livret de concert.

Sans vraiment prendre le pas sur l’image, ni lui être autonome (il faudrait peut-être tenter une écoute sans l’image), la musique s’impose et oriente le regard.

Ce type de ciné-concert est une façon d’attirer le public vers la musique contemporaine, par le support de l’image animée, tout en redécouvrant des chefs-d’œuvre du cinéma.

Mais au-delà de cette stratégie louable, c’est tout un genre, illustré autrefois par Prokofiev (Alexandre Nevski, Le Cuirassé Potemkine) ou Gottfried Huppertz (Métropolis, Les Nibelungen), que les compositeurs réinvestissent et réinventent.

 

Source ResMusica & Koide9enisrael

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