La crise qatarie a pris racine et s’est amplifiée tout au long de la guerre en Libye.

L’Egypte est-elle, finalement, en train de l’emporter, au détriment de l’axe turco-qatari? Quelles conséquences pour l’affaiblissement de Daesh dans le Sinaï et l’irréductibilité du Hamas à Gaza? 

Qatar Crisis And The War in Libya

Origines du conflit

La guerre en Libye n’a pas tant été provoquée par des dissensions internes que par le besoin de l’Occident de déléguer à d’autres (dont l’émirat opportuniste du Qatar) la poursuite de son expansion économique, à un moment que les élites occidentales pouvaient percevoir comme s’inscrivant dans la « fin de l’histoire » d’après la Guerre Froide, une idéologie messianique puissante à l’époque du déclenchement des fameux « Printemps arabes ».

L’Amérique, leader du Monde Libre, a baissé la garde sous l’Administration Obama, pour confier le « sens de l’histoire » à des entités aussi pernicieuses que les Frères Musulmans, bénéficiant alors de la promotion de la puissance gazière émergente de l’époque : le Qatar, corbeille à fric qui n’a rien d’un paradis des droits de l’homme.

Cette confrérie (les Frères Musulmans) a longtemps servi de secte agitatrice et concurrente, dans des pays séduits un moment par la révolution soviétique et son idéologie anti-colonialiste, comme du temps de l’Egypte de Nasser. L’Islam prétendument « révolutionnaire », – les deux termes sont antinomiques : « Soumission Révolutionnaire »?-, a servi de leurre pour se libérer des risques afférant à la doctrine marxiste, avant que celle-ci ne s’effondre d’elle-même en Europe, mais aussi grâce aux coups de boutoir de l’islamisme montant en Afghanistan.

La fausse-monnaie idéologique qatarie prend toute son ampleur au moment de la découverte, puis de l’exploitation de réserves incommensurables de gaz, au large des côtes partagées par le Qatar et l’Iran. Cet immense champ gazier commun prend le nom de « South Pars » (ou Perse du Sud) du côté iranien et de North Dome (le dôme du Nord) côté qatari.

North Dome, North Field ou encore South Pars est un gisement offshore de gaz naturel situé à cheval entre les eaux territoriales de l’Iran et du Qatar dans le golfe Persique. Découvert en 1971 par Shell, il s’agit du plus grand gisement de gaz naturel au monde.  North Dome contient 24,3 Tm3 de gaz ; South Pars contiendrait 8 Tm3 supplémentaires. L’ensemble représente environ 200 gigabarils équivalents pétrole, soit plus du double du plus grand gisement de pétrole connu, Ghawar, situé en Arabie saoudite, soit 20 % des réserves de gaz connues en 2014

Il fait du Qatar le pays le plus riche du monde ; ce confetti a ensuite tout loisir de se croire le plus puissant, le plus influent par les achats massifs qu’il peut réaliser à l’échelle de l’économie mondiale, dans les 1.000 plus importantes entreprises du monde. Le Champ Nord commence à être intensivement exploité dès 1995 et l’année suivante, 1996, Doha s’offre Al Jazeera, une chaîne parabolique qui va faire le tour du monde arabe et au-delà, afin de répandre sa vision de l’histoire. C’est, incidemment celle, également, du groupe terroriste Al Qaïda (puisque constitué de dissidents saoudiens, dont la Branche familiale Ben Laden autour d’Ossama et d’Egyptiens : Al Zawahiri, issu du Djihad Islamique Egyptien, à l’origine de l’assassinat d’Anouar El Sadate, le signataire de la paix avec Israël) ou des prêches antijuifs de l’Imam Youssouf Al Qaradawi, inspirateur de toute la confrérie, à commencer par son rejeton palestinien, le Hamas. Elle alimentera les grands attentats globaux ou/ et le terrorisme de rue palestinienne durant la Seconde Intifada.

Mais Doha ambitionne d’aller plus loin, se rapproche naturellement de l’Iran du fait du partage d’un bien commun : le gaz, et parallèlement, déclare une guerre idéologique à ses voisins arabes sunnites, dont elle souhaite détrôner les dynasties concurrentes, principalement, la Maison des Saouds, gardien du monde sunnite. Le Qatar monte parallèlement, contre l’Occident, une double-stratégie de conquête à la fois commerciale, religieuse et terroriste, en réactualisant tout le contenu argumentatif révolutionnaire des Frères Musulmans, dont le Qatar est le protecteur, contre la répression dont ils font l’objet chez ces mêmes voisins, qu’ils sont grassement payés à déstabiliser.

La stratégie qatarie repose sur des préceptes longtemps en vigueur au sein de cette confrérie, qui couplent des événements violents (les attentats type Al Qaïda, Daesh, Hamas ou Al Nusra en Syrie) à une pénétration en douceur sur le plus long terme, par l’islamisation des sociétés modernes occidentales. Celle-ci peut s’acclimater d’une « condamnation » formelle de ces mêmes actes violents, par un juste dosage du message médiatique, l’objectif le plus lointain servant de point de mire essentiel : la fin de l’Occident justifie les moyens du Qatar.

Ainsi, le soutien qatari aux Printemps Arabes, grâce à leur retransmission et leur amplification sur Al Jazeera et la perversion de ses premiers idéaux d’appel à la justice et à la démocratisation, ont rapidement permis à l’Emirat de phagocyter les aspects les plus libertaires (au sens d’anti-autoritaires) ou libéraux de ce mouvement de foule par l’encadrement autoritaire de la mouvance frériste : secte relativement secrète organisée en cellules locales – depuis les années 1920 et surtout après-guerre, où l’un de ses fondateurs Saïd Ramadan, le père de Tariq et Hani et le fils du fondateur Hassan al-Banna, va jusqu’à rencontrer Eisenhower à la demande de la CIA-, elle est en mesure de prendre rapidement le contrôle de la rue et de présenter des cadres en costume-cravate susceptibles de faire avaler la couleuvre de la modernité et de la « démocratisation » en marche.

Là où les Occidentaux lisaient la naissance d’une dynamique de développement politique et économique potentiel, le Qatar s’empressait de refermer le couvercle et de pourrir cet élan à la racine, tout en perpétrant l’agitation, censée emporter toutes les dynasties concurrentes comme au jeu de massacre. C’est ainsi que la Tunisie et l’Egypte sont passées provisoirement par des transitions dominées par les Frères Musulmans, avant qu’ils ne soient eux-mêmes légitimement (élections tunisiennes) ou militairement (Abdel Fatah El Sissi) repris en main et chassés in extremis du pouvoir.

De fait, soit ces printemps arabes ont été rapidement interprétés pour ce qu’ils étaient par les pouvoirs en place, les familles royales du Golfe et endigués grâce l’aide apportée à l’armée égyptienne, tunisienne et Bahreinie, au moment d’un risque d’embrasement chiite contre le pouvoir central. Soit ils ont dégénéré en guerres civiles [en Libye et Syrie, Yémen], avec l’appui aux « rebelles » rendus « hallal » par le caractère de soulèvement populaire à l’origine, vite perverti par l’action qatarie, turque et iranienne conjuguée [chacun pour leurs intérêts propres].

L’intervention « pilotée par l’arrière » de l’Administration Obama en Libye a été entraînée, presque malgré elle, à la fois :

  • par les illusions de ses propres services de renseignements infiltrés par la confrérie islamiste (Brennan à l’époque fait l’apologie des Frères Musulmans, comme s’agissant d’alliés capables de pacifier les Islamistes, alors qu’ils ne font que les réhabiliter, les rendre « respectables ») ;
  • et par les gouvernements européens manipulés par le Qatar, comme la France de Sarkozy et la Grande-Bretagne de David Cameron (le Qatar possédant à l’époque près de 56% des avoirs de la City de Londres et une bonne dose d’entreprises françaises dans son escarcelle ; Le Cheikh Al-Tani dit aussi avoir payé rubis sur l’ongle le divorce de Sarkozy ; De Villepin est l’avocat du Fonds d’Investissement qatari).

A l’occasion, un pays presque « sain » sous Kadhafi, malgré la poigne de fer de cette dictature, [mais qui avait mis de l’eau dans son vin, en neutralisant une bonne partie de ses armes de destruction massive], se transforme en Etat failli, tiraillé par plusieurs sous-gouvernements internes, sans compter les rivalités entre groupements islamistes et groupes issus des traditions tribales. Surtout, alors qu’il n’y avait pas réellement d’enjeu ni de risque de bras-de-fer entre grandes puissances, lors des printemps de Tunisie ou d’Egypte, au départ, il en va différemment avec la Libye, à cause de ses richesses, mais aussi de son positionnement en Méditerranée. Soutenant Kadhafi, la Russie a bien l’intention d’installer un jour, un port en eaux méditerranéennes et de compléter son réseau portuaire uniquement relayé par Tartous en Syrie. D’autre part, le dictateur est un bon client des industries militaires russes et Moscou ne voit pas bien pourquoi les affaires devraient s’interrompre, au nom d’élans qui lui ont déjà fait perdre une bonne partie de son influence en Europe, par la Perestroïka, puis la Chute du Mur. Plus tard, l’essentiel des raisons du pourrissement de la situation en Syrie sera considéré comme une refus moscovite d’une seconde Libye au Moyen-Orient, après le fiasco islamiste de la première version de « libéralisation » libyenne ratée, grâce à l’appui des forces et missiles de l’OTAN….

Deux Libyes, tripolitaine et cyrénaïque, en sécession

La guerre qui se prolonge en Libye, a été relancée en 2014, l’essentiel des combats se déroulant entre :

  • un gouvernement intérimaire libyen basé à Tobrouk et reconnu internationalement, qui centralise son pouvoir à partir de la Chambre des Représentants. Celle-ci a été élue démocratiquement, en 2014.
  • Un gouvernement de Salut national Islamiste fondé par le Congrès national général basé à Tripoli
  • Le gouvernement d’accord national soutenu par l’ONU, également situé à Tripoli.

 

Le gouvernement intérimaire libyen a prêté allégeance à l’armée nationale libyenne sous le commandement du Général Khalifa Haftar et jouit directement du soutien de l’Egypte et des Emirats Arabes Unis, avec la bénédiction et l’assistance, à la fois des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la Russie, dont les affinités envers Haftar ont été clairement démontées quand le général libyen est monté à bord du porte-avions l’Amiral Kuznetsov en janvier 2017, alors que ce navire revenait à son port d’attache, après sa mission de combat sur les côtes de la Syrie. C’est une entité laïque qui détient le seul pouvoir légitime en Libye.

Depuis 2014, l’Egypte a fourni beaucoup d’armes légères et lourdes à l’Armée Nationale Libyenne conduite par Khalifa Haftar, dont plusieurs avions de chasse MIG-21. Les Emirats Arabes Unis [qui ont installé une base en Erythrée] fournissent aussi un soutien financier à Haftar et il dispose d’une petite base aérienne dans l’Est de la Libye, qui comprend des petits avions d’attaque  AT-802 à turbo-propulsion et des drones WingLoong manœuvrés par « l’Académie Eric Prince » (anciennement Blackwater, une entreprise privée de mercenariat contractuel -elle a officié en Irak-.

L’émergence du gouvernement intérimaire libyen a été rendu possible par le retrait du soutien de la Chambre des Représentants au Gouvernement d’Accord National, dont le pouvoir a grandement chuté depuis.

Face à lui, se dresse le gouvernement islamique du Congrès National Général, qu’on appelle aussi le « Gouvernement de Salut », qui est dirigé par les Frères Musulmans avec le soutien d’une coalition de groupes islamistes connue également sous le nom de « l’Aube de la Libye ». On pense que l’un de ces groupes de combat rattachés au Congrès National est impliqué dans l’assassinat de l’Ambassadeur américain Christopher Stevens et de ses proches en 2012. Les Frères Musulmans sont aussi accusés de fournir une couverture politique à Daesh, dans le cadre de son expansion en Libye, avant 2014, ce qui est une accusation tout-à-fait plausible, si on considère le soutien tangible du Qatar à la fois à Daesh et aux Frères Musulmans de par le monde.

Ce gouvernement islamique jouit aussi du soutien international du Qatar, de la Turquie et du Soudan, ces deux premiers pays jouant un rôle identique à celui qu’ils jouent dans le conflit syrien. La contribution considérable du Qatar comprend le soutien financier au Congrès National Général et la contrebande d’armes par le biais d’avions-cargo militaires C-130, en coopération avec le Soudan, alors que la Turquie convoie clandestinement des armes à « l’Aube Libyenne » en utilisant des bateaux. La Turquie tire aussi des bénéfices du trafic illégal de pétrole et de carburant aux milices, selon des rapports encore non-confirmés.

Depuis 2014, Daesh a marqué de son influence forte la plupart des régions de Libye, en particulier à Derna ou Darnah, à l’Est de Benghazi, mais cette influence de l’organisation terroriste s’est effondrée avec le temps. Cependant, la Libye est l’une des bases de recrutement et de blanchiment d’argent de Daesh, où on pense que Daesh a reçu le soutien indirect de la Turquie, du Qatar et du Congrès Général. De plus, Daesh perçoit la Libye comme une de ses bases opérationnelles à partir de laquelle organiser son expansion vers les pays du Sahel et aider les cellules de Daesh à opérer en Tunisie, en Egypte et en Europe, inondée par les trafiquants de migrants.

Complétant la liste des factions en guerre, les forces Touareg contrôlent le Sud-Ouest libyen, dont les régions Amazigh (berbères) et Ghat, et ils sont considérés comme des alliés indirects du Congrès National Général.

L’axe Qatar-Turquie

Etant donné l’équilibre des forces souligné ci-dessus, le conflit en Libye aurait pu se terminer il y a des années, si l’implication directe de l’alliance Qatar-Turquie, dont l’attitude agressive s’est aussi distinguée en Syrie, n’avait pas, de la même façon tout fait pour provoquer l’escalade de ce conflit. On peut en être sûr, l’alliance Qatar-Turquie est un pur mariage de raison, les deux pays poursuivant des objectifs différents qui s’avèrent simplement ne pas être mutuellement exclusifs.

  • Pour la Turquie, le but du jeu, à l’époque, relevait du Néo-Ottomanisme. Autant la Syrie que la Libye, sont, après tout, des parties de l’ancien Empire Ottoman, qui ont été arrachées à son emprise par les Français et les Britanniques à la fin de la 1ère Guerre Mondiale. la première  est tombée aux mains de l’Italie au cours de la Guerre turco-italienne de 1911-1912.
  • Pour le Qatar, l’objectif était de s’établir en tant qu’acteur de puissance régionale, non seulement indépendante de l’Arabie Saoudite, mais équivalente à elle, une mission qui aurait été grandement facilitée en établissant des régimes amicaux et alliés du Qatar en Libye et en Syrie, en étendant le contrôle du Qatar sur les hydrocarbures de la région et en obtenant un accès à de nouveaux marchés en Europe. Ce but final de la stratégie qatari-turque était, au départ, la bienvenue pour les partis européens qui favorisaient l’expansion continue vers l’Est (Asie), parce que le pipeline qatari pouvait être utilisé comme une arme politique contre la Russie.

Le grand virage?

Cela dit, cette coalition s’est avérée trop faible pour subjuguer la résistance des forces du gouvernement légitime en Libye et en Syrie, en particulier à la suite de l’implication interventionniste russe en Syrie.

La Turquie s’est avérée le maillon faible de cette coalition grâce, ironiquement, à l’enrôlement des Kurdes par les Etats-Unis comme leur armée sur le terrain en Syrie. Confrontée à l’impossibilité de déloger la présence russe en Syrie, la Turquie a opté pour un changement de cap lui permettant de devenir le « portail des énergies » vers l’Europe, en joignant ses forces avec la Russie, et en adoptant le projet de pipeline du Courant Turc (Turkish Stream ou TurkStream).

Pire, alors qu’à l’origine l’Occident était, généralement, plutôt en faveur de toute forme de « Printemps Arabes », dont les efforts souterrains turco-qataris en Syrie comme en Libye, aux alentours de 2016, il est devenu évident que les inconvénients surpassaient et de loin les avantages. La crise des réfugiés, en particulier (qui se concentre autour de ces deux zones de départ), est devenue une question politique potentielle menaçant le status-quo libéral jusqu’alors non-contesté. Elle a contraint à une réévaluation de la politique d’ouverture totale des frontières, de crainte que des partis démagogiques, comme le Front National en France ou l’AfD en Allemagne, n’engrangent toujours plus de suffrages, en Europe, ou que des mouvements comme le Brexit l’emportent sur une participation rationnelle et équitable à l’Union.

Même aux Etats-Unis, qui n’accueillent pas un afflux massif de réfugiés du Moyen-Orient -Trump marquant légalement son opposition à tout mouvement déstabilisant – se sont trouvés affectés. Le 11 avril 2016, Obama était contraint d’avouer que la Libye a été la « pire erreur » qu’il ait commise au cours de sa Présidence (comme si c’était la seule), alors que l’erreur résidait dans le fait que les Etats-Unis n’ont jamais prévu quoi que ce soit pour organiser l’ère de l’après-Kadhafi. Il n’a pas fait cet aveu à cause de ses regrets pour les citoyens des pays qu’il a spoliés, mais plutôt parce que le chaos résultant de tout cela affectait désormais très négativement les chances de l’emporter de son bras droit et conseillère au Département d’Etat, Hilary Clinton, flanquée de sa propre confidente Huma Abedine, soupçonnée de jouer un double-jeu pour les Frères Musulmans.

Mais c’est, vraisemblablement, Donald Trump qui a porté ce qui risque de devenir un coup fatal pour les ambitions internationales du Qatar, en donnant son feu vert à l’Arabie Saoudite et aux pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), prêts à bondir à la gorge du Qatar, en l’accusant de parrainer directement le terrorisme. Le blocus du Qatar qui s’en est suivi signifie que les dirigeants du pays risquent de disposer de peu de temps et d’argent pour continuer à financer des djihadistes en Libye et en Syrie. En effet, peu de temps après l’instauration du blocus autour du Qatar, l’armée russe a déclaré que la guerre en Syrie, excepté le combat contre Daesh, est quasiment à l’arrêt.

Si on considère que la Turquie et le Qatar se sont avérés les principaux obstacles entravant la résolution du conflit et la fin de la guerre en Libye, on peut envisager l’éventuelle défection de la Turquie, qui pourrait faire suite à l’assaut saoudo-émirato-égyptien contre le Qatar. Cela aura des conséquences non seulement en Syrie, mais aussi en Libye. En effet, on observe déjà de nombreux indicateurs que la situation politique en Libye est en train d’évoluer. Il y a quelques heures, le Maréchal Khalifa Haftar a proclamé la « Libération Totale » de Benghazi, la capitale de la Cyrénaïque et l’ancien bastion des Islamistes. Parmi les groupes armés actifs dans cette deuxième ville de Libye, figuraient le Conseil de la Choura des révolutionnaires de Benghazi, une coalition de milices islamistes comprenant notamment des membres présumés de l’organisation État islamique (EI) et d’Ansar Asharia, un groupe proche d’Al-Qaïda qui a annoncé sa dissolution fin mai.

On peut, aussi, supposer que l’évolution la plus importante au cours de ces derniers mois a été la libération de Saif al-Islam Kadhafi, le fils de Mouammar Kadhafi, par une milice basée à Tobrouk, à la requête de la Chambre des Représentants (alliée politique d’Haftar). Saif al-Islam Kadhafi étant recherché par la Cour Pénale Internationale pour les atrocités commises par le gouvernement libyen au cours de la guerre de 2011, le simple fait de sa libération indique que les bonnes fortunes politiques sont à présent en faveur de la Chambre des Représentants et du Maréchal Haftar, un changement également suggéré par les déclarations du Secrétaire britannique des Affaires étrangères Boris Johnson, appuyant le rôle important joué par Haftar dans la politique libyenne, et par l’aveu du Président français Emmanuel Macron, reconnaissant que la guerre en Libye constitue une erreur magistrale.

Mais, là encore, les dirigeants occidentaux semblent, comme toujours, suivre les grandes tendances plutôt que de les imprimer par leur action propre, puisque la cause première du changement apparaît être l’affaiblissement brutal des positions du Qatar dans la région, orchestrée par ses voisins. L’Egypte est le principal bénéficiaire de cet affaiblissement et le régime Al-Sissi a bien l’intention de tirer la substantifique moelle de cet avantage, à tel point que certains médias pro-Sissi en Egypte, défendent l’idée d’un véritable bombardement du Qatar. Le désarroi qatari est aussi visible lors de l’annonce par l’Armée Nationale Libyenne d’Haftar que l’opposition qatarie lui a fourni une liste entière de citoyens libyens qui travaillent pour les services de renseignements du Qatar.

Une Paix Honorable ou une défaite humiliante ?

La situation du Qatar n’a rien d’enviable. Pour la période en cours, le soutien militaire de la Turquie, des Gardiens de la Révolution Iranienne et l’absence de volonté américaine d’autoriser l’Arabie Saoudite à dévaster complètement le Qatar, sont des points suffisants pour lui permettre de préserver la face, sembler faire preuve de courage et de résistance face à l’adversité. Mais sur le plus long terme, il devra trouver une forme d’accommodement avec au moins l’une des puissances centrales de la région, comme l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis… voire, pourquoi pas, la Russie, un peu de la façon dont la Turquie a retourné casaque, à la suite du risque de conflit direct découlant de l’affaire du Sukhoï-24 russe abattu par ses propres F-16, le 24 novembre 2015.

Ce fait d’une coopération grandissante entre la Turquie et la Russie, sur une grande palette de sujets et la sensibilisation progressive du Qatar à l’intérêt d’un protectorat moscovite, par le biais de visites du Ministre des affaires étrangères ou de la simplification des règles en matière de visa à l’avantage des citoyens russes, suggère que le Qatar envisage au moins, l’éventualité d’un réalignement de ses appartenances en terme d’alliance. Mais, si on considère que les trois puissances qu’on vient de citer sont de l’autre côté de la barricade, en ce qui concerne la question libyenne, il paraît tout-à-fait improbable que le Qatar puisse y maintenir sa guerre par procuration, même avec l’appui des Turcs. Par conséquent, peu importe ce que le Qatar décidera de faire, lors de la prochaine phase, à la suite de son augmentation de sa production de 30% de gaz, il n’aura guère d’autre choix que de mettre un terme à son aventure libyenne comme représentant pour Doha une perte sèche, une action qui ne fera que hâter la fin de cette guerre tragique de plus de six ans.

Par Marc Brzustowski avec agences

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Miraël

Félicitation pour cet excellent article !

Jg

Complique ,mais interessant .
Les alliances sont paraphees sur du sable .
Il faut qu Israel ne tombe pas dans le piege a cons , y compris avec ses relations economiques avec le dictateur turque !